Santé Québec et la pratique hors d'un établissement du réseau de la santé et des services sociaux

Selon ma compréhension du projet de loi en ce qui concerne l’organisation des services médicaux, le gouvernement souhaite pouvoir réguler l’offre de services de santé tant dans son réseau public que dans le secteur privé. Pour ce faire – peu importe le lieu de pratique –, le médecin doit détenir un statut et des privilèges au sein de l’établissement auquel est rattaché le département territorial de médecine de famille ou spécialisée pour qu’il puisse être rémunéré en vertu d’une entente conclue entre le ministre et les Fédérations (article 19, Loi sur l’assurance maladie). Pour ce qui est des médecins non participants au régime, c’est par le biais d’une entente que leur contribution pourra être encadrée, s’ils souhaitent donner des services à des clientèles qui leur seraient dirigées par un établissement. Je n’aborderai pas ici les subtilités liées aux ententes selon le lieu de pratique. Voici ce qui retient mon attention quant au type de relation possible entre Santé Québec et les médecins dont le lieu d’exercice a lieu hors d’un établissement. Le cadre général (articles 445 à 460) Santé Québec peut conclure avec une personne ou un groupement une entente aux fins de: la fourniture, pour le compte d’un établissement de Santé Québec, de certains services de santé ou services sociaux requis par un usager de cet établissement; la prestation ou l’échange de services professionnels en matière de services de santé ou de services sociaux. Les cliniques médicales associées Concept déjà existant, les cliniques associées englobent (article 452): un cabinet privé de professionnels; un laboratoire visé par la Loi sur les laboratoires médicaux et sur la conservation des organes et des tissus (chapitre L-0.2); un centre médical spécialisé participatif, c’est-à-dire dont les médecins de ce centre médical participent au régime d’assurance maladie. Question: Bien que le libellé de l’article 452 soit un calque (avec adaptation) de l’article 349.1 de la LSSSS, je crois que le législateur devrait lever une ambiguïté. En effet, on pourrait conclure qu’une clinique médicale désignée GMF par exemple ne pourrait être couverte par cette section, car les articles font mention uniquement de services médicaux spécialisés. Est-ce que le législateur considère que la médecine de famille est une spécialité (statut obtenu de longue lutte il y a quelques années déjà) ou est-ce qu’il considère que le cadre général comblera les besoins d’association avec les GMF et autres types de cliniques de médecine de famille? Tout comme dans la LSSSS, l’article 460 spécifie ceci: (…) En outre, les services fournis par un médecin dans le cadre d’une entente visée à l’article 454 sont réputés, aux seules fins de la rémunération de ce médecin, rendus au sein de l’établissement qui dirige l’usager vers la clinique médicale associée. Question: Peut-on rêver d’un partenariat avec les médecins, à la sauce «Kaiser Permanente», qui pourrait survenir une fois les premiers pas franchis? Ce projet pourrait-il nous aider à réaliser ce rêve, ultérieurement? Très brièvement, Kaiser Permanente est un consortium américain de soins intégrés, basé à Oakland fondé en 1945 par l'industriel Henry J. Kaiser et le médecin Sidney Garfield. Kaiser Permanente se compose de trois groupes d'entités distincts mais interdépendants: le Kaiser Foundation Health Plan, Inc. et ses filiales opérationnelles régionales, les Kaiser Foundation Hospitals et les groupes médicaux régionaux Permanente. Bien que le mode de rémunération des médecins soit le salariat bonifié par des primes au rendement, les médecins se bousculent pour pouvoir y détenir un poste. Les centres médicaux non participatifs La notion de centre médical spécialisé où exercent des médecins non participants est préservée et est désignée comme centre médical non participatif. Avec l’autorisation préalable du ministre, Santé Québec peut conclure une entente avec ce centre médical. Cette autorisation est aussi nécessaire dans la situation où un service assuré est considéré comme non assuré, par exemple certains examens d’imagerie en clinique privée. Question: Est-ce que la clientèle prête à payer directement ou par l’entremise d’un assureur privé sera suffisamment nombreuse pour soutenir un modèle d’affaires ne reposant d’aucune manière sur une clientèle dirigée par un établissement de Santé Québec en vertu d’une entente? Ce sera, je crois, le choix de médecins dont une grande partie des effectifs se retrouvent déjà dans le secteur privé (par exemple, la dermatologie) et qui ne souhaitent pas détenir un statut au sein d’un établissement. Et qu’en est-il des «hôpitaux privés» dont il a été question en période électorale? L’article 485 répond à cette question. Voici ce qu’il dit: Une autorisation de Santé Québec permettant l’exploitation d’un établissement privé est requise pour exploiter une entreprise qui consiste à offrir à une clientèle un ensemble de services comparable à l’un de ceux pouvant être offerts par un établissement public, lorsque tout ou partie de ces services doivent être fournis par un médecin, une infirmière praticienne spécialisée ou tout autre professionnel de la santé ou des services sociaux déterminé par règlement de Santé Québec. Un règlement de Santé Québec détermine et classifie les ensembles de services comparables à ceux qu’offrent les établissements publics. À cette fin, elle considère notamment, outre la nature même des services, leur importance eu égard à l’étendue de ceux qui seraient normalement fournis par un établissement public à des usagers présentant les mêmes caractéristiques que celles de la clientèle à laquelle est destinée l’offre de services de l’entreprise (…) Un peu plus loin, à l’article 490, il est spécifié ceci: (…) Dans le cas d’une autorisation permettant l’exploitation d’un centre médical spécialisé ou d’un établissement privé au sein duquel exercent des médecins soumis à l’application d’une entente conclue en vertu de l’article 19 de la Loi sur l’assurance maladie, une telle condition peut également consister dans l’obligation pour le titulaire de l’autorisation d’exiger de certains ou de l’ensemble de ces médecins la prise d’un engagement à exercer certaines activités au sein d’un établissement public (…) Question: Peut-on penser que le ministre réussira à procurer une meilleure accessibilité aux services sous le grand parapluie d’un régime public en mobilisant les médecins autour d’un projet commun, soit une responsabilité populationnelle assumée par les médecins et les autres professionnels de la santé? Quitte aussi à miser sur des initiatives de propriété privée offrant des services répondant aux exigences d’universalité et assumés par les fonds publics? L’enjeu ici est de préserver un accès aux soins qui soit universel et couvert par le système public tout en ayant un rapport qualité-prix au moins comparable à celui du secteur public. Que nous réserve l’avenir? Je vais prendre connaissance des représentations des organisations qui touchent le plus à la pratique médicale (ainsi que bien d’autres) pour jauger les tendances qui se dessinent et alimenter ma réflexion sur les thèmes à aborder dans de prochains billets.

Gouverne clinique

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Derrière ce blogue:

Alain Larouche

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