Trois mythes que l'industrie des compléments alimentaires veut vous faire avaler

Trois Américains sur quatre (74%) prendraient des vitamines et autres prébiotiques selon un sondage mené l’an dernier, tout comme 70% des Québécois d’après un autre enquête datant de 2021. Un commerce en plein essor, dont la promotion à outrance nous ferait presque oublier de quoi il s’agit en réalité: des substances qui peuvent avoir un effet puissant sur le corps et la santé. Sauf qu’au regard de la loi, elles ne sont pas réglementées comme des médicaments mais comme de simples aliments. En effet, en raison d’une loi datant de 1994, la Food and Drug Administration (FDA) n'a aujourd’hui pratiquement aucune influence sur le marché des compléments alimentaires. Comme elle le reconnaît, «la FDA n'a pas l'autorité nécessaire pour approuver les compléments alimentaires avant leur mise sur le marché. Les entreprises peuvent vendre leurs produits sans avoir à fournir des preuves de leur innocuité.»En tant que membre de la faculté de recherche dans le cadre de la formation médicale supérieure, je suis chargée d'enseigner aux médecins résidents comment comprendre et s'engager de manière critique dans la recherche en matière de santé. J'écris également sur la santé, le bien-être et les compléments alimentaires pour un public plus large. Par conséquent, je passe beaucoup de temps à réfléchir sur le sujet.À lire aussi: Calories, vitamines et supplémentsIl est important de se demander pourquoi tant de personnes pensent que les compléments alimentaires peuvent les aider à mener une vie plus saine. L’une des principales raisons tient à la manière dont ces produits sont commercialisés. Au fil des années, j'ai constaté que le marketing des compléments alimentaires reposait principalement sur trois fausses théories. Le sophisme de l'appel de la natureLe prétendu appel de la nature se produit lorsque l'on suppose que, parce qu'une chose est dite «naturelle», elle est forcément bonne pour nous. Le terme «naturel» est souvent utilisé dans la promotion des compléments alimentaires. Et quand on parle de santé, il semble logique de rechercher des traitements naturels.Par exemple, si je vous dis «vitamine C», à quoi pensez-vous immédiatement? Probablement aux oranges ou aux agrumes en général, ainsi qu’à la prévention de la grippe. Si je vous dis cette fois «vaccin contre la grippe», qu'est-ce qui vous vient tout de suite à l'esprit? Sûrement un cabinet médical, un moment légèrement douloureux et les laboratoires pharmaceutiques. Problème: l’une de ces deux options est cliniquement prouvée pour prévenir les infections grippales et réduire la gravité de la maladie. L'autre vous est vendue comme pouvant faire exactement la même chose, sans aucune preuve clinique à l'appui.À lire aussi: Produits vendus en pharmacie: l’OPQ veut «faire preuve de courage»Les noms de marques intégrant le terme «nature» pullulent dans l'industrie des compléments alimentaires. De la même manière, les sites internet et les publicités incitent les consommateurs à renoncer aux produits «artificiels» au profit d'une «alimentation pure» et «naturelle». Lorsqu’une entreprise accole le terme «naturel» au complément qu’elle veut vous vendre, elle induit que ce dernier est meilleur que les autres produits «artificiels», et que vous en avez besoin pour rester en bonne santé.En d’autres termes, «naturel» n'est pas synonyme de «meilleur», c’est simplement ce que le marketing veut vous faire croire.Croire qu’une grande quantité d’une bonne chose la rend meilleureUne autre hypothèse vient s’ajouter à celle du soi-disant «appel de la nature»: si une chose est naturelle, elle doit être bonne, et ne sera meilleure qu’en grande quantité. Si un peu de vitamine C est bon pour nous, alors beaucoup de vitamine C doit sûrement être excellent!En réalité, notre corps régule étroitement les niveaux de vitamines et de minéraux que nous consommons. Si vous ne souffrez pas de carences, absorber plus ou moins de vitamines ou de minéraux via un supplément n'aura pas nécessairement d'effets bénéfiques sur votre santé, et votre corps en éliminera l’excès. «Vous payez simplement cher pour de l'urine hors de prix», diront les sceptiques.Pour illustrer ce mythe du «plus c'est mieux», il suffit de regarder n'importe quel complément de vitamine C. L'emballage affiche souvent de façon très visible la dose à prendre – des dosages qui peuvent atteindre 750 ou 1000 milligrammes. Or, un adulte n’a besoin que de 75 à 120 milligrammes de vitamine C par jour. De même pour la vitamine D, parfois proposée à des dosages de 5000 UI (unités internationales) comme s’en targuent les boîtes. Sauf que la dose maximale journalière recommandée est de 4000 UI pour un adulte. Des besoins très faciles à dépasser, donc. Le biais d'actionEnfin, l'industrie des compléments alimentaires aime capitaliser sur l'idée qu’en termes de santé, «faire quelque chose est toujours mieux que de ne rien faire». C'est ce qu’on appelle le biais d'action. En agissant, les gens ont l'impression de mieux contrôler une situation. «Même si je n'ai pas besoin de ce supplément de vitamine C, je vais la prendre, pour être sûr. Où est le mal?»Les exemples du point précédent montrent que les compléments contiennent souvent plusieurs fois l'apport journalier recommandé d'une vitamine ou d'un minéral, portant à croire que prendre une telle quantité de l’une ou l’autre est sans danger.À lire aussi: Mieux comprendre l’effet de la vitamine D sur la fatigueSauf qu’en réalité, mieux vaut ne pas abuser d’une «bonne chose». Un excès de vitamine C peut entraîner des diarrhées, des nausées ou encore des crampes d'estomac. Un excès de vitamine D peut entraîner des nausées, des vomissements et des calculs rénaux. Les compléments peuvent également interagir avec les médicaments prescrits. Par exemple, le millepertuis est réputé pour interagir avec les contraceptifs, les immunosuppresseurs, les statines et la chimiothérapie en exacerbant ou en atténuant leurs effets. Concernant les compléments alimentaires, il est donc parfois préférable de ne pas en prendre que l’inverse.Katie Suleta est candidate au doctorat en sciences de la santé à l'Université George Washington. Cet article est republié de La Conversation sous une licence Creative Commons.

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