Un appel pour que les traumatismes craniocérébraux soient reconnus comme une maladie chronique

Lésion cérébrale Canada et le Consortium Canadien de Recherche en Traumatisme Craniocérébral (CCRT) viennent de publier un exposé de position relatif aux traumatismes traumatismes craniocérébraux (TCC) modérés à graves. Les deux organismes plaident pour qu’ils soient reconnus comme une maladie chronique au Canada, ce qui contribuerait à mieux lutter contre cette «épidémie silencieuse» qui entraîne un lourd fardeau pour les patients, leurs proches et la société dans son ensemble. «On a de plus en plus conscience de l’impact des TCC, mais à défaut de données probantes au pays, cet enjeu de santé publique reste méconnu. On parle beaucoup des commotions cérébrales, mais les TCC modérés à graves sont pourtant la première cause de décès et de handicap chez l’enfant, l’adolescent et l’adulte de moins de 40 ans», indique le Dr Alexis Turgeon, intensiviste au CHU de Québec - Université Laval ainsi qu’à l’Hôpital de l’Enfant-Jésus. Les traumatismes craniocérébraux modérés à graves présentent la plus forte prévalence d’effets débilitants susceptibles de changer la vie des personnes affectées. L’inclusion des TCC au sein du Système canadien de surveillance des maladies chroniques permettrait d’uniformiser la collecte de données épidémiologiques, de les surveiller dans le continuum de soins et de promouvoir la recherche afin d’améliorer leur prise en charge, explique le co-directeur du CCRT. Aujourd’hui, les traumatismes craniocérébraux sont souvent considérés comme un événement isolé. Dans 50% des cas, ils sont la conséquence d’une chute, les accidents de la route représentant la deuxième cause de TCC, suivis par les chocs liés aux sports. Ces derniers constituent d’ailleurs la principale cause d’hospitalisation chez les 5 à 19 ans, soit 45% de toutes les admissions pour traumatismes craniocérébraux dans cette tranche d’âge. Lorsqu’ils sortent de l’hôpital, les patients sont généralement livrés à eux-mêmes et doivent gérer, avec leur entourage, les défis résultant de leur nouvelle condition. Les TCC modérés à graves affichent en effet la plus forte prévalence d’effets débilitants susceptibles de changer la vie des personnes affectées. Ils peuvent provoquer des déficiences cognitives (problèmes d’attention et de mémoire, de capacité à traiter des informations visuelles et spatiales, de communication, de conscience de soi, etc.), des fragilités physiques et sensorielles (baisse de force physique - y compris la paralysie -, problèmes de coordination, douleurs, troubles sensoriels, perte d’audition et/ou de vision), des changements de comportement (impulsivité, colère et agressivité incontrôlées), des fluctuations émotionnelles (labilité émotionnelle, anxiété, dépression), sans oublier des troubles du sommeil. Entre 2002 et 2016, environ 235 471 décès sont survenus au Canada dus à des blessures. 22,6 % d’entre eux (53 200 décès) ont été associés à un diagnostic de traumatisme craniocérébral. «L’enjeu avec les TCC, ce n’est pas la survie des patients», précise le Dr Turgeon. «C’est dans quel état ils vont survivre. Ils affectent profondément leur qualité de vie et celle de leurs proches. Leur quotidien peut changer du tout au tout», affirme le médecin qui évoque des «chiffres éloquents». Dans leur exposé de position (consultable en pied de page), Lésion cérébrale Canada et le CCRT rapporte des statistiques qui parlent d’elles-mêmes: Plus de la moitié des Canadiens en situation d’itinérance au Canada ont des antécédents de TCC. Les patients souffrant de TCC sont 2,5 fois plus susceptibles d’être incarcérés. Les TCC affectent de manière disproportionnée les Canadiens d’origine autochtone 60% des Canadiennes victimes de violence conjugale ont déclaré avoir subi un TCC Chez les Canadiens d’âge scolaire, les TCC sont liés à une augmentation de 50% de la détresse psychologique et à un taux de tentatives de suicide presque trois fois plus élevé Après un traumatisme craniocérébral, le taux d’emploi chute radicalement, passant de 75 % à 13 %. L’exposé souligne par ailleurs que «contrairement aux anciennes théories, de nouvelles données établissent un lien entre les traumatismes craniocérébraux modérés à graves et le déclin cognitif et neurologique.» Lire aussi: Traumatismes graves: des pronostics délicats à établir, et à communiquer L’Organisation mondiale de la santé définit une maladie chronique comme une affection ayant une ou plusieurs des caractéristiques suivantes: «permanence, altérations pathologiques non réversibles en tant que cause, nécessitant un entraînement du patient en vue de sa réadaptation et/ou une période prolongée d’observation, de surveillance ou de soins». Pour Lésion cérébrale Canada et le CCRT, les TCC répondent en tout point à cette définition. «Reconnaître les traumatismes craniocérébraux comme une maladie chronique est essentiel», insiste Alexis Turgeon. «Cela nous permettrait d’améliorer nos connaissances sur cet important problème de santé et nous aiderait ainsi à améliorer le pronostic des patients en identifiant des traitements et des interventions plus efficaces.». Il ajoute que cette reconnaissance par le Canada se traduirait par du financement pour «une recherche de qualité qui améliorera considérablement la qualité de vie des individus et de leurs proches», dont les enjeux quotidiens deviennent souvent plus difficiles au fil du temps. «C’est un énorme fardeau qui est actuellement négligé.»

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