L'apothicaire – Superfruits d’ici et d’ailleurs (4e partie): la grenade, un fruit qui remonte à la nuit des temps...

Le grenadier (Punica granatum) et son fruit, la grenade, sont originaires de l’Asie. On en trouve depuis l’Iran jusqu’à l’Himalaya et aux régions du nord de l’Inde1. On fait mention du grenadier dès l’Ancien Testament et dans les textes sanscrits de l’Inde ancienne. Des fouilles archéologiques ont confirmé sa consommation depuis l’âge de pierre2. Pour certains exégètes, la pomme que mangea Ève au jardin d’Éden serait en fait une pomme grenade3…Sa culture se fait dans les terres semi-arides et chaudes, notamment les Indes, la Turquie, ainsi que la Floride et la Californie. Son fruit rouge est particulier : on dirait une framboise avec une carapace. Sa pelure dure protège les arilles, ces petits grains entourés de chair juteuse et fragile.L’engouement récent pour la grenade vient principalement du producteur californien Pom Wonderful dont on connaît la fameuse bouteille de jus avec ses deux globes superposés4. Au-delà de son goût acidulé et de sa couleur vermeille, la grenade a un profil phytochimique remarquable. Elle est une source d’antioxydants, de polyphénols (dont des flavonoïdes et anthocyanes), d’acide ellagique, etc. Les graines sont aussi une source d’un acide gras mono-insaturé particulier, l’oméga-5. Plusieurs études ont été publiées sur le potentiel de prévention et de traitement de la grenade pour5 :les cancers, dont celui de la prostate et du côlonles maladies cardiovasculairesle diabèteles maladies dentaires, incluant la plaquela dysfonction érectileles infections bactériennes et les résistances aux antibiotiquesles dommages cutanés photoactiniques (UV) et les ridesl’inflammation et l’arthritel’obésitéla maladie d’Alzheimer et l’ischémie cérébralele vieillissementBref, la grenade est l’objet d’un engouement confirmé par la présence de 694 références sur PubMed (en date du 8 janvier 2013). Les arilles comestibles, le jus et les extraits de la pelure et des graines y sont tous examinés pour leur potentiel santé.Effets cardiovasculairesLa consommation de jus de grenade (50 ml die) aide à diminuer l’hypertension d’environ 5 à 12 %6. Cet effet serait dû à une inhibition (31 %) de l’enzyme de conversion de l’angiotensine6,7.La consommation régulière de jus, par son effet antioxydant (réduction de l’oxydation des LDL) et son action sur la compliance artérielle, diminue la sténose aortique. En effet, dans une étude sur trois ans, le groupe qui a consommé du jus de grenade quotidiennement a obtenu une réduction de 30 % de l’épaisseur de l’intima de la carotide, alors que le groupe contrôle a eu une augmentation de 9 %8. Les divers autres paramètres, comme l’oxydation des LDL (réduite de 90 %), la susceptibilité à l’oxydation in vitro par le cuivre (réduite de 59 % – reflet de la capacité antioxydante améliorée), les anticorps anti-LDL (réduits de 19 %), le statut antioxydant (augmenté de 130 %), ont tous été améliorés8,9. Par contre, chez des patients plus sévèrement atteints, même une consommation élevée (240 ml par jour) durant 90 semaines n’a pas eu d’effet significatif sur la paroi de la carotide ni sur les autres paramètres de maladie cardiovasculaire10.InflammationLes différents composants du fruit (les arilles, les graines et leur huile, la pelure) contiennent des composés, notamment l’acide ellagique et ses dérivés, qui ont des effets anti-inflammatoires connus et démontrés tant in vitro qu’in vivo11.Une quantité de 100 ml de jus de grenade prise trois fois par semaine pendant un an a réduit les différents marqueurs de l’inflammation et augmenté ceux du statut antioxydant chez 101 patients hémodialysés12.La consommation d’un extrait de grenade riche en ellagitanin (acide ellagique polymérisé, fortement antioxydant) a réduit la douleur musculaire post-exercice et amélioré la récupération et la force musculaire après un programme d’entraînement intensif conçu pour augmenter le dommage musculaire13.CancerL’effet anti-inflammatoire de la grenade trouve aussi des applications possibles en oncologie. En 2009, une revue de recherches récentes révèle que des extraits de grenade inhibent sélectivement in vitro les cellules de cancer du sein, de la prostate, du côlon et du poumon. In vivo, les mêmes résultats sont confirmés par l’inhibition de la croissance des tumeurs du poumon, de la peau, du côlon et de la prostate.Cliniquement, une étude de phase II montre que la consommation de jus de grenade réduit la progression de l’antigène prostatique spécifique (ou PSA pour Prostatic specific antigen) ou augmente le temps pour doubler ce dernier14.ObésitéLa consommation de grenades pourrait être un outil pour combattre l’obésité. Plusieurs des mécanismes in vivo vus précédemment pourraient occasionner des effets intéressants tant pour le surpoids que pour le syndrome métabolique, tels15,16 :l'augmentation de la perte de poids, du gras corporel et abdominall'augmentation de l’oxydation des grasla réduction du cholestérolla réduction de la glycémie et de l’insulinémiela diminution du stress oxydatifUne seule petite étude clinique a montré que la consommation de grenades arrête le gain de poids chez des obèses diabétiques grâce à une augmentation du taux sanguin d’adiponectine17.PrécautionsDes cas d’allergie ont été rapportés. De plus, en raison du contenu en tanins, la consommation de fortes quantités de grenades peut entraîner une irritation de l’estomac (mais cela est vrai pour tous les fruits).Selon des données in vitro et in vivo, la grenade aurait inhibé les cytochromes 3A4 et 2C99. Toutefois, chez des volontaires, on n’a noté aucun effet mesurable sur la clairance au midazolam (marqueur pour le 3A4)9. Des précautions doivent cependant être observées pour les statines et la warfarine : un cas de chaque interaction a été rapporté9.Théoriquement, l’effet d’inhibition de l’enzyme de conversion de l’angiotensine de la grenade pourrait affecter le traitement de l’hypertension, mais encore faut-il consommer des doses importantes et régulières de grenade. Aucun cas d’interaction avec les médicaments antihypertenseurs n’est rapporté.En conclusion, la grenade est un véritable superfruit qui offre de nombreux effets pour la santé et qui mérite sa place sur notre table.Références :1. California Rare Fruit Growers – Pomegranate. www.crfg.org/pubs/ff/pomegranate.html2. Pl@ntUse. Grenadier. Candolle, 1882. http://uses.plantnet-project.org/fr/Grenadier3. Pomegranate Council. Site des producteurs de grenade de Californie : www.pomegranates.org/4. Pom Wonderful. www.pomwonderful.com/5. Jurenka JS. Therapeutic applications of pomegranate (Punica granatum L.): a review. Altern Med Rev. 2008 Jun;13(2):128-44. Review. PubMed PMID: 18590349.6. Aviram M, Dornfeld L. Pomegranate juice consumption inhibits serum angiotensin converting enzyme activity and reduces systolic blood pressure. Atherosclerosis. 2001 Sep;158(1):195-8. PubMed PMID: 11500191.7. Stowe CB. The effects of pomegranate juice consumption on blood pressure and cardiovascular health. Complement Ther Clin Pract. 2011 May;17(2):113-5. doi: 10.1016/j.ctcp.2010.09.004. Review. PubMed PMID: 21457902.8. Aviram M, Rosenblat M, Gaitini D, Nitecki S, Hoffman A, Dornfeld L, Volkova N, Presser D, Attias J, Liker H, Hayek T. Pomegranate juice consumption for 3 years by patients with carotid artery stenosis reduces common carotid intima-media thickness, blood pressure and LDL oxidation. Clin Nutr. 2004 Jun;23(3):423-33. Erratum in: Clin Nutr. 2008 Aug;27(4):671. PubMed PMID: 15158307.9. Haber SL, Joy JK, Largent R. Antioxidant and antiatherogenic effects of pomegranate. Am J Health Syst Pharm. 2011 Jul 15;68(14):1302-5. doi: 10.2146/ajhp100610. Review. PubMed PMID: 21719590.10. Davidson MH, Maki KC, Dicklin MR, Feinstein SB, Witchger M, Bell M, McGuire DK, Provost JC, Liker H, Aviram M. Effects of consumption of pomegranate juice on carotid intima-media thickness in men and women at moderate risk for coronary heart disease. Am J Cardiol. 2009 Oct 1;104(7):936-42. doi: 10.1016/j.amjcard.2009.05.037. PubMed PMID: 19766760.11. Ismail T, Sestili P, Akhtar S. Pomegranate peel and fruit extracts: a review of potential anti-inflammatory and anti-infective effects. J Ethnopharmacol. 2012 Sep 28;143(2):397-405. doi: 10.1016/j.jep.2012.07.004. Epub 2012 Jul 20. PubMed PMID: 22820239.12. Shema-Didi L, Sela S, Ore L, Shapiro G, Geron R, Moshe G, Kristal B. One year of pomegranate juice intake decreases oxidative stress, inflammation, and incidence of infections in hemodialysis patients: a randomized placebo-controlled trial. Free Radic Biol Med. 2012 Jul 15;53(2):297-304. doi: 10.1016/j.freeradbiomed.2012.05.013. PubMed PMID: 22609423.13. Trombold JR, Barnes JN, Critchley L, Coyle EF. Ellagitannin consumption improves strength recovery 2-3 d after eccentric exercise. Med Sci Sports Exerc. 2010 Mar;42(3):493-8. doi: 10.1249/MSS.0b013e3181b64edd. PubMed PMID: 19952825.14. Adhami VM, Khan N, Mukhtar H. Cancer chemoprevention by pomegranate: laboratory and clinical evidence. Nutr Cancer. 2009;61(6):811-5. doi: 10.1080/01635580903285064. Review. PubMed PMID: 20155621; PubMed Central PMCID: PMC2989797.15. Al-Muammar MN, Khan F. Obesity: the preventive role of the pomegranate (Punica granatum). Nutrition. 2012 Jun;28(6):595-604. doi: 10.1016/j.nut.2011.11.013. Epub 2012 Feb 17. Review. PubMed PMID: 22342388.16. Medjakovic S, Jungbauer A. Pomegranate: a fruit that ameliorates metabolic syndrome. Food Funct. 2013 Jan 19;4(1):19-39. doi: 10.1039/c2fo30034f. Epub 2012 Oct 12. PubMed PMID: 23060097.17. González Ortiz M, Martínez Abundis E, Espinel Bermúdez MC, Pérez Rubio K. Comment re. Obesity: The preventive role of the pomegranate (Punica granatum). Nutrition. 2012 Aug 27. [Epub ahead of print] PubMed PMID: 22951157.

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