Un jour dans la vie d’un physiatre

16h aujourd'hui (le 27 mai 2024): comme la plupart des lundis après-midi à cette heure-ci, le Dr Paul Winston devrait être plongé dans la recherche intégrée à son travail clinique à la Victoria Peripheral Nerve and Spasticity Clinic, une clinique externe qu'il dirige au sein de l'hôpital général de Victoria pour les patients souffrant de problèmes de spasticité limitant leur espérance de vie et résultant d'un accident vasculaire cérébral, d'une paralysie cérébrale, d'une sclérose en plaques, d'une lésion cérébrale acquise ou d'une lésion de la moelle épinière.Mais aujourd'hui, de 16 heures à 18 heures, ce physiatre réputé et ancien danseur de ballet canadien assistera pourtant, au Royal Jubilee Hospital, dans le centre-ville de Victoria, à la première publique de Finding Freedom: Freezing Nerves to Reduce Spasticity and Pain, un documentaire qui présente et explore une technique innovante mise au point par le Dr Winston et son confrère canadien, le Dr Daniel Vincent, spécialiste de la médecine physique et de la réadaptation: l’utilisation de la cryoneurolyse pour réduire la spasticité et améliorer le mouvement, rétablir la fonction et réduire la douleur chez les patients.La projection – également disponible en ligne via la plateforme Webex –, est suivie d'un entretien avec le Dr Winston et des patients qui ont expérimenté cette procédure mini-invasive de congélation des nerfs.Il s'agit du quatrième film de ce type réalisé grâce au financement du Canadian Advances in Neuro-Orthopedics for Spasticity Consortium (CANOSC) et de l’agence de santé de la Colombie-Britannique, Island Health, dans le cadre des efforts déployés par le Dr Winston et son équipe pour promouvoir la procédure auprès de la communauté médicale internationale.«Nous avons conçu ce documentaire comme un récit de patient en utilisant le modèle de consentement éclairé des peuples autochtones de la Dre Lisa Boivin, qui a été central pour nous», explique le Dr Winston. «Les patients doivent raconter leur propre histoire, qui est intimement liée à la nôtre.»Comme le traitement par cryoneurolyse a obtenu des résultats «extraordinaires», selon lui, le Dr Winston a préféré présenter les pires scénarios dans ce film de 35 minutes (c.-à-d. des patients souffrant de problèmes graves qui n'ont pas trouvé d’aide) plutôt que les meilleurs. «Le documentaire est vrai et transparent, car, à chaque jour de tournage, nous avons filmé les patients qui étaient présents ce jour-là», poursuit-il. «Nous voulions mettre en lumière l'humain derrière l'innovation.»À lire aussi: En collaboration | L'étendue du rôle des professionnels en physiothérapieDans son travail, le principal défi est la recherche permanente de financements. «Chaque membre de mon équipe a été rémunéré par nos efforts locaux, et non par la province», a déclaré le Dr Winston. «Nous devons changer le système et garantir un financement global.»18h: Le Dr Winston s'efforce toujours de rentrer chez lui pour souper avec sa compagne et leur fils adolescent Kieran. «La plupart du temps, ce n’est pas moi qui cuisine, reconnaît-il. Mais j'aime bien faire de la pâtisserie.»20h: Le physiatre aime s'occuper de sa paperasse en début de soirée «sur le canapé», avant d’aller lire ou de regarder une série ou un film sur Netflix. 22h30: Heure du coucher6h: Le Dr Winston est toujours le premier à se lever et aime commencer sa journée par un café latte fraîchement préparé. Ensuite, selon la saison et la météo, il s'entraîne chez lui avec des poids ou sort faire un jogging ou nager dans un lac proche.Il reçoit ensuite ses courriels d'Europe, où il organise régulièrement des ateliers et des sessions de formation de deux jours sur l'évaluation et le traitement des troubles neurologiques en général et de la spasticité, son principal domaine de recherche.Parmi ces traitements, la procédure de cryoneurolyse qu'il a mise au point pour réduire la spasticité, la douleur et améliorer l’activité et le mouvement, dont il espère que l’utilisation se répandra dans le monde entier.Le Dr Winston organise également des ateliers similaires à Victoria à destination des médecins généralistes et spécialistes canadiens et étrangers. Mais ces derniers doivent remplir des tonnes de paperasserie pour obtenir leur accréditation, même pour une journée d'observation. «La Colombie-Britannique n'autorise aucun médecin non agréé à observer un travail clinique», regrette le Dr Winston. Il reconnaît toutefois les efforts du College of Physicians and Surgeons de la province afin d'obtenir des licences temporaires qui permettent aux médecins étrangers de se former aux soins directs aux patients. «La plupart des patients semblent apprécier de voir autant de médecins du monde entier participer à leurs soins», observe le physiatre.Il précise toutefois que de nombreux médecins qui souhaitent participer à ses ateliers ne peuvent le faire qu'en tant qu'observateurs en raison de la difficulté des tests de maîtrise de l'anglais qu'ils doivent passer pour suivre le cours de deux jours. Une situation que le Dr Winston aimerait voir changer. «Je m'engage à éliminer les obstacles à l'accès aux soins et à les rendre plus équitables. Plaider pour le changement est le reflet de ma passion pour la vie et pour ma profession.»À lire aussi: L'exercice physique est bénéfique pour les patients atteints du Parkinson7h30: Après un petit déjeuner léger – souvent un bagel avec du fromage à la crème – le Dr Winston part en direction de l'hôpital ou de la clinique.En tant que physiatre à temps plein, directeur médical de la réadaptation et des transitions à l’agence de santé Island Health et professeur agrégé de clinique à la division de médecine physique et de réadaptation de l'Université de la Colombie-Britannique (UCB), le Dr Winston effectue son travail clinique dans les deux hôpitaux et dans un cabinet communautaire à Victoria. C'est toutefois sur son travail de recherche à la clinique – diffuser au monde entier des traitements tangibles comme la procédure de cryoneurolyse par le biais d'initiatives comme son documentaire, ainsi que de groupes comme CANOSC, qu'il a cofondé – qu'il s’est principalement concentré ces 14 dernières années.C’est le Dr Mahdis Hashemi, médecin formé à l'étranger et spécialiste de la médecine physique et de la réadaptation, qui coordonne les recherches au sein de l’équipe. Des chercheurs cliniciens effectuent régulièrement des stages de six mois à la clinique, comme le Dr Romain David, spécialiste en médecine de réadaptation au CHU de Poitiers, en France.Le Dr Winston finance notamment les salaires et les dépenses de la clinique grâce à des activités de collecte de fonds avec Island Health, car les universités et les hôpitaux de Colombie-Britannique ne disposent pas d'un modèle de financement provincial établi pour la recherche menée par ses médecins.«C'est vraiment dommage», déplore le Dr Winston. «Nous devons changer le système pour qu’il puisse tout financer.»La clinique a notamment conçu et mis au point la procédure de cryoneurolyse pour la spasticité, qui consiste à congeler les nerfs avec de l'azote gazeux à l’aide d’une minuscule sonde insérée à travers la peau afin de détendre les muscles et de rétablir la fonction.La procédure, qui peut être effectuée au chevet du patient à l'aide d'un appareil à ultrasons portable (financé par des donateurs via la Victoria Hospitals Foundation), a des effets bénéfiques immédiats, assure-t-il.«La douleur causée par un accident vasculaire cérébral peut condamner certains patients à ne plus jamais avoir de vie sociale, explique le Dr Winston. Ils peuvent avoir trop mal pour marcher ou être incapables de s'habiller ou de se nourrir.» Il précise rencontrer régulièrement des patients transformés du tout au tout par la procédure. «Même s'ils ne deviennent pas plus actifs, la douleur peut s'atténuer et rendre les mouvements plus faciles, indique-t-il. Ils peuvent enfin dormir toute la nuit, et ne prennent plus d'opioïdes ou d'analgésiques.» «Pour certaines personnes, les résultats sont spectaculaires. Chaque patient est différent, mais quel plaisir de voir l'enthousiasme sur le visage d’un thérapeute qui me demande le matin suivant: "Qu'avez-vous fait à mon patient? C'est une nouvelle personne!"»À lire aussi: Fibromyalgie: Savoir reconnaître cette maladie incompriseCette procédure, ainsi que les efforts continus de son équipe, tant au niveau de la recherche que de la diffusion de ses bénéfices, sont un projet «extrêmement significatif» pour l’humanité, affirme le Dr Winston. «La cryoneurolyse rend autant que faire se peut leur indépendance et leur mobilité aux patients, tout en les soulageant de la souffrance qui les handicape. Nous aidons les gens à retrouver leur liberté et leur autonomie, et c'est très gratifiant.»Restaurer le mouvement aux patients est l'objectif de sa carrière, comme il l’annonce sur sa page X (anciennement Twitter). Ses vidéos où il danse avec son personnel pour promouvoir le mouvement y ont d’ailleurs été visionnées 150 000 fois.Ce n'est pourtant pas comme ça que les choses avaient commencé.Élevé dans le centre-ville de Toronto dans les années 1970, Paul Winston a suivi une formation de danseur à l'École nationale de ballet et a passé six ans au sein du Ballet national du Canada, partageant la scène avec d'illustres artistes canadiens, comme Karen Kain.Sa carrière a toutefois été brièvement interrompue dans les années 1990 lorsqu'un accident de vélo l'a laissé avec une épaule disloquée et une atrophie complète du muscle deltoïde due à une lésion du nerf axillaire. Il s’est néanmoins remis de cette blessure beaucoup plus rapidement que ne le prévoyaient les médecins, ce qui l'a mené à s'intéresser à la médecine.Après avoir suivi des cours dans une école alternative à distance afin d’obtenir les crédits de 13e année et ceux de physique et chimie en 11e année, il a appliqué à l'école de médecine de l'Université Western, où il a été accepté alors qu'il était dans la vingtaine.Au cours de ses quatre années d'études, le Dr Winston a été attiré par la médecine de réadaptation en général – et la physiatrie en particulier –, grâce à ses recherches menées sous la direction de la Dre Gail Delaney. «Dans un gymnase, j’ai rencontré des patients souffrant de différentes lésions de la moelle épinière et qui essayaient de recouvrer le mouvement, raconte-t-il. Ce fut une révélation pour moi: c'était ce que je voulais faire.»Après avoir effectué un internat de cinq ans en physiatrie – période pendant laquelle lui et sa partenaire sont devenus jeunes parents – le Dr Winston et sa nouvelle famille ont déménagé en Colombie-Britannique où il a trouvé un emploi dans l’unité de soins aigus d'un hôpital de réadaptation de Victoria. C’est là-bas qu’il a rendu visite aux patients hospitalisés et ambulatoires. «Je suis tombé en amour avec le fait de rencontrer les gens au début de leur admission, aux prémices de leur voyage dans une nouvelle vie, en particulier après une grave lésion cérébrale», a déclaré le Dr Winston.À lire aussi: Traiter la spasticité avec proactivitéAujourd’hui, le physiatre travaille toujours dans le service de médecine de réadaptation du Victoria General Hospital, un établissement réputé, spécialisé dans les traumatismes neurologiques, la neuropédiatrie et les soins de maternité. «Lorsque je suis arrivé, il y avait six physiatres à Victoria; aujourd'hui, nous sommes 12», se réjouit le Dr Winston.Ses deux domaines de prédilection sont le syndrome douloureux régional complexe et la cryoneurolyse. Ses travaux novateurs dans ce dernier domaine lui ont valu de nombreux prix et éloges parmi les milieux médicaux du Canada et du monde entier.Selon le Dr Winston, la clé pour atténuer la douleur et rétablir le mouvement ne réside pas dans la consommation chronique de médicaments, mais dans les efforts des patients et les techniques spécialisées telles que la cryoneurolyse.«Les opioïdes ne sont pas efficaces contre les douleurs dorsales, affirme-t-il. L’objectif de ma carrière est désormais de contribuer à réduire l’utilisation des analgésiques. Rétablir, et utiliser le mouvement, l'exercice et les interventions pour contrôler et améliorer la douleur est un long voyage pour les patients. Mais c'est le voyage le plus important de leur nouvelle vie.»

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