Protection de la jeunesse et obligation médicale (3e partie) - La responsabilité professionnelle en rapport avec le signalement à la DPJ

De nombreuses questions de responsabilité professionnelle se posent, selon que le professionnel signale ou non un cas prévu par la loi sur le signalement à la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ).Il faut souligner que le signalement à la DPJ constitue une contravention directe à l’obligation au secret professionnel. Nous traiterons donc ici des diverses questions de responsabilité.La contravention au secret professionnelL’article 39 prévoit que l’obligation de signaler toute situation touchant l’article 38 ou 38.1 de la loi s’applique même à ceux qui sont liés par le secret professionnel, sauf à l’avocat qui, dans l’exercice de ses fonctions, reçoit de l’information concernant une situation visée à l’article 38 ou 38.1.Le devoir de signaler à la DPJ constitue l’une des exceptions à la règle du secret professionnel prévu à l’article 60.4, soit une exception prévue par la loi. Le professionnel qui signale un cas à la DPJ ne contrevient donc pas à son obligation au secret professionnel, et cette obligation au secret professionnel ne pourrait en aucun cas justifier le défaut de signaler chez le professionnel, dès lors que ce dernier est informé ou a connaissance d’une situation de compromission.Le défaut de signalerPuisque le signalement est une obligation légale, manquer de le faire alors que la situation le nécessite constitue une contravention à une norme légale, donc une faute professionnelle, qui, si elle entraîne un dommage pour l’enfant ou d’autres personnes, engage pleinement la responsabilité du professionnel. Ce dernier sera responsable de tout dommage survenu après le moment où le cas aurait dû être signalé à la DPJ.Comme le code de déontologie en fait une obligation pour le médecin, le défaut de signaler peut aussi constituer une infraction déontologique susceptible d’amener le médecin devant son comité de discipline. Eu égard aux circonstances particulières, il n’est pas interdit de penser qu’un comité de discipline formé par un conseil des médecins, dentistes et pharmaciens d’un établissement puisse aussi être saisi d’un cas si les circonstances le justifient.La responsabilité reliée au signalementLorsque le médecin signale un cas à la DPJ, la principale crainte à l’égard de la responsabilité du professionnel provient des risques découlant d’un signalement qui ne serait pas retenu par la suite. Les personnes qui subiraient un préjudice, généralement les parents de l’enfant ou même l’enfant lui-même, pourraient envisager un recours en responsabilité contre le professionnel qui a fait le signalement.Toutefois, dans le but de favoriser le signalement, la loi prévoit deux mécanismes de protection pour celui qui signale : l’immunité relative de responsabilité et la confidentialité du signalement.L’article 43 de la Loi sur la protection de la jeunesse stipule que :« Une personne ne peut être poursuivie en justice pour des actes accomplis de bonne foi en vertu des articles 39 ou 421. »Le professionnel qui fait un signalement qui ne sera pas retenu ultérieurement n’a donc rien à craindre en matière de risque de poursuite s’il a agi de bonne foi. Il appartient d’ailleurs à ceux qui le poursuivent d’établir qu’il a fait ce signalement de mauvaise foi, ce qui constitue un fardeau de preuve très lourd.De plus, l’article 44 de la loi prévoit que :« Nul ne peut dévoiler ou être contraint de dévoiler l’identité d’une personne qui a agi conformément aux articles 39 à 42. »En pratique, l’identité du signalant est protégée et, à moins que ce dernier ne dévoile lui-même son identité à l’enfant ou à ses parents, il est impossible pour ceux-ci de connaître son identité. Une telle disposition peut même les empêcher de poursuivre, puisqu’il est impossible de connaître l’identité du défendeur éventuel.Ainsi, s’il agit de bonne foi, un professionnel n’a pas à craindre de faire un signalement. Il se doit d’agir dans l’intérêt de l’enfant. Celui qui signale est bien protégé par la loi.La règle de l’immunité ne s’applique, en vertu de la loi, qu’au professionnel qui signale. Il ne semble pas que la formulation actuelle de la loi donne l’immunité aux personnes chargées par la suite, une fois le signalement reçu, d’en évaluer le bien-fondé. Ainsi, la démarche diagnostique postérieure au signalement obéira aux règles habituelles de la responsabilité professionnelle, selon les termes mêmes de l’entente multisectorielle qui régit les rapports entre la DPJ et les intervenants de divers milieux pour l’analyse de signalement et la prise de décision2. Les tribunaux sont présentement saisis de quelques recours concernant la responsabilité des professionnels qui font l’évaluation postérieure au signalement.En conclusion, les médecins ne doivent pas craindre de signaler un cas à la DPJ dès qu’ils ont un doute réel. Il appartiendra aux équipes socio-juridiques d’évaluer les dossiers par la suite selon les faits propres au dossier et les règles de l’art professionnel.* Ad. E. menardmartinavocats.com1. L’article 39 prévoit l’obligation de signalement. L’article 42 impose à tout adulte d’aider un enfant à saisir les autorités compétentes dans toute situation qui compromet sa sécurité ou son développement, ceux de ses frères et sœurs ou ceux de tout autre enfant.2. Il est précisé dans l’entente multisectorielle (p. 21) que « les actions prévues à chacune de ces étapes permettent d’obtenir l’ensemble des informations disponibles et pertinentes afin de prendre des décisions éclairées. Quelle que soit l’étape, chacun conserve le pouvoir de décision et l’entière responsabilité eu égard à son champ de compétence » (nos soulignés).

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