Comment arrêter un docteur?

Comment arrêter un docteur? Je parle pas de la police, là. Je parle pas non plus des «vacances» pendant lesquelles la majorité des docteurs continue de travailler, ne serait-ce que pour vérifier les labos ou répondre à ceux qui appellent et à qui on n’ose pas trop dire qu’on n’est pas sensé être disponible. Je parle pas du docteur qui ralentit parce qu’on a besoin de lui, quand les enfants ont des rendez-vous ou qu'ils recommencent l’école. Quand il faut déménager un proche en urgence. Quand le frigo décide de rendre l’âme ou encore quand un clou décide que c’est un bon moment, la semaine de garde de soins à domicile, pour tester les pneus (et/ou la patience). Je ne parle pas du docteur qui tombe bêtement dans les marches de la véranda, mouillées par la pluie, en sortant le chien, tard le soir. Ni de celui qui se retrouve le visage lacéré par ses lunettes brisées et un majeur qui essaie de jouer à Tetris avec les dalles de l’interlock et qui finit par faire lui-même la réduction fermée dudit majeur en se tapant un choc vagal, au passage. Je ne parle pas du docteur qui s’obstine à voir tous les patients prévus en plus de sa garde 24/7, y compris ceux de la journée passée à l’hôpital en urgence. Je ne parle pas du docteur qui avait prévu des visites de courtoisie de ses patients hospitalisés, histoire de documenter le dossier pour assister ses collègues, pour qui le rendez-vous de suivi en plastie s’est plutôt terminé en chirurgie. Je ne parle pas du docteur qui tentait encore de trouver une façon de voir ses patients, la main arrangée à la Wolverine avec des broches qui sortent sous le plâtre. Je ne parle pas du docteur qui prescrit des narcos à la journée longue et qui s’obstine malgré tout à se soulager lui-même avec du Tylenol pour ses fractures.Ça arrête pas vraiment, un docteur de même. En fait, je parle du docteur qui s’autoriserait une pause, une vraie. Je parle du docteur qui penserait un peu à lui, pour une fois. À ce docteur-là, la question et la réponse trouveraient facilement preneur. Parce que pour certains, même la recette ci-haut, mijotée disons à l’intérieur d’un seul mois, ça ne suffit pas. Pour certains, même ajouter dans le «mix» un climat politique défavorable à la première ligne, une région où les soins sont de véritables crève-faims et une pratique où les effectifs se font plus rares que d’la merde de pape, ça suffit pas, pour arrêter un docteur comme celui à qui j’adresse mon questionnement. Un docteur qui aime sa job et ses patients jusqu’à s’oublier, comme ça. Un docteur qu’on ne peut blâmer, puisqu’il reçoit le même amour en retour. Le nouveau frigo pourrait en témoigner, avec sa sauce à spaghetti offerte par une patiente et sa soupe apportée par une infirmière du SAD. Un docteur qui se fait aussi proposer, par l’épouse octogénaire d’un patient de RPA, infirmière de formation, la prise des signes vitaux des patients suivants. En fait, je vous pose la question parce qu’à date, la seule piste de réponse trouvée, pour un docteur comme celui concerné, ne fait qu’alimenter la source du problème. Comment arrêter un docteur? Quand ses patients ou leurs familles, aussi vulnérables soient-ils, le supplient de le faire… parce qu’ils ont besoin de le garder et qu’ils ne peuvent se permettre de le perdre, lui aussi. Oui, ça peut ralentir la cadence, pour un docteur comme ça. Et si ça venait de sa propre famille, cette demande? Mmm. Comment arrêter un docteur… Un système brisé? Non.Lui briser la main? Le frigo? Non plus.Risquer le bris de son alliance thérapeutique avec ses patients? On avance. Lui briser le cœur? Bingo.

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Derrière ce blogue:

Cynthia Lauriault

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