Le baccalauréat obligatoire: un bouleversement s’annonce-t-il?

Depuis que l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (OIIQ) a fait valoir la nécessité du baccalauréat comme norme d’entrée dans la profession, les avis favorables se sont fait nombreux.Actuellement, au Québec, les infirmières titulaires d'un baccalauréat représentent 34 % de l'effectif. Ailleurs au Canada, cette proportion atteint 42 % et aux États-Unis, 50 %. Ces chiffres ne feront qu’augmenter.Pourquoi le baccalauréat pour les infirmières québécoises ? Parce qu'avec la loi 90 et la loi 21, le champ d'exercice de l'infirmière s'est élargi. Que l'on pense simplement à l'évaluation de la condition physique et mentale d'une personne symptomatique ou à la surveillance clinique et au suivi infirmier des patients affligés de problèmes de santé complexes ou chroniques, pour ne nommer que ces exemples. Le jugement clinique sera plus que jamais au coeur des soins prodigués par les infirmières.Pourtant, la formation dispensée dans les cégeps n'a pas connu de réelle transformation au fil des ans, faisant en sorte que certaines infirmières assumeraient des responsabilités pour lesquelles elles ne seraient pas bien préparées.Le baccalauréat prend toute sa pertinence également parce que les technologies utilisées sont de plus en plus raffinées, que les soins de première ligne et à domicile vont connaître un déploiement sans précédent dans les prochaines années et que, facteur non négligeable, la formation qui concerne certains soins n'est donnée qu'à l'université. On pense par exemple au suivi systématique des clientèles ou encore aux soins coronariens.L'’autonomie accrue et un plus grand leadership professionnel sera exigé de la part des infirmières dans l'avenir et cela justifie pleinement le rehaussement de la formation, estiment l’OIIQ et de nombreux acteurs du milieu de la santé.Chez les principales concernées, on semble applaudir au baccalauréat obligatoire. Un sondage mené par l’OIIQ auprès de ses membres à la fin de 2011 laisse penser que 60 % des répondantes appuient cette proposition. De façon plus unanime, les répondantes s'entendent aussi sur le fait que les infirmières seront appelées à assumer des responsabilités importantes dès le début de leur carrière et reconnaissent que les besoins des patients sont de plus en plus complexes.Lors d’une rencontre avec Profession Santé, le 8 juin, le ministre de la Santé a réitéré son appui au baccalauréat comme norme d’entrée dans la profession. Il avait déjà manifesté son accord de principe lors du congrès annuel de l'OIIQ en octobre dernier. Yves Bolduc insiste cependant sur l’importance que le baccalauréat obligatoire soit appliqué de manière progressive, sur plusieurs années, et en recourant à la formule DEC-BAC de façon à assurer le maintien des programmes de soins infirmiers dans les institutions collégiales.Le ministre de la Santé exige aussi qu'un consensus en faveur du baccalauréat soit obtenu de la part des différents syndicats représentant les infirmières, ce qui n’est pas encore gagné. Certains d'entre eux ont déjà fait connaître leur opposition. Quant à la Fédération interprofessionnelle du Québec (FIQ), elle se donne encore plusieurs mois pour faire savoir à quelle enseigne elle loge à ce sujet.Osons quand même quelques prédictions sur les conséquences possibles du baccalauréat obligatoire : le nombre de candidates à la profession infirmière diminuera forcément. Certaines personnes ne souhaitent pas aller à l’université. Pour celles-là, le DEC en soins infirmiers était un choix. Ce ne le sera plus. C’est d’ailleurs l’un des éléments que déplore la Fédération de la santé du Québec (FSQ-CSQ), syndicat qui représente entre autres le personnel infirmier de Laval.Le resserrement des effectifs infirmiers est envisageable aussi parce que les universités n’ont ni l’espace ni les ressources pour accueillir l’ensemble des cohortes étudiantes en soins infirmiers inscrites aujourd’hui dans les cégeps.D'un autre côté, il n’est pas absolument certain qu’une réduction des effectifs infirmiers dans l'avenir sera dramatique. Le système de santé se transforme et la façon dont les soins sont donnés se transforment aussi. Avec l’élargissement des rôles, l’évolution des pratiques et la délégation, les infirmières dispenseront de plus en plus d'actes posés jusqu'à ce jour exclusivement par les médecins.C'est déjà le cas pour les infirmières praticiennes spécialisées (IPS) et, en bonne partie, pour les infirmières cliniciennes dans les groupes de médecine familiale (GMF). Cet effet de domino profitera aussi aux infirmières auxiliaires, qui se voient maintenant déléguer certaines activités qui étaient jusqu'alors exclusives au champ de pratique des infirmières. Dans l'éventualité du baccalauréat comme norme d'entrée pour la profession d'infirmière, il y a fort à parier que les soins au chevet du patient seront assurés surtout par les infirmières auxiliaires.Le rehaussement de la formation, basé sur les besoins actuels et futurs de la population, fait partie des moyens qui permettent à un groupe de professionnels de faire la démonstration qu'il est habilité à prendre en charge de nouvelles responsabilités. C'est ce qu'on voit chez les infirmières aux États-Unis et le Québec ne fera pas exception.

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Caroline Baril