Voici pourquoi ce psychiatre n'a jamais fait de burnout

Le Dr David Heath, psychiatre retraité de la région de Waterloo, en Ontario, m'a aidé à écrire ce texte. Il n’a jamais fait de burnout en 60 ans de carrière en tant que psychiatre. Il attribue cela à sa passion pour la psychiatrie à domicile et au fait qu'il changeait d'emploi chaque fois qu'il sentait qu'il s'essoufflait.«Les psychiatres représentent un groupe à haut risque parmi les médecins pour ce qui est de l'épuisement professionnel, de la consommation d'alcool et de drogues, du risque de suicide et d'autres formes de stress lié au travail.»1La psychiatrie a connu des changements importants en un laps de temps relativement court, ce qui peut nécessiter une adaptation constante à de nouvelles méthodes de travail pour de nombreux psychiatres.La psychiatrie est également passée d'une discipline privative de liberté à une discipline thérapeutique. Simultanément, les attentes de la société se sont considérablement accrues: les gens recherchent une aide psychiatrique non seulement pour soulager leurs troubles, mais aussi pour résoudre de nombreux problèmes de la vie quotidienne, alors que de nombreux psychiatres ne se sentent pas équipés ou à l'aise pour assumer de tels rôles; les psychologues peuvent aider, mais ne sont souvent pas couverts par une assurance.On est passé d'une attitude paternaliste à l'égard des personnes souffrant de maladies mentales à un partenariat thérapeutique. De leur côté, les proches de ces personnes nourrissent des attentes irréalistes quant aux résultats de la thérapie. Dans de nombreux pays développés, les psychiatres font état d'une charge de travail excessive qu'ils tentent d'assumer dans le cadre de systèmes manifestement inadéquats et sous-financés. La société attend de plus en plus des psychiatres qu'ils soient précis dans la prédiction des risques de violence et de suicide chez leurs patients, même s'il est bien connu que cette tâche est souvent impossible.À lire aussi: Burnout chez les médecins: qui sont les plus à risque?Presque parallèlement à ces changements, les psychiatres se disent angoissés par la fréquence accrue des interactions en personne - souvent agressives - avec les patients.Éviter l'épuisement professionnel par le changementLe premier poste du David Heath a été celui de psychiatre universitaire pendant cinq ans, de 1973 à 1978. Il était le directeur d'une clinique de santé mentale et d'un service d'hospitalisation. Puis, lorsque cela n'a pas fonctionné, il est devenu consultant en psychiatrie pour les services de probation et de libération conditionnelle, les prisons locales, ainsi que pour les patients hospitalisés. Il a décidé que la psychiatrie universitaire n'était pas faite pour lui et est devenu directeur médical du service psychiatrique de l'hôpital Grand River à Kitchener/Waterloo en 1978.En 1982, lors d'une grave pénurie de lits disponibles, le Dr Heath a pris connaissance d'une étude canadienne montrant que certains patients destinés à être hospitalisés pouvaient être traités à domicile. C'est dans ce contexte qu'il a fondé le premier service de traitement intensif à domicile (STID) du Canada, appelé Hazelglen, en 1989. En 1998, il crée un deuxième STID à Cambridge.En 1991, il a ajouté de la variété à son travail en s'impliquant dans une clinique rurale de santé mentale dans la petite ville de Listowel toutes les deux semaines pendant cinq ans. Pendant tout ce temps, il a toujours exercé en cabinet privé chaque après-midi. Lorsque le NPD de Bob Rae a commencé à récupérer des fonds en 1996, il en a eu assez de l’Assurance-santé et a accepté un poste salarié à mi-temps au Homewood Health Centre en psychiatrie gériatrique. Cela lui a permis de prendre un poste en psychiatrie gériatrique communautaire au Seniors Mental Health Cambridge Memorial Hospital en 1998.En 2004, une nouvelle opportunité s'est présentée à Homewood Health Centre - psychiatre dans une équipe rurale de traitement communautaire assertif (TCA) dans la petite ville de Fergus, en Ontario.En 2007, à l'âge de 64 ans, il a entamé le processus graduel de la retraite. Il quitte l'équipe TCA et Hazelglen et commence à travailler comme consultant à la compagnie d'assurance Sun Life Financial dans la section des assurances invalidité de groupe. Il continue à s'occuper de la santé mentale des personnes âgées et ajoute un poste de professeur clinique adjoint au département de médecine familiale de McMaster, où il enseigne la psychiatrie aux résidents une fois par semaine.En 2011, il a ajouté un autre poste hebdomadaire pour les soins collaboratifs au sein de l'équipe de santé familiale New Vision pendant trois ans. Il a finalement pris sa retraite en juin 2023, à l'âge de 80 ans.À lire aussi: Rapport de Burnoutville: Démissionner ou ne pas démissionner?Il avait également des passe-temps. Il a commencé à apprendre le violoncelle au début de la trentaine et a rejoint un orchestre en 1980. Il a apprécié le défi et s'est fait beaucoup d'amis au sein de l'orchestre, sans parler de la musique. Dans la quarantaine, il a appris à jouer de la cornemuse et s'est joint à un groupe de musique.Qu'est-ce qui fait la spécificité de la psychiatrie?La psychiatrie est confrontée à toutes les causes d'épuisement professionnel auxquelles les médecins doivent faire face, mais elle est aussi plus fréquemment confrontée au suicide, qui est difficile à prévoir et provoque beaucoup de chagrin et de culpabilité chez les survivants, y compris chez le psychiatre. Auparavant, les patients étaient internés dans des hôpitaux psychiatriques qui ont, depuis, été mis hors circuit. Aujourd'hui, beaucoup de ces personnes se retrouvent dans la population des sans-abri.David recommande un débriefing de l'ensemble de l'équipe après tout incident critique. Avant que ces derniers ne surviennent, des réunions de famille peuvent également s'avérer utiles. Une bonne prise de notes indiquant que vous avez informé tous les patients à risque qu’ils doivent appeler un service d'assistance téléphonique de prévention contre le suicide ou se rendre aux urgences les plus proches s'ils ont des idées suicidaires peut aider à éviter les problèmes. Les familles peuvent intenter un procès ou se plaindre à l'université, votre seule défense est donc une bonne prise de notes.Souvent, le patient pense qu'il n’est pas maladeDavid explique que les patients gravement malades atteints de schizophrénie et de troubles bipolaires sévères présentent une anosognosie, c'est-à-dire qu'ils n'ont pas conscience d'être malades en raison d'un dysfonctionnement de leur cerveau. Avec les patients maniaques, on peut parfois les «attraper» en leur indiquant qu'il y a un avantage à être traité: «Cela évitera à votre mère d'être sur votre dos» ou «cela vous évitera d'avoir des ennuis avec les policiers».Le psychologue Xavier Amador, dont le frère était atteint de schizophrénie, a écrit un très bon livre intitulé Je ne suis pas malade. Je n'ai pas besoin d'aide, qui explique comment impliquer ces patients en écoutant avec empathie leur discours délirant et en trouvant progressivement un terrain d'entente pour les amener à initier un traitement et à persévérer. Les membres de la famille peuvent être très utiles pour persuader les patients de coopérer et de suivre un traitement.À lire aussi: De plus en plus d'épuisement professionnel chez les urgentologuesDavid m'a dit que les psychiatres se servaient d'eux-mêmes comme d'un outil, comme un chirurgien se sert d'un scalpel. La chaleur, la sincérité et l'authenticité contribuent au succès de la thérapie cognitivo-comportementale.Les problèmes psychiatriques affectent souvent aussi la famille, les amis et les employeursDavid a naïvement proposé un jour de recevoir des patients de la clinique de crise de l'hôpital au pied levé pour une consultation, même s'il n'était pas de garde. Il a découvert qu'il n'est souvent pas possible de se contenter d'une simple consultation, comme c'est le cas pour la plupart des autres spécialistes. Le psychiatre commence par voir le patient. C'est alors que commencent les appels de l'employeur, de l'école et de la famille, pour demander des conseils ou parce qu’ils s'inquiètent et se demandent si le patient est dangereux. Il a rapidement cessé d'offrir ce service! Le fait d'être réaliste l'a aidé à éviter l'épuisement professionnel.Le Dr Heath (David) a pris l'habitude de rencontrer les familles de la majorité de ses patients; la plupart de ces derniers l'apprécient et y consentent. Dans certains cas, il a dû préciser qu'il pouvait recevoir des informations utiles de leur part, mais qu'il ne leur communiquerait rien. Il a constaté que l'implication des familles est souvent négligée.Mais il y a parfois des patients qui refusent les soins et qui doivent être admis contre leur gré.La passion est l'un des nombreux antidotes La passion de David était les soins à domicile pour les patients psychiatriques. En 1982, David a constaté une grave pénurie de lits, et que le gouvernement n'allait pas en fournir davantage. Que faire? Il avait lu une petite monographie sur une étude menée à l'Hôpital général de Montréal en 1978, dans laquelle des patients ont été répartis au hasard entre le traitement à domicile et l'hospitalisation. Les résultats ont été les mêmes, ce qui lui a fait comprendre que les personnes vraiment malades pouvaient aussi être traitées à domicile.Il a obtenu du financement pour une équipe et, en 1989, il s'est lancé dans l'aventure. Ils savaient qu'ils étaient des pionniers, traitant à domicile des patients atteints de schizophrénie, de troubles bipolaires graves, etc. Les patients étaient si reconnaissants d'éviter l'hôpital. Réalisant qu'il s'agissait de l'un des rares domaines de la psychiatrie sur lequel personne n'avait écrit de livre, il a décidé d'en écrire un. Toute l'équipe est venue chez lui une fois par semaine pour manger une pizza et l'aider à l'écrire. L'équipe avait beaucoup à apprendre à David sur la manière dont elle traitait ces situations difficiles au domicile des patients. Le livre s'intitule Home Treatment for Acute Mental Disorders: An Alternative to Hospitalization et a été publié en 2005 par Routledge, New York, et a reçu de bonnes critiques.Plus tard dans sa vie, David s'est orienté vers les soins de santé mentale pour les personnes âgées. C'est là que j'ai travaillé avec lui en tant que directeur médical de deux maisons de retraite. Il était un atout majeur car il avait une équipe composée d'une assistante sociale et d'une infirmière qui faisaient des visites à domicile avec lui dans les maisons de retraite. Ils m'ont beaucoup aidé, ainsi que mes infirmières, à m'occuper des patients atteints de démence. Les familles se sentent souvent coupables et ont besoin de beaucoup d'aide pour traiter leurs proches. Par exemple, les infirmières se plaignent souvent de l'agressivité des patients atteints de démence. Les médicaments provoquent souvent l'endormissement du patient. David et son équipe ont donc aidé à trouver le bon équilibre, ce qui n'était pas évident. Le titrage des médicaments et le soutien comportemental nécessitent beaucoup de temps, de compétences et de communication avec les familles et le personnel.N’oubliez pas l'exercicePendant la majeure partie de sa vie, David s'est rendu dans une salle de sport environ quatre fois par semaine pour s'entraîner avec des poids et des machines. Il aime cela parce qu'il peut voir ses progrès: une répétition supplémentaire par-ci, quelques kilos perdus par-là.Vous pouvez consulter le blogue du Dr David Heath ici.Référence:Dr. S Kumar Burnout and psychiatrists: what do we know and where to from here? Epidemiology and Psychiatric Sciences , Volume 20 , Numéro 4, décembe 2011, pp. 295 - 301 DOI: https://doi.org/10.1017/S204579601100059X

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