Téléconsultations en pharmacie: le Collège des médecins préfère prévenir que sévir

Ce ne serait encore qu’un «projet de partenariat», mais il inquiète déjà le Collège qui en a été informé par un signalement. Selon cette entente, le client de la pharmacie pourrait obtenir une consultation virtuelle avec un médecin, de façon immédiate, à partir d’un terminal situé sur place qui donne accès à une plateforme de santé numérique. «En contrepartie, l’entreprise s’engagerait à déployer des efforts pour que les ordonnances remises à la suite de cette consultation soient exécutées dans le commerce du pharmacien partenaire», indique l’ordre des médecins dans une nouvelle publiée dernièrement sur son site web. Se disant «préoccupé par cette situation», le CMQ veut prendre les devants en rappelant à ses membres «leurs obligations déontologiques». Un clinicien qui effectuerait une consultation dans le cadre de cette entente contreviendrait ainsi à l’article 77 du Code de déontologie. Ce dernier énonce qu’un médecin «doit respecter le libre choix du patient en lui indiquant, sur demande, les endroits où il peut recevoir les services thérapeutiques ou diagnostiques au moment de lui remettre une ordonnance ou une requête à cette fin». Le Collège signale que c’est en vertu de cet article qu’il interdit qu’un cabinet de médecin se retrouve à l’intérieur des locaux d’une pharmacie. «Si cette interdiction existe pour ce qui est d’un cabinet “physique”, elle s’applique de la même façon au cabinet “virtuel” que constitue une plateforme de téléconsultation.» Même si la demande de consultation médicale provenait du pharmacien lui-même, cela pourrait également contrevenir à l’article 74 du Code de déontologie, qui stipule que le médecin ne doit faire aucune sollicitation de clientèle, précise par ailleurs le CMQ qui invite ses membres à «faire preuve de la plus grande prudence si un tiers, comme une plateforme de téléconsultation, leur propose d’offrir leurs services dans le cadre de telles ententes». ProfessionSanté.ca a cherché à en savoir plus sur cette «entente» ou ce «projet de partenariat» qui tracasse le CMQ. Plus ou moins en vain. Le Collège n’a pas donné plus de détails. Les pharmaciens invités à la prudence Du côté de l’Association québécoise des pharmaciens propriétaires (AQPP), on «n’est pas au fait d’un tel projet et nous joignons notre voix à celle du CMQ en appelant nos membres et les autres professionnels de la santé à la prudence pour éviter toute entente qui viendrait restreindre le droit du patient de choisir son professionnel de la santé», indique par courriel la conseillère aux affaires publiques de l’AQPP, Marilie Beaulieu-Gravel, en encourageant les pharmaciens à «vérifier la légalité et la conformité déontologique des projets dans lesquels ils s'embarquent». Lire aussi: Aller à la pharmacie pour consulter un médecin L’Ordre des pharmaciens du Québec (OPQ) n’a pas été interpellé au sujet de cette «entente», indique son président Bertrand Bolduc qui est «très heureux que le CMQ s’active et prévienne ses membres». Il rappelle que les pharmaciens ne peuvent pas conclure d’entente avec un prescripteur. «Là, ce serait des intermédiaires qui permettraient les ententes. Mais si c’est trop beau pour être légal, c’est que ça ne l’est pas! C’est le b.a.-ba du Code de déontologie, la première affaire qu’on apprend: on ne doit pas donner ni recevoir d’avantages en lien avec notre profession» insiste le président de l’OPQ, en observant qu’il existe des programmes similaires dans d’autres provinces. «Peut-être qu’ils veulent s’essayer ici.» Déjà disponible en Colombie-Britannique et en Alberta Ce modèle d’affaires - des téléconsultations médicales accessibles en pharmacie - c’est celui qu’a développé Shoppers Drug Mart (l'enseigne Pharmaprix au Québec) en partenariat avec la plateforme de soins virtuels Maple, dans laquelle la chaîne de pharmacies, filiale de Loblaw, a investi 75 millions de dollars en 2020. «Nous pensons que notre réseau de magasins et notre infrastructure, combinés à la technologie de Maple, peuvent aider les Canadiens à mieux se connecter aux soins de santé dont ils ont besoin, à tout moment et où qu'ils soient», avait alors déclaré le président de Shoppers Drug Mart, Jeff Leger. Lire aussi: La vérificatrice générale craint une baisse dans la qualité des soins En Colombie-Britannique et en Alberta, l’enseigne offre ainsi à ses clients le service «in-Store Virtual Care». Dans ses pharmacies, des tablettes sont à leur disposition afin qu’ils puissent se connecter à la plateforme de Maple et obtenir une téléconsultation avec un généraliste ou un spécialiste. Au Québec, ce service est pour l’instant offert via PC Santé, l’application de santé et bien-être des entreprises de Loblaw qui donne elle aussi accès à la plateforme de Maple. Interrogée par ProfessionSanté.ca sur ses intentions concernant le déploiement au Québec du service «in-Store Virtual Care», la directrice principale des communication de Loblaw, Johanne Héroux, indique par courriel que «Pharmaprix n’implantera pas de kiosques de soins virtuels chez les pharmaciens-propriétaires de son réseau. Nous sommes une organisation qui valorise la conformité réglementaire et toutes nos initiatives font l’objet de validations en ce sens, avant leur développement», ajoute-t-elle, en précisant que «l’application PC Santé et Maple laissent les patients choisir leur pharmaciens et ni ces deux initiatives, ni Pharmaprix ne sont visées par la mise en garde du CMQ».

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