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Outaouais — un campus satellite par la communauté, pour la communauté

Pour attirer et retenir des médecins en région, l’ouverture de campus satellites est une solution de plus en plus envisagée. Récit de l’expérience positive du Campus Outaouais de l’Université McGill.
27/03/2024
Campus Outaouais de l'Université McGill
Le Campus Outaouais de l'Université McGill. Photo: Université McGill

Jouxtant l’Hôpital de Gatineau s’élèvent les nouveaux locaux du Campus Outaouais de l’Université McGill. «Comme tu peux voir, c’est très technologique et lumineux», commente la Dre Danyèle Lacombe, doyenne associée et directrice du Campus Outaouais de la Faculté de médecine et des sciences de la santé (FMSS) de l’Université McGill, qui nous guide à travers les différentes salles et laboratoires.

Après plusieurs années de travail en Outaouais, le campus a ouvert ses portes en 2020 (et a accueilli en présentiel ses premiers étudiants en 2021), faisant de McGill la dernière université à ouvrir un campus de médecine décentralisé. «Tout cela est possible grâce à la participation active de la communauté médicale de la région», poursuit la Dre Lacombe. En effet, il fallait bien trouver des médecins — qui sont déjà très sollicités et occupés — pour offrir tous ces cours. 

Depuis peu, les étudiants provenant du cégep peuvent suivre leur année préparatoire en français grâce à une collaboration entre l’Université McGill et l’Université du Québec en Outaouais. «Ça répond à un besoin», souligne la Dre Lacombe. En effet, pour les étudiants de la région, pouvoir faire son parcours complètement en français au Québec a une forte valeur symbolique et identitaire.

«Ma première langue c’est le français, et Gatineau, c’est ma ville. Je n’ai pas eu besoin de réfléchir longtemps pour envoyer une demande d’admission», confie Hélène Rukundo, étudiante de deuxième année et présidente de sa classe, qui a été admise en médecine après un détour par l’ergothérapie.

La Dre Danyèle Lacombe. Photo: courtoisie
La Dre Danyèle Lacombe, du Campus Outaouais McGill. Photo: courtoisie

Un campus à échelle humaine

Lumineux et à la fine pointe de la technologie, le Campus Outaouais fait probablement des jaloux parmi les étudiants du campus montréalais de l’Université McGill, même si le contenu du programme est identique.

C’est aussi un campus à échelle humaine. Hiérarchie moins rigide, horaires flexibles, proximité avec les médecins superviseurs : faire partie d’une plus petite cohorte comporte des avantages certains. «C’est comme un petit village, on se connaît. Durant les stages, on a accès directement à nos tuteurs, sans devoir passer par différents niveaux de hiérarchie. Ça facilite la communication et l’apprentissage», décrit Hélène Rukundo.

À titre d’exemple, les étudiants ont plus rapidement la chance de pratiquer une intubation ou d’assister lors d’une chirurgie. «On est davantage autonome dans nos apprentissages, ce qui n’est pas toujours le cas dans les grands centres», renchérit Wassim Elmasry, étudiant de 3e année. Celui qui est né et a grandi en Outaouais est revenu à Gatineau après un bref passage à Montréal pour y aller au cégep. «On a une très belle communauté sur le campus. Le fait que ça soit un petit milieu, ça rapproche les gens», note-t-il. 

«Le Campus Outaouais s’intègre à la communauté, et la communauté adopte le campus et la mission de l’Université de former la relève», poursuit la Dre Lacombe. Ainsi, les étudiants jouent un réel rôle dans leur milieu d’accueil, avant même d’avoir obtenu leur diplôme. Avec un collègue, Wassim Elmasry a par exemple mis sur pied Explore MD, des journées d’exploration des études médicales offertes aux étudiants du cégep et du secondaire. «On trouvait qu’il y avait un manque d’exposition à ces choix de carrière», affirme Wassim. L’initiative a tellement été populaire qu’une journée de découverte à même le campus a dû être organisée. 

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Des besoins à combler

Comme un peu partout au Québec, l’Outaouais manque de médecins de famille. «L’Outaouais aurait besoin d’au moins une soixantaine de médecins qui pourraient travailler en clinique, en CHSLD, à domicile, au guichet d’accès», énumère le Dr Marcel Guilbault, chef du Département régional de médecine générale (DRMG) de l’Outaouais. L’Ontario continue de faire de l’œil au personnel de la santé québécois. La région a fait beaucoup de chemin; «quand j’ai commencé à pratiquer en Outaouais, on envoyait les patients en Ontario pour voir un spécialiste, ou faire faire des tests», se souvient le Dr Guilbault. Mais la COVID a porté un dur coup au système de santé en Outaouais. «On ne sait pas trop ce qui s’est passé, on a perdu des gens. Peut-être qu’ils ont pris leur retraite avant le temps», pense le Dr Guilbault, qui explique que la fonction publique fédérale voisine, à Ottawa, est attirante pour ceux et celles qui décident de changer de carrière. 

À une quinzaine de kilomètres d’Ottawa, Gatineau doit en effet rivaliser avec l’attrait de la capitale. «La mobilité vers l’Ontario reste un défi», soutient le Dr Guilbault. Les médecins ontariens n’ont pas les mêmes contraintes administratives. «Ils n’ont pas l’épée de Damoclès au-dessus de leur tête d’être amputé de 30 % de leur salaire s’ils ne font pas telle activité obligatoire», observe-t-il.

Il y a quelques années, les jeunes de la région qui voulaient étudier la médecine devaient le faire à l’Université d’Ottawa, ou sinon, déménager au plus proche à Montréal. Or, partir, c’est risquer de ne pas revenir. «Si on se familiarise avec le système de santé d’une autre province durant ses études, c’est sûr que ça peut être tentant d’y rester», concède Hélène Rukundo.

La même dynamique est à l’œuvre lorsque les étudiants doivent sortir de leur région natale pour faire médecine ; d’où l’intérêt d’un campus décentralisé. «Un étudiant qui est en contact avec la région pendant quatre ans a plus de chance d’y rester ou d’y revenir», fait valoir le Dr Guilbault. Les expériences des autres campus décentralisés montrent qu’environ 25 à 30 % des étudiants formés dans une région y reviennent. 

En étudiant au Québec, les étudiants se familiarisent avec le fonctionnement du système, mais surtout, avec ses besoins. «En intégrant les cliniques durant les stages, on voit les besoins en médecine familiale», croit Valérie Guay, étudiante en troisième année. «J’ai envie d’aider ici, même si c’est stressant, parce que l’accessibilité est difficile et le fardeau est important», résume-t-elle.

Originaire de la région, Valérie Guay a d’abord étudié et travaillé en sciences infirmières, et a constaté de visu les besoins de la population en travaillant à l’urgence de l’Hôpital de Gatineau. 

La Dre Lacombe, qui pratique la médecine familiale en Outaouais depuis 2008, est aussi attachée à la région, et note un esprit communautaire dans la pratique : «C’est intéressant parce que ce n’est pas rural, mais ce n’est pas hyper urbain non plus.» 

Poursuivre les efforts

Pour l’instant, le Campus Outaouais offre des résidences uniquement en médecine familiale. «Si les étudiants veulent se spécialiser, ils doivent quitter, et on les perd (pour un moment, du moins)», constate Valérie Guay. Des discussions sont toutefois en cours pour offrir davantage de résidences en Outaouais. Avec le projet de nouvel hôpital dans les cartons, «la vision à long terme, c’est de faire de Gatineau un pôle d’excellence en santé», remarque Dre Lacombe. Cette vision passe par ailleurs par la formation — et la rétention — d’autres professionnels de la santé dans la région. 

Gatineau devrait donc voir arriver dans les prochaines décennies un nouvel hôpital. «Peut-être qu’on pourrait récupérer des gens qui sont partis en Ontario… l’environnement de travail est important, pas juste le salaire», songe le Dr Guilbault… si la construction ne prend pas trop de retard. Parce que de l’autre côté de la rivière, l’Hôpital d’Ottawa a aussi un vaste projet de modernisation avec la construction de son campus civique. «On aimerait que l’hôpital de Gatineau soit fini avant ou en même temps, pour ne pas perdre de personnel», dit le Dr Guilbault.

À voir la passion qui brille dans les yeux des étudiants, les efforts en valent la chandelle, estime la Dre Lacombe : «Ça me touche de voir qu’il y a de la relève médicale, et que ça se passe ici. Même si on sait que certains vont quitter la région, le fait de faire leurs études ici a un impact auprès des communautés», conclut-elle.

Ce reportage a été rendu possible grâce aux bourses d’excellence de l’Association des journalistes indépendants du Québec (AJIQ).

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