Sevrage tabagique: une molécule bulgare vendue depuis 40 ans suscite l'espoir

Un médicament de sevrage tabagique mis au point en Bulgarie à l'époque soviétique et uniquement commercialisé en Europe de l'Est de nos jours s'avère prometteur pour les millions de fumeurs qui tentent de se libérer du tabac, selon la première grande étude menée sur ce produit. En outre, son prix est très abordable.Vendue sous le nom de Tabex par Sopharma AD, une société située en Bulgarie, la cytisine est extraite des graines de laburnum (cytise), qui contiennent un substitut nicotinique naturel. Selon Robert West qui conduit l'étude publiée jeudi dans le "New England Journal of Medicine", la découverte a été faite au moment où la plus grande partie de la recherche pharmaceutique soviétique était sous-traitée en Bulgarie. L'armée russe l'avait surnommée le "faux tabac".À l'heure actuelle, la cytisine n'est utilisée qu'en Europe de l'Est, où les fumeurs la prennent pendant trois ou quatre semaines. Les formes génériques ne coûtent que 5 à 17 $ US par mois, au lieu de 400 $ US pour les substituts nicotiniques et 300 $ US les 12 semaines de Champix _ autant de traitements très utilisés dans les pays riches.La cytisine est "tellement bon marché que même dans les pays en développement, si vous avez de quoi fumer, vous avez de quoi vous l'offrir pour arrêter" la cigarette, observe le docteur Robert West, du University College à Londres.Selon la nouvelle étude, un an après l'arrêt du tabac, les ex-fumeurs sous cytisine présentent trois fois plus de chances de maintenir leur sevrage que ceux qui n'ont pris qu'un placebo.La molécule est vendue en Europe de l'Est depuis 40 ans mais n'a pas reçu d'autorisation de commercialisation en Europe de l'Ouest ou aux États-Unis. Extab, une filiale de Sopahrma, en a racheté les pour la vendre à petit prix dans les pays émergents comme la Chine ou l'Inde.Les experts ne sont pas certains de l'arrivée du produit sur les marchés occidentaux sans le résultat d'essais cliniques plus larges, et sans une aide financière importante de l'industrie pharmaceutique pour les financer."Il est possible que la radicalisation de la bureaucratie et du principe de précaution s'opposent à son arrivée sur les marchés européen et américain", a commenté pour sa part Peter Hajek, qui dirige l'unité de recherche sur la dépendance au tabac à l'hôpital universitaire Queen Mary de Londres. Il estime en outre que l'implication d'un grand groupe pharmaceutique pourrait faire flamber le prix.Environ 95 pour cent des fumeurs qui essaient d'arrêter sans aide reprennent dans les six mois, et plus des deux tiers des milliards de fumeurs dans le monde habitent les pays en développement. Fumer est la première cause de décès évitable.La nouvelle étude est la première à étudier l'innocuité et l'efficacité de la cytisine. Elle inclut 740 fumeurs en Pologne. Pendant 25 jours, la moitié d'entre eux ont reçu de la cytisine et l'autre moitié, un placebo ne contenant pas ce produit. Ni eux, ni leurs médecins ne savaient lequel des deux traitements était prescrit. Au bout d'un an, 2,4 pour cent des personnes sous placebo avaient arrêté de fumer, contre 8,4 pour cent de celles sous cytisine.L'étude ne compare pas la cytisine aux autres traitements du sevrage tabagique mais les spécialistes soulignent que les résultats sont en accord avec ceux des autres traitements. La cytisine est cependant moins efficace que le Champix qui, en revanche, présente des dangers pour la santé.Toutefois, près de 14 pour cent des personnes sous cytisine se sont plaintes de nausées, contre 8 pour cent de celles sous placebo. Les vertiges et les problèmes de sommeil étaient également un peu plus fréquents chez les premières. Deux décès ont été notés dans le groupe sous cytisine _ un cancer du poumon et un arrêt cardiaque _, contre trois dans le groupe placebo _ un cancer du poumon, un accident vasculaire cérébral et des problèmes respiratoires.Aucun effet secondaire sérieux n'a été rapporté chez les quelque sept millions de personnes ayant pris de la cytisine ces 40 dernières années, selon les registres des agences de régulation des pays qui en vendent.Les patients prennent cette pilule pour satisfaire leur besoin impérieux de nicotine, puis se sèvrent progressivement. La posologie est de six comprimés par jour au début puis passe à deux par jour en fin de traitement.L'étude a été financée par le Medical Research Council britannique avec de la cytisine et un placebo fournis par Sopharma AD.Pour les spécialistes, si plus d'études sont nécessaires, "un traitement du sevrage tabagique bon marché serait utile partout dans le monde", a résumé Michale Fiore, directeur du Centre de recherche sur le tabac à l'Université du Wisconsin à Madison.

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