Les coûts reliés à l'obésité: analyse économique et stratégies préventives

Le gouvernement du Québec a récemment maintenu sa position de ne pas reconnaître l'obésité comme une maladie, une décision qui suscite d'importants débats au sein de la communauté médicale et parmi les professionnels de la santé. Au-delà des considérations nosologiques, l'obésité engendre des coûts considérables pour le système de soins et pour la société dans son ensemble. Cette réalité économique soulève une question fondamentale:«Comment le Canada et le Québec peuvent-ils mieux gérer l'impact financier de l'obésité, et quelles stratégies seraient les plus efficientes pour réduire ce fardeau?»Le fardeau économique de l'obésitéLes estimations des coûts associés à l'obésité convergent malgré des méthodologies variables. Selon le rapport de Novo Nordisk (2024), l'obésité représente 10,6% des dépenses de santé au Canada, l'un des taux les plus élevés parmi les pays de l'OCDE. L'impact économique global est estimé à 3,6% du produit intérieur brut (PIB) canadien, soit environ 190 milliards de dollars annuellement, incluant 68 milliards en coûts directs de soins de santé et 122 milliards en pertes de productivité.À consulter: Perte de poids: les recommandations sur la durée de l'activité physique sont-elles optimales?Les données issues de nos recherches (Cousineau et Thibault, à paraître) corroborent ces chiffres, situant également l'impact économique de l'obésité au Canada à 3,6% du PIB. Les valeurs observées au Québec suivent une tendance similaire. Ce fardeau financier s'alourdit avec l'augmentation constante de la prévalence de l'obésité: au Québec, celle-ci est passée de 23,9% en 2015 à 27,6% en 2021, une progression préoccupante qui laisse présager une hausse proportionnelle des coûts associés.Convergence des analyses malgré des méthodologies distinctesIl est notable que, malgré des approches méthodologiques différentes, nos analyses et celles de Novo Nordisk aboutissent à des conclusions remarquablement similaires. Notre étude s'appuie sur des analyses de régression multiples intégrant les dépenses de santé et la prévalence de l'obésité pour estimer leur impact sur l'espérance de vie. Novo Nordisk, quant à elle, utilise une approche épidémiologique et actuarielle pour calculer l'incidence économique de l'obésité sur le système de soins et le marché du travail.Cette convergence des résultats, malgré ces différences méthodologiques importantes, renforce la fiabilité des conclusions et souligne l'ampleur indéniable de l'impact financier de l'obésité sur notre système de santé.À lire aussi: L'environnement alimentaire du Canada est pitoyable, dit une étudeStratégies pour réduire les coûts: prévention ou traitement?Face à ce défi économique majeur, deux approches principales se distinguent:La préventionLes approches thérapeutiques émergentes comme la chirurgie bariatrique et les avancées pharmacologiquesLa prévention: un investissement rentable – Les données présentées dans notre manuscrit démontrent que chaque réduction de 1% de la prévalence de l'obésité générerait un gain économique d'environ 245 millions de dollars. Le rapport de Novo Nordisk évalue ce gain à 230 millions de dollars. La promotion de l'activité physique, la réduction des comportements sédentaires et l'adoption d'une alimentation équilibrée constituent des stratégies préventives dont le ratio coût-efficacité est particulièrement avantageux. Paradoxalement, seulement 5% des budgets de santé sont actuellement consacrés à la prévention. Un investissement plus conséquent dans ce domaine pourrait considérablement réduire les coûts à long terme tout en améliorant la qualité de vie de la population.La chirurgie bariatrique – Cette intervention permet une réduction significative de l'excès pondéral, atteignant jusqu'à 20% de l'indice de masse corporelle. Malgré son efficacité démontrée, cette procédure demeure invasive, coûteuse, et ne peut constituer une solution applicable à l'échelle populationnelle.Les avancées pharmacologiques – L'utilisation des agonistes des incrétines (comme le sémaglutide) suscite actuellement un intérêt considérable dans la communauté médicale. Cependant, cette approche pharmacologique représente un investissement financier majeur. Selon nos estimations, la couverture de cette médication par le régime public de la RAMQ pour l'ensemble de la population obèse du Québec pourrait mobiliser jusqu'à 25% du budget total de la santé.Cette perspective de dépense massive nécessite une analyse rigoureuse avant toute adoption à grande échelle. À cet égard, une étude évaluative est actuellement menée par l'Institut national d'excellence en santé et en services sociaux (INESSS) pour déterminer la place optimale de ces traitements dans l'arsenal thérapeutique québécois.Nécessité d’une approche intégrée et équilibréeLes données économiques sont sans équivoque: l'obésité exerce une pression considérable sur les finances publiques du Canada et du Québec. Si les avancées thérapeutiques, notamment pharmacologiques, offrent de nouvelles perspectives prometteuses, leur coût demeure un obstacle majeur à leur généralisation.Face à ce constat, trois axes d'intervention complémentaires méritent d'être privilégiés :Renforcer les mesures préventives en augmentant substantiellement les investissements dans les programmes d'activité physique, d'éducation nutritionnelle et de lutte contre la sédentarité.Optimiser l'allocation des ressources selon un principe de subsidiarité, en élargissant notamment les prérogatives thérapeutiques des professionnels de la santé impliqués dans la prise en charge des personnes obèses (nutritionnistes, kinésiologues, etc.).Développer des parcours de soins intégrés permettant un suivi holistique des patients, combinant approches pharmacologiques, nutritionnelles et activité physique adaptée.L'adoption d'une telle stratégie multidimensionnelle permettrait non seulement de réduire significativement le fardeau économique de l'obésité, mais également d'améliorer la santé globale de la population québécoise et canadienne, générant ainsi des bénéfices qui dépassent largement le cadre financier.RéférencesCousineau, D., et Thibault, G. (à paraître). Alerte sédentarité, obésité – Regards croisés sur les déterminants de la santé et la prévention.Novo Nordisk. (2024). Priorités pour le budget du Québec 2024-2025 Soumission pré budgétaire au ministère des Finances.Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) (2023). Panorama de la santé.Institut national d'excellence en santé et en services sociaux (INESSS) (2024). Évaluation en cours sur les agonistes des incrétines dans le traitement de l'obésité.

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