Protection de la jeunesse et obligation médicale (2e partie) - Le signalement à la Direction de la protection de la jeunesse

Nous avons énoncé dans notre chronique du 18 décembre 2013 les situations dans desquelles la Loi sur la protection de la jeunesse1 détermine que la sécurité ou le développement d’un enfant est compromis2 ou peut l’être3. Qu’en est-il des obligations du médecin à cet égard ?C’est l’article 39 al. 1 de la loi qui traite des obligations des médecins dans ces situations, qui peuvent dépasser le seul cadre de l’abus physique ou sexuel.« Tout professionnel qui, par la nature même de sa profession, prodigue des soins ou toute autre forme d’assistance à des enfants et qui, dans l’exercice de sa profession, a un motif raisonnable de croire que la sécurité ou le développement d’un enfant est ou peut être considéré comme compromis au sens de l’article 38 ou au sens de l’article 38.1, est tenu de signaler sans délai la situation au directeur [de la protection de la jeunesse]; la même obligation incombe à tout employé d’un établissement, à tout enseignant, à toute personne œuvrant dans un milieu de garde ou à tout policier qui, dans l’exercice de ses fonctions, a un motif raisonnable de croire que la sécurité ou le développement d’un enfant est ou peut être considéré comme compromis au sens de ces dispositions. »Cet article exige quelques précisions. Il impose d’abord une obligation de signalement à tous les professionnels qui prodiguent des soins ou toute autre forme d’assistance aux enfants. Cela inclut manifestement le médecin. Cette obligation ne se limite pas aux pédiatres seulement. Elle s’applique à tout médecin qui fournit des services à un enfant. Cette obligation peut aussi naître de l’intervention auprès d’un adulte, lorsque le médecin constate que la condition de santé de l’adulte peut compromettre le développement ou la sécurité de l’enfant. Par exemple, le médecin qui voit un adulte qui a un sérieux problème de toxicomanie, au point d’être incapable de s’occuper d’un enfant. Ou encore, dans le domaine de la santé mentale, lorsque la maladie du parent peut compromettre la sécurité ou le développement de l’enfant. On peut citer comme exemple le cas d’un patient qui aurait des idées suicidaires et qui en parlerait à son médecin, avec le projet d’amener ses enfants avec lui dans la mort.L’obligation de signaler existe dès que le professionnel a des motifs raisonnables de croire que la sécurité ou le développement de l’enfant est compromis ou peut l’être. Cela signifie qu’il n’est pas nécessaire qu’il soit convaincu hors de tout doute des faits. Il suffit qu’il ait un doute et croit que l’enfant peut se retrouver dans l’une ou l’autre des situations décrites dans la loi. Il appartiendra aux équipes socio-juridiques qui enquêteront à la suite du signalement de confirmer la probabilité des faits rapportés. Pour être clair, au niveau du signalement, c’est la simple possibilité de compromission qui amène l’obligation de signalement, alors que ce sera la probabilité de compromission qui justifiera par la suite la prise de mesures par la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ).La loi décrit le signalement à la DPJ comme une obligation. Le professionnel y « est tenu de signaler sans délai ». Cela signifie que le professionnel de la santé ne devrait pas attendre d’être certain de la situation. Le signalement n’est pas laissé à la discrétion du médecin. Comme c’est une obligation légale, s’il manque de le faire, il peut faire l’objet d’un recours en responsabilité professionnelle si l’enfant subit un préjudice qui ne serait pas survenu si le signalement avait été fait en temps utile.Le signalement doit aussi se faire sans délai. Dès que la situation qui pourrait le justifier est portée à la connaissance du médecin, le devoir de signaler naît et se poursuit tant que le signalement n’est pas fait. Retarder le signalement peut aussi amener un recours en responsabilité contre le médecin.Ainsi, le médecin qui constate qu’un enfant est victime de mauvais traitements et qui manque de le signaler en temps utile à la DPJ, pourrait voir sa responsabilité engagée pour tout dommage subséquent que pourrait subir l’enfant parce qu’il a retardé le signalement.Le retard ou le défaut de signalement, en plus d’exposer le médecin à un recours en responsabilité, l’expose également à un recours disciplinaire. Le code de déontologie des médecins prévoit à son article 39 :« Le médecin doit signaler au directeur de la protection de la jeunesse toute situation pour laquelle il a un motif raisonnable de croire que la sécurité ou le développement d’un enfant est ou peut être considéré comme compromis; il doit alors fournir au directeur tout renseignement qu’il juge pertinent en vue de protéger l’enfant.« Le médecin peut en outre signaler lui-même aux autorités policières la situation d’un enfant dont l’intégrité physique ou la vie lui apparaît susceptible d’être compromise. »Cet article va un peu plus loin que la Loi sur la Protection de la jeunesse, en ce qu’il impose au médecin non seulement de signaler, mais également de fournir au directeur de la protection de la jeunesse tout renseignement qu’il juge pertinent, en vue de protéger l’enfant.Le médecin peut également communiquer directement avec la police lorsqu’il constate que l’intégrité physique ou la vie d’un enfant lui apparaît susceptible d’être compromise, comme c’est le cas en matière d’abus sexuel ou d’abus physique.* Ad. E. menardmartinavocats.com1. LRQ, c. P-34.2. Idem, art. 38.3. Idem, art. 38.1.

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