Une médecin perd son appel après s’être opposée aux précautions de son église durant la pandémie

Un tribunal a rejeté l’appel d’une médecin de Toronto qui a reçu un avertissement verbal de l’Ordre des médecins et chirurgiens de l’Ontario (OMCO) pour ses critiques envers les politiques de prévention de la COVID-19 mises en place par son église.Le 5 novembre, la Cour supérieure de justice de l’Ontario a confirmé la décision de la Commission d’appel et de révision des professions de santé, qui a à son tour confirmé un avertissement adressé à la Dre Irene Polidoulis à la suite de ses commentaires s’opposant à l’utilisation de plusieurs cuillères pour la communion au sein de l’Église orthodoxe grecque. L’Église orthodoxe grecque utilise traditionnellement une seule cuillère pour la communion. Dans les premiers mois de la pandémie, l’archidiocèse orthodoxe grec du Canada a publié une directive demandant aux églises d’utiliser plusieurs cuillères afin d’éviter la propagation du COVID-19.Dans une lettre ouverte à l’archevêque datée du 15 juin 2020, dans laquelle elle se présente comme médecin de première ligne, la Dre Polidoulis soutient qu’il est théologiquement inapproprié d’utiliser plusieurs cuillères de communion et affirme que d’autres maladies infectieuses n’ont jamais été propagées par l’utilisation de cuillères partagées lors de la communion au cours de l’histoire.«Par conséquent, pouvez-vous préciser s’il existe des preuves que le VIH, le SRAS, l’Ebola, la maladie de Mers, la tuberculose, la lèpre ou la grippe espagnole, de même que l’influenza commune et la pneumonie à pneumocoques - qui sont toujours présentes dans la communauté -, se sont déjà propagés par le biais des méthodes traditionnelles de distribution de la Sainte Communion», a-t-elle écrit.«Il s’agit peut-être d’une question injuste, car je pense que votre réponse sera négative. En outre, je ne connais personnellement qu’une seule personne qui a cessé de communier à cause de ces craintes», poursuit la Dre Polidoulis.Lors d’un service religieux en juillet 2020, la Dre Polidoulis a également exprimé verbalement au prêtre son objection à l’utilisation de plusieurs cuillères de communion. Le service, y compris les remarques verbales de la médecin, ont été retransmis en direct au public.«Nous ne voulons pas de cette solution. Personne ne nous a demandé cela. Nous voulons UNE cuillère ou PAS de cuillère. Soit UNE, soit AUCUNE. En tant que chrétiens, nous ne voulons pas de cette solution», a-t-elle déclaré pendant le service selon une transcription du tribunal.Dans un billet de blogue ultérieur, la Dre Polidoulis a qualifié la pratique de l’utilisation d’une seule cuillère de communion dans l’Église orthodoxe d’«étude d’observation longitudinale la plus longue jamais réalisée, couvrant une période de 2000 ans avec un large échantillon de participants à l’étude… qui ont consommé du pain et du vin à partir d’un élément physique commun et ont évité les maladies transmissibles». Elle a ajouté que cela «prouve sans l’ombre d’un doute que la Sainte Eucharistie est, en effet, incorruptible et ne transmet pas de maladie».L’OMCO conteste le fait que la Dre Polidoulis s’identifie comme médecinDans la plainte déposée auprès de l’Ordre des médecins et chirurgiens de l’Ontario, le syndic affirme que la Dre Polidoulis «a manqué à son devoir de médecin autorisé à exercer en Ontario lorsqu’elle a négligé d’avertir les gens des risques liés à l’utilisation d’une seule cuillère et n’a pas aidé la communauté médicale à gérer la pandémie de COVID-19». Pour sa défense, la Dre Polidoulis a affirmé que son objection à l’utilisation de plusieurs cuillères de communion était uniquement fondée sur la religion et la théologie, et non sur la médecine.Toutefois, le comité des enquêtes, des plaintes et des rapports de l’OMCO a contesté le fait que la Dre Polidoulis se soit présentée comme médecin dans ses critiques des cuillères de communion multiples et a déclaré que ses commentaires étaient «susceptibles d’être mal interprétés et pourraient raisonnablement être interprétés comme étant fournis avec l’autorité scientifique ou médicale découlant de son statut de médecin».Lire aussi: La Couronne réclame une peine de 18 ans de prison pour un médecin du Manitoba«Le comité s’est inquiété du fait que les commentaires de l’intimée sur les mesures de santé publique sont liés à son statut de médecin et peuvent mener un auditeur ou un lecteur à croire qu’elle adopte la position selon laquelle les mesures visant à protéger les fidèles de la transmission du COVID-19 ne sont pas justifiées», a estimé la Commission d’appel et de révision des professions de santé dans sa décision de septembre 2021.Le comité a émis un avertissement verbal et n’a pas soumis la plainte à des mesures disciplinaires, tout en exhortant la Dre Polidoulis à «examiner attentivement le ton qu’elle utilise et la clarté avec laquelle elle transmet toute information relative à la santé publique». La Dre Polidoulis a fait appel de cette décision auprès de la Commission d’appel et de révision des professions de la santé, qui a refusé de réexaminer sa décision en mars 2023. La médecin a de nouveau fait appel auprès de la Cour supérieure de l’Ontario, qui a rejeté l’affaire et lui a ordonné de verser à l’ordre 3000 dollars, plus les taxes, pour ses frais de justice.Un excès de pouvoir?Le cas de la Dre Polidoulis a également attiré l’attention de commentateurs et de politiciens qui soutiennent que les ordres professionnels vont trop loin lorsqu’il s’agit de contrôler les commentaires publics de leurs membres.En août dernier, l’Institut Macdonald-Laurier a publié un rapport intitulé «La nouvelle censure» et a cité cette affaire comme un exemple de «professionnels de la santé faisant l’objet de mesures disciplinaires pour des propos tenus même lorsqu’il n’existe aucun lien entre ces propos et leur profession».Lire aussi: Une cheffe autochtone accuse des radiologistes pour des examens à l'insu des patients«Les médecins doivent avoir le droit de pratiquer leur foi et de faire des déclarations publiques sur leurs croyances religieuses sans craindre que leur instance de réglementation ne les sanctionne pour avoir exprimé leur foi. L’ordre a à peine mentionné le droit de Mme Polidoulis à la liberté de religion, si ce n’est pour indiquer qu’il peut être limité en vertu de l’article 1 de la Charte», a écrit l’avocate et auteure du rapport, Christine Van Geyn.Le mois dernier, la première ministre de l’Alberta, Danielle Smith, et le ministre de la Justice, Mickey Amery, ont annoncé leur intention de présenter un projet de loi visant à limiter la capacité des ordres professionnels à prendre des mesures disciplinaires à l’encontre de leurs membres en raison de leurs commentaires publics. Mme Smith et M. Amery ont également cité le cas de la Dre Polidoulis comme un «exemple troublant» d’un ordre professionnel qui est allé trop loin.

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