Une ophtalmologiste radiée temporairement pour entrave passive

L’enquête diligentée contre la Dre Thi Bich Thao Nguyen par le syndic du Collège des médecins du Québec (CMQ) a finalement été classée. Elle a néanmoins conduit le Conseil de discipline à sanctionner l'ophtalmologiste montréalaise. Sa faute: elle n’a pas répondu «dans les meilleurs délais» à la correspondance envoyée par l’enquêteuse, comme le stipule l’article 120 du Code de déontologie des médecins. La spécialiste a en effet mis 11 mois pour lui présenter sa version des faits.Selon ses pairs, la Dre Nguyen a commis une erreur «au cœur même de l’exercice de la profession», dont la gravité est objective, et son comportement est «inexcusable» puisqu’elle n’a même pas donné suite à un courrier remis par huissier. La médecin, qui a plaidé coupable, est ainsi radiée pour une période de trois mois qui sera effective à compter du 3 mars prochain.L’enquête en question a été réclamée par une patiente de l’ophtalmologiste en lien avec des frais qu’elle a payés pour une chirurgie de la cataracte, une infraction «potentiellement sérieuse», souligne le Conseil dans sa décision rendue le 2 février dernier. L’enquêteuse du syndic transmet une copie de la requête à la praticienne le 10 janvier 2023, via le portail sécurisé du Collège, en lui demandant sa version des faits.L’enquêteuse la relance une première fois le 23 février, puis une deuxième le 20 mars, par la poste cette fois-ci. La Dre Nguyen n’ayant répondu à aucune de ses trois premières correspondances, elle lui adresse un courrier recommandé le 18 mai. Toujours sans nouvelles de la médecin, qui exerce à la Clinique Œil santé MD, à Montréal ainsi qu’au sein du Centre hospitalier universitaire de Montréal (CHUM), l’enquêtrice et le syndic adjoint lui adressent, par huissier, une ultime correspondance exigeant une réponse dans les dix jours suivants.Celle-ci n’arrivera que le 21 décembre, par l’entremise des avocats de l’ophtalmologiste. Bien trop tard, sachant qu’entre-temps, le syndic adjoint avait porté plainte contre elle pour l’avoir «entravé dans l’exercice de ses fonctions».«Il est interdit d’entraver de quelque façon que ce soit un membre du comité, la personne responsable de l’inspection professionnelle nommée conformément à l’article 90, un inspecteur ou un expert, dans l’exercice des fonctions qui lui sont conférées par le présent code, de le tromper par des réticences ou par de fausses déclarations, de refuser de lui fournir un renseignement ou document relatif à une inspection tenue en vertu du présent code ou de refuser de lui laisser prendre copie d’un tel document.» - article 114 du Code des professionsÀ l’audience, la Dre Nguyen a témoigné que son intention a toujours été de répondre à la demande d’enquête bien que celle-ci l’ait surprise, convaincue qu’elle n’avait rien à se reprocher. Pour sa défense, elle a indiqué qu’elle souhaitait consulter le dossier de la patiente à la clinique du CHUM, mais qu’elle n’y travaillait qu’une fois par mois et qu’à chacune de ses visites sur place, elle n’avait pas eu le temps de le faire, car elle était trop occupée par ses gardes qui lui prenaient toute la journée.Lire aussi: Discipline: la hantise des cliniciensSyndrome de la page blancheL’ophtalmologiste a également expliqué s’être beaucoup investie dans sa pratique au cours de l’année 2023 et qu’elle a dû consacrer du temps à l’un des membres de sa famille. Elle a aussi souligné qu’elle a composé avec une importante baisse d’énergie due à un problème de nature médicale, sans préciser lequel. En définitive, pour la médecin inscrite au tableau de l’Ordre depuis 2002, sans antécédent disciplinaire jusque-là, son retard à répondre au syndic s’explique en partie par la pénurie de personnel et par son contexte familial particulier. De plus, elle dit avoir été «tétanisée», en vivant le «syndrome de la page blanche», pour justifier son inaction même après la plainte pour entrave déposée contre elle le 31 août.Quoi qu’il en soit, le Conseil de discipline du CMQ a estimé que le silence de la Dre Nguyen constituait une «entrave passive». «Elle a ainsi paralysé l’enquête du syndic adjoint pendant près d’un an. Cette entrave a de plus empêché (la patiente) d’obtenir un suivi à sa demande», note la décision.Devant ses pairs, la médecin a indiqué qu’elle avait appris du processus disciplinaire et que, la prochaine fois, elle n'hésiterait pas à aller chercher de l’aide auprès de l’Association canadienne de protection médicale (ACPM) ou auprès de son conjoint. Considérant que la sanction recommandée conjointement par les parties est «suffisamment dissuasive», le syndic adjoint a estimé que la probabilité de récidive de la Dre Nguyen est faible.

Une ophtalmologiste radiée temporairement pour entrave passive

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