Un budget santé?

Le ministre des Finances du Québec, Éric Girard, vient de déposer son plus récent budget. Plusieurs détracteurs dénoncent les lunettes roses avec lesquelles celui-ci a rédigé son budget. Naviguant de déficits en déficits, avec pour raisons une pandémie, des dépenses à la hausse, des crédits d'impôts en cadeau pour s'attirer les faveurs de l'électorat et des promesses d'un troisième lien, de prolongation de métro pour Montréal et d'un système de tramway pour la ville de Québec dont plusieurs détracteurs doutent de la pertinence…. Ah oui ! J'oubliais... le président américain impose des menaces de tarifs qui peuvent miner l'économie québécoise et canadienne, mais il change d'idées presque tous les jours. Allez savoir ce qui arrivera vraiment.Dans le domaine de la santé, rappelons que le ministre de la Santé avait demandé des compressions de plus de 1,5 milliard à Santé Québec au début du mois de décembre, ce qui est techniquement moins de quatre mois avant la fin de l'année financière. Récupérez une telle somme relève de l'impossible. Malgré tout, les plus récentes informations mentionnent que le réseau a réussi à récupérer plus de 800 millions de dollars. Clairement, les services aux patients n’ont pu être épargnés.Dans son budget, Monsieur Girard annonce une indexation de 3% du budget de la santé, soit l'équivalent des coûts de système. Rappelons que ces coûts sont les augmentations annuelles liés à l'indexation du coût des fournitures et des salaires principalement. Bref, aucun investissement et aucune croissance. On peut comprendre que dans l'état actuel de l'économie québécoise, il faut faire preuve d'une extrême prudence et dépenser judicieusement l'argent des Québécois.L’Association des pharmaciens des établissements de santé du Québec (APES) a dénoncé le budget, puisqu'il fait la sourde oreille à ses demandes quant à la mise à jour des technologies dans les pharmacies des établissements de santé et ne propose aucun incitatif à l'attraction et à la rétention des pharmaciens dans son réseau de la santé. L’APES a probablement raison. Les hôpitaux québécois traînent de la patte en ce qui a trait à l'informatisation et à l'utilisation des technologies en pharmacie. Non seulement de telles technologies permettent une augmentation de la performance, ce qui est souhaité pour la fonction publique du Québec, mais elle augmente la qualité en réduisant les erreurs et diminuent aussi la pression sur le personnel technique en pharmacie qui lui aussi peine à être attractif.Le médicament est l'un des postes de dépenses les plus importants dans le budget d'un hôpital. En consultant les rapports annuels de gestion, on constate que de grands hôpitaux du Québec, sans les nommer, connaissent des augmentations de la dépense en médicaments variant entre 15 et 18%. Depuis très longtemps, la dépense en médicaments a fortement dépassé les coûts de système et les chefs de département de pharmacie se font régulièrement pointer du doigt puisque si la dépense en médicaments augmente autant, d'autres postes budgétaires devront couper en proportion.Il faut souligner un petit tour de passe-passe dans les budgets médicaments des hôpitaux. En effet, puisque le ministre signe des ententes confidentielles sur les prix des médicaments, les établissements paient le prix de liste et le ministère empoche la ristourne. La dépense réelle est donc probablement plus basse, mais l'augmentation demeure réelle.Nous n'avons pas entendu les établissements de santé ou les pharmaciens d'établissement se plaindre que les coupures budgétaires récentes avaient amené des coupures de service, mais on peut le suspecter fortement.De toute évidence, le domaine de la pharmacie en général et les dynamiques économiques touchant le médicament et les ressources professionnelles échappent aux décideurs du système de santé.La pression imposée par le récent budget sera énorme sur les départements de pharmacie de nos établissements de santé. En fait, c’est mission impossible.Nous avons un devoir d'être vocal pour expliquer les tenants et aboutissants des impacts du budget sur les médicaments et les soins de santé au Québec.Le budget présenté est peut-être santé, mais il nous rendra malades.