Un médecin radié six semaines pour avoir collé l’œil d’un enfant

Un médecin travaillant dans une clinique privée a été radié après qu’une intervention effectuée sur la paupière d’un enfant eut mal tourné. Le Dr Jean Therrien était le seul médecin à la clinique le 1er juillet 2015, quand une mère et son fils de 3 ans se sont présentés. Cette dernière était très inquiète car son fils de trois ans avait été égratigné à la paupière par le chat de la famille.Le médecin a décidé de refermer la coupure avec de la colle médicale et il a appelé «un collègue» pour l’aider. Alors qu’il tenait l’enfant, c’est le collègue qui s’est chargé d’appliquer la colle. L’enfant a cependant bougé et de la colle a coulé sur les cils de ce dernier, lui collant la paupière. Le Dr Therrien n’arrivait plus à ouvrir l’œil de l’enfant. Il a donc organisé une consultation à l’urgence du CHU Sainte-Justine afin qu’un ophtalmologiste prenne la relève.Le spécialiste de garde à l’urgence a coupé les cils de l’enfant afin de lui permettre d'ouvrir l’œil. Le jeune garçon n’a pas eu de séquelles oculaires en raison de l’incident. La clinique a remboursé la consultation qui avait coûté 150 $.Le Collège des médecins a été averti par la mère de l’enfant et l’émission d’affaires publiques de CBC, GO Public, qui voulait son avis sur le fait que le «collègue» qui avait appliqué la colle était en fait le réceptionniste de la clinique.Une plainte a été déposée contre le médecin pour avoir procédé à la réparation d’une lacération sans avoir pris les précautions requises et alors qu'il ne maîtrisait pas la technique choisie. Le syndic adjoint du Collège des médecins du Québec l’accuse aussi d’avoir permis qu’une personne qui n'était pas qualifiée effectue une partie de cette intervention. Le Conseil de discipline et le Dr Therrien se sont mis d’accord pour faire les recommandations conjointes au Conseil de discipline, estimant que la première accusation mérite une radiation de six mois et la seconde, une radiation d’un mois.Une procédure lors d'un jour fériéLors de ses explications, le Dr Therrien a précisé avoir choisi la colle car «il n'y avait pas d'infirmière ou de médecin présent pour procéder à une suture» et que la mère s’inquiétait des conséquences esthétiques que la coupure pourrait avoir. Par ailleurs, il explique avoir demandé au réceptionniste d'appliquer la goutte de colle, car il jugeait «plus important de bien positionner les paupières et les bordures de la plaie».Un expert en urgence pédiatrique est venu témoigner que la réparation de lacération chez les enfants par colle biologique est une «technique simple, rapide et facile à effectuer et qui donne un résultat esthétique équivalent aux sutures, mais qu'en revanche, il y a des risques, dont celui de coller les yeux du patient». De plus, il a indiqué que le Dr Therrien aurait pu prendre plusieurs précautions pour éviter ce qui s’est passé en choisissant une position différente pour le patient de façon à ce que la colle ne risque pas de couler vers les cils ou l’œil, mais aussi en protégeant les cils avec une «barrière physique», comme un onguent antibiotique, de la gelée de pétrole ou, «à la rigueur», un pansement.Le Dr Therrien a reconnu sa culpabilité et sa responsabilité, même si, selon lui, cela n’aurait rien changé s'il avait appliqué la colle lui-même, puisque l’enfant a bougé.Un manque de jugement grave Dans son analyse, le Conseil de discipline juge qu’il y a eu «un manque de jugement grave». Le médecin a décidé de tenter sur un jeune enfant une procédure qu’il n’avait encore jamais utilisée sur une paupière – un endroit «à haut risque» selon l’expert entendu–, en l’absence de personnel qualifié, et cela, sans prendre les précautions nécessaires. «Si les conditions n'étaient pas propices à une suture, elles n'étaient pas plus présentes à la procédure impliquant l'application de la colle biologique», peut-on lire dans le compte rendu du CMQ.Le Conseil note aussi que même si l’œil n’a pas été endommagé, le risque de conséquences plus graves était présent. À la décharge du médecin, le Conseil a retenu, entre autres, que le Dr Therrien avait d’emblée reconnu sa responsabilité, qu’il n’avait aucun antécédent disciplinaire en 34 ans de carrière et qu’il avait exprimé à plusieurs reprises ses remords face à la situation.Le Conseil a donc accepté la recommandation conjointe des parties, à savoir six semaines de radiation pour avoir effectué une procédure qu’il ne maîtrisait pas sans prendre les précautions nécessaires et un mois de radiation pour avoir laissé le réceptionniste appliquer la goutte de colle. Les deux radiations seront encourues concurremment.La radiation sera effective à compter du 28 avril 2017, et ce, dans la mesure où aucune requête en appel n’est présentée avant l’expiration du délai imparti.

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