Vivifrail, un programme innovant et accessible pour aider les aînés à retrouver leur autonomie

Après plusieurs chutes à son domicile et dans la rue, Michael Lehrman a commencé, en juin dernier, le programme Vivifrail, proposé depuis ce printemps à la Division de gériatrie de l’Hôpital général juif. Chaque jour, cet octogénaire doit réaliser des exercices simples, requérant des objets du quotidien et mobilisant à la fois la force et l’équilibre: marcher en ligne droite, soulever une bouteille en guise de haltère, presser une balle ou tordre une serviette, se lever d’une chaise avec ou sans aide… Au total, une série de sept exercices à faire cinq fois par semaine, sur une période de 12 semaines. «Certains exercices sont faciles, comme le fait de faire cinq allers-retours en marchant dans mon couloir, qui n’est pas très grand, raconte-t-il. D’autres sont plus compliqués.» Ce programme international, basé sur les données probantes et recommandé par l’Organisation mondiale de la Santé, permet d’évaluer les capacités physiques des personnes âgées et de leur fournir des exercices personnalisés afin d’optimiser leur mobilité et leur autonomie. L’Hôpital Général juif (HGJ) est le premier établissement à le proposer au Québec. «Nous avions d’abord choisi de l’implanter au Centre d’excellence pour la santé durable des aînés Simone et Edouard Schouela [CEDurable, un organisme sans but lucratif, ndlr], puis nous l’avons proposé aux patients de la clinique de prévention des chutes et fractures au sein de la Division de médecine gériatrique», précise le Dr Gustavo Duque, directeur de la division de gériatrie à l'université McGill, de la clinique de prévention des chutes et fractures à l’HGJ et du CEDurable, à l’origine de cette initiative. Le programme a finalement été étendu à toute la Division de gériatrie au printemps 2025. Ne manquez pas: S’asseoir et se relever: un test prédit la mortalité naturelle et cardiovasculaireS’il s’adresse principalement aux personnes de plus de 70 ans frêles, en voie d’être frêles ou ayant un handicap, Vivifrail est en réalité bénéfique à tous les aînés quelle que soit leur condition physique – c’est pourquoi il inclut également des exercices conçus pour les personnes en bonne forme ou en très bonne forme physique. Les personnes âgées sont classées en fonction de leur risque de perte de capacité fonctionnelle, de dépendance et de risque de chute, grâce à un score SPPB établi – «Short Physical Performance Battery», qui évalue la performance physique selon l’équilibre, la vitesse de marche et le lever de chaise – sur une échelle de 1 à 12, le médecin choisit le niveau d’exercice à lui attribuer. Plus le score SPPB est petit, moins la personne est en bonne forme mobile. «Le niveau 12 correspond à une mobilité normale chez une personne âgée», indique ainsi le Dr Duque. C’est l’objectif d’Hana Grinbaum, «79 ans et demi» précise-t-elle, inscrite au programme depuis la mi-juillet pour régler ses problèmes d’équilibre liés à son atrophie optique. Hyperactive, la presque octogénaire a subi plusieurs chutes, dont l’une a abouti à la fracture de son os pubien, l’obligeant à rester alitée pendant trois mois. «J’en ai beaucoup pleuré, c’était très dur. Je devais rester allongée sur le dos, je ne pouvais plus rien faire par moi-même, et c’était très douloureux», se souvient Hana Grinbaum. À découvrir: Le Québec manque de gériatres pour répondre au vieillissement de la populationAdepte des cours de fitness dans le centre communautaire proche de chez elle, elle n’a pas attendu le programme Vivifrail pour soulever des poids et travailler son équilibre. Ce qui lui a permis de rapidement améliorer sa condition. «Le médecin m’a dit que ma force physique était meilleure, je suis passée du score 10 à 11!, se réjouit-elle. J’ai besoin de défis, si c’est trop facile, ça ne va pas.» Impatiente, elle a hâte d’aborder la dernière marche du programme, qui est aussi la plus exigeante. Une fois le score SPPB établi, l'algorithme de l'application Vivifrail propose un programme d'entraînement physique personnalisé et multi-composants, catégorisé de A à E, des exercices les plus simples aux plus compliqués pour développer le renforcement musculaire des bras et des jambes, la rééducation de l'équilibre, la souplesse et d'améliorer la santé cardiaque grâce à la marche. Les exercices diffèrent pour chaque niveau de complexité. Le patient se voit remettre un livret détaillant tous les exercices, leur fréquence et leur durée, ainsi qu’un journal d’activité à remplir lui-même. Selon l’état de départ des patients, leur suivi peut aller jusqu’à un an et demi. À lire aussi: Cancer colorectal: l'exercice physique augmente le taux de survie des patients selon une étudeMais le programme requiert une assiduité que tous les patients n’ont pas. C’est le cas de Michael Lehrman, dont le score SPPB a rétrogradé de 5 à 6, au grand dam de sa femme Paula Schwartz-Lehrman. «Je n’ai pas vu beaucoup de changements chez lui car il ne fait pas les exercices au quotidien comme c’est recommandé, confie-t-elle. Quand il fait beau comme aujourd’hui, il préfère aller se promener, mais il rentre fatigué et n’a plus la force de faire les 30 à 40 minutes d’exercices quotidiens que prévoit le programme. On doit encore trouver un moyen de l’intégrer à sa routine.»C’est pourquoi tous les patients ont un suivi régulier avec le Dr Duque. Une évaluation physique est réalisée à l’hôpital à la fin de chaque session, soit tous les trois mois, avec des exercices spécifiques supervisés par un kinésiologue ou un physiothérapeute. «Je dois monter vingt marches et soulever des poids», explique par exemple Hana Grinbaum. À l’issue de ce rendez-vous et selon les progrès observés, l’équipe de soins peut décider de faire passer la personne au niveau supérieur ou non.Accessible à tous les professionnels de santéCe programme pourrait à terme être déployé dans tous les services de santé et utilisé par un grand nombre de professionnels. En effet, les ressources de Vivifrail sont gratuites pour tous les professionnels de la santé, et le processus d’évaluation n’exige aucun équipement particulier. «Tout le monde peut faire un test SPPB, non seulement les gériatres mais aussi les infirmières, les physiothérapeutes, les psychothérapeutes, les ergothérapeutes, les médecins de famille… C’est une bonne manière de personnaliser une prescription d’activité physique à une personne âgée», observe le Dr Duque. Un tel programme pourrait notamment s’avérer très utile dans les milieux de soins isolés ou éloignés comme dans les communautés autochtones par exemple. «C’est assez difficile de trouver des programmes d’exercices spécialisés pour personnes âgées au Québec, observe le gériatre. Vivifrail pourrait standardiser les pratiques, il ne coûte pas cher au système de santé et est vraiment efficace.»Le CEDurable prévoit d’offrir des formations aux professionnels de la santé qui souhaiteraient proposer Vivifrail à leurs patients âgés.

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