Statistiques douteuses sur la pandémie

Au début de la pandémie, presque tout le monde était en état de choc, comme un chevreuil au milieu de l’autoroute ébloui par les phares des voitures. Le citoyen absorbait sans broncher le flot quotidien de statistiques présenté par François Legault et ses collaborateurs. Mais après plusieurs semaines de ce régime, une question surgit: peut-on espérer que l’on nous dresse enfin un portrait plus exact de cette pandémie?Il me semble évident que plusieurs des données fournies présentent de sérieuses failles.Nous (Michel Duplessis, neurologue, et moi) avons publié un texte à ce sujet dans Le Devoir du 1er mai.Les réactions des lecteurs ont été nombreuses, généralement positives, mais aussi critiques. J’aimerais connaître les vôtres, d’autant que pour plusieurs, vous êtes «sur le terrain».Nombre de cas d’infection au coronavirusBien entendu, le nombre de personnes déclarées comme infectées dépendra du nombre de tests pratiqués. Plus on fera de tests, plus il y aura des cas confirmés. Cela a été mentionné, mais ne serait-il pas possible et préférable d’exprimer le nombre de cas confirmés en pourcentage des tests effectués ce jour-là? Encore là, ce pourcentage de tests positifs sera plus élevé si le dépistage est réalisé chez les personnes symptomatiques ou à haut risque d’infection, comme c’est le cas présentement. Je comprends que l’on veuille avoir une confirmation pour isoler ces personnes, mais sur le plan des soins, ce ne serait même pas nécessaire. Fait indéniable : le dépistage actuel ne fournit pas le portrait de la propagation du virus dans la population générale.D’une certaine manière, la présence du virus chez une personne asymptomatique devrait nous réjouir. Le porteur du virus, mis en isolement, a la chance de développer les anticorps et participer à cette fameuse immunité collective qui a connu ses heures de gloire, puis un déclin spectaculaire.Personnes «guéries»En entendant cette statistique, plusieurs points d’interrogation se forment autour de ma tête, de sorte que je commence à ressembler à un coronavirus.De quelle façon comptabilise-t-on les personnes guéries? Est-ce que ce sont les personnes qui ont été malades, qui ne le sont plus, qui ont été testées pour le virus et qui sont négatives? Aurait-on utilisé des réactifs précieux pour la confirmation de l’absence du virus chez ces personnes ou se fie-t-on à l’état clinique? Qui les examine et où ? D’où prend-on ces chiffres au juste?Les décès «de la COVID-19»Les décès rapportés sont-ils tous dus à la COVID-19 ou sont-ils survenus chez des individus porteurs du virus?Les causes du décès sont plus faciles à établir à l’hôpital, chez un patient positif au coronavirus présentant le syndrome clinique correspondant. Qu’en est-il dans les CHSLD ? Quelle est la proportion des personnes décédées de la COVID-19 et quelle part est attribuable aux maladies sous-jacentes ou, horriblement, au manque de soins de base comme l’alimentation et l’hydratation?Les décès dus à l’influenza, par exemple, semblent avoir disparu, alors que l’on en compte environ 300 par année selon l’Association pulmonaire du Québec. Par ailleurs, pour l’année 2018, l’Institut de la statistique du Québec rapporte 1 733 décès par «grippe et maladies pulmonaires». Durant l’hiver 2017-2018, on a enregistré 240 décès de toute cause par jour. Je ne veux pas minimiser l’importance de la pandémie, mais avec le nez collé sur ce coronavirus, la perspective s’évanouit.Personnes hospitalisées et aux soins intensifsLe nombre de personnes hospitalisées sera influencé par la possibilité de les renvoyer dans leur milieu naturel une fois guéries. Comme des patients en provenance des résidences pour personnes âgées ne peuvent pas y retourner actuellement, ce qui est tout à fait justifié, le nombre des personnes hospitalisées ne reflète pas nécessairement la gravité de la COVID-19.Il n’y a que le nombre de malades aux soins intensifs qui, je crois, constitue un indicateur de la gravité de la COVID-19.Il ne s’agit pas d’alourdir les présentations officielles par une avalanche de chiffres qui, selon certains, rendrait la population confuse. Au contraire, je plaide pour moins de chiffres: par exemple, laisser tomber le nombre de personnes «guéries», exprimer le nombre de personnes dont le test est positif en fonction du nombre de tests pratiqués, et au moins émettre une réserve concernant l’exactitude de la cause de décès dans certains milieux.Bien entendu, le gouvernement en a plein les bras, mais la Santé publique, ainsi que les CISSS et CIUSSS pourraient aider les politiciens à raffiner leurs présentations au public.Pensez-vous que j’exagère? Que j’en demande trop? Que la population n’est ni intéressée par ces précisions ni capable de les comprendre, comme certains l’ont suggéré?

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Jana Bryan Havrankova