Effet de classe?

Je suis certaine que la scène suivante vous sera familière :Un conférencier présente un médicament qui a démontré un avantage quelconque dans une étude clinique comparé soit au placebo soit au traitement «standard». Une main se lève dans la salle: «Est-ce que c’est un effet de classe?»Vouloir ressembler à un membre de sa familleLe plus récent exemple de ce questionnement concernant «la classe» dans le domaine du diabète: la réduction de la mortalité cardiovasculaire (38 %) et de la mortalité totale (32 %) observée dans l’étude EMPA-REG OUTCOME en utilisant l’empagliflozine (Jardiance) pour les patients diabétiques de type 2 ayant une maladie cardiovasculaire établie.L’empagliflozine est l’un des trois inhibiteurs de SGLT-2 sur le marché canadien complétant la famille avec la canagliflozine (Invokana) et la dapagliflozine (Forxiga). Ces molécules inhibent la réabsorption rénale du glucose, qui sera excrété accompagné de sodium et d’eau. Ainsi, les inhibiteurs de SGLT-2 possèdent un effet diurétique et hypotenseur. L’efficacité hypoglycémiante est similaire pour les trois produits.Alors, les autres inhibiteurs de SGLT-2 auront-ils le même effet bénéfique que l’empagliflozine sur la mortalité? demande-t-on au conférencier.Ce dernier se met typiquement à patiner, surtout si sa conférence est commanditée par le fabricant de la molécule en question ou d’une molécule concurrente. Il dira probablement:«Nous pouvons penser que oui, puisque tous les mécanismes qui sont invoqués pour expliquer ce résultat favorable sont partagés par toute cette classe.»Je rétorque: «Pas forcément, cher docteur, vous formulez une hypothèse.»La seule réponse valable est: «Nous ne le savons pas.» En effet, tant que la molécule concurrente n’a pas démontré dans une étude bien conçue le même bénéfice, personne ne peut présumer du résultat.Renier sa famillePrenons l’exemple des sulfonylurées.Je sais qu’on les dénigre abondamment et sans distinction, en bonne partie pour pousser les nouveaux agents antidiabétiques, mais cette classe est très variée.Les grands-parents de cette famille, qui étaient le tolbutamide et le chlorpropamide, sont bien enterrés. On soupçonnait le tolbutamide d’augmenter la mortalité cardiovasculaire au début des années 1970. La prise du chlopropamide était accompagnée de «flushing» lors de l’ingestion d’alcool. Cet effet secondaire ne se retrouve pas avec les autres sulfonylurées. De plus, la durée de l'effet hypoglycémiant est très différente: quelques heures pour le tolbutamide contre plus de 24 heures pour le chlorpropamide.La plus populaire des sulfonyurées, le glyburide (Diabèta, Euglucon) – le glibenclamide en Europe –, est suspectée, sans que la preuve en soit faite, d’être responsable d’une incidence plus élevée d’infarctus ou d’un moins bon pronostic lors d’un infarctus.Le glyburide diminue le préconditionnement ischémique, lequel peut s’avérer bénéfique s’il y a une diminution du flot sanguin dans les coronaires. Cet effet négatif sur le préconditionnement cardiaque n’est pas partagé par le gliclazide (Diamicron). Son innocuité cardiovasculaire a été démontrée dans l’étude ADVANCE.La grave bêtise du Conseil du médicament, puis de l’INESS, est de rendre l’accès à la gliclazide difficile pour le prescripteur en le gardant sur la liste des médicaments d’exception, d’où l’utilisation d’un produit sous-optimal, le glyburide.Considérations budgétaires, dites-vous? Prix coûtant par jour à la dose maximale pour la version générique: environ 0,25 $ pour le glyburide et 0,40 $ pour le gliclazide. Les nouveaux produits, que l’on prescrira parce que le glyburide pose des problèmes, avoisinent 2,50 $ par jour. Drôles d’économies…Familles dysfonctionnellesIl y a des familles malheureuses aux problèmes variés.En diabétologie, la plus fameuse famille dysfonctionnelle est celle des glitazones. La molécule mère, la troglitazone, ne s’est pas rendue sur le marché canadien grâce à la procrastination de Santé Canada. Bonne chose, pour une fois, car aux États-Unis, la troglitazone a été responsable de plusieurs cas d’insuffisance hépatique, incluant des décès et des transplantations.Les deux filles de cette famille, non toxiques pour le foie, la rosiglitazone (Avandia) et la pioglitazone (Actos), ont connu un déclin d’utilisation, mais pour des raisons différentes. La rosi- a été associé à une mortalité cardiovasculaire accrue, alors que la pio- a été incriminée en raison d'une incidence plus élevée du cancer de la vessie. Par contre, les deux molécules partagent la propension à la rétention hydro-sodée d’où l’œdème périphérique et l’aggravation de l’insuffisance cardiaque fréquents.Le muraglitazar ‒ vous pouvez oublier le nom tout de suite ‒, est mort-né dans un contexte d’augmentation de la mortalité cardiovasculaire durant les études de phase 3.Vous avez sans doute en tête d’autres exemples où des molécules d’une même classe pharmacologique possèdent des vertus et des problèmes distincts.«L’effet de classe» est pour moi une notion qui s’apparente à une croyance plutôt qu’à la science. En tant que tel, ce concept mérite d’être débattu, sinon combattu.

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Derrière ce blogue:

Jana Bryan Havrankova