Projet de loi sur l’encadrement des chiens: les médecins devront signaler les morsures

Une autre obligation de divulgation attend les médecins dans un avenir rapproché. Le projet de loi 128 sur l’encadrement des chiens déposé la semaine dernière par le ministre de la Sécurité publique, Martin Coiteux, stipule que les médecins et les vétérinaires auront l’obligation de signaler les morsures causées par ces animaux. Le PL 128 fournit cependant très peu de détails, et le ministère de la Sécurité publique n’a fourni aucune information additionnelle sur les modalités entourant ces dénonciations.Tout au plus apprend-on dans le projet de loi que ce signalement sera effectué auprès des municipalités. Ces rapports permettront au gouvernement d'ajouter ou de soustraire des races ou des croisements à la liste des chiens réputés potentiellement dangereux ou d'interdire ceux qui apparaîtront dans ce répertoire.Des questions en suspensToutefois, plusieurs interrogations restent en suspens. Faudra-t-il déclarer toutes les morsures (celles faites par les petits chiens comme par les gros), toutes les morsures sans exception ou uniquement celles qui entraînent des blessures nécessitant un traitement? Les médecins devront-ils identifier la race du chien? Combien de temps auront-ils pour le faire? Qu’arrivera-t-il à un médecin qui néglige ce signalement? Professionsante.ca a demandé une entrevue au ministre Coiteux pour obtenir réponse à ces questions. «Ce ne sera pas possible», nous a répondu son attachée de presse, malgré nos demandes répétées.L’Ordre des vétérinaires a aussi tenté d’obtenir des précisions auprès du ministère de la Sécurité publique, mais n’a rien su de plus, nous a confié le Dr Michel Pépin, de l’Association des médecins vétérinaires en pratique des petits animaux. Médecins et vétérinaires sont donc pour l’instant dans le flou le plus total sur ces aspects, même s’ils sont directement touchés par le PL 128.Un nouveau fardeau pour les médecinsLe président de l’Association des médecins d’urgence du Québec (AMUQ), le Dr Bernard Mathieu, dit ne pas avoir pas été informé des intentions du gouvernement avant le projet de loi, même si ses membres sont susceptibles de traiter de nombreux cas de morsures. La nouvelle obligation de divulguer les morsures de chiens qui sera imposée aux médecins ne lui plaît guère.«Encore un fardeau supplémentaire sur le dos des médecins, a-t-il commenté. Nous devons déjà signaler certaines maladies infectieuses et les blessures par arme blanche. Et voilà qu’on a ajoutera les chiens. Ce sera quoi la prochaine fois?»Il a rappelé que les morsures de chats, l’autre animal domestique le plus répandu, sont fréquentes et parfois graves en raison des risques d’infection, mais les médecins n’ont pas l’obligation de les divulguer.Un million de chiens au QuébecLe Québec compte un million de chiens et leur nombre est en hausse. Les vétérinaires ont exigé l’an dernier du ministère de la Sécurité publique des données précises sur le nombre de morsures causées par des chiens, mais ne les a pas obtenues.Un sondage Léger réalisé il y a quelques années avait évalué à 450 le nombre de morsures de chiens avec lésions de la peau causées à des humains chaque jour au Québec, mais ce nombre est à valider. Néanmoins, le potentiel est élevé, car chaque chien est susceptible de mordre. Bon nombre des victimes de morsures sont des membres de la famille. Les vétérinaires sont aussi des cibles de choix: chaque année, près de 40% d’entre eux se font mordre par des chiens.Ce sont les chihuahuas qui mordent le plus fréquemment en proportion, mais ce sont les chiens de 20 kilos et plus qui causent le plus de dommages, disent les vétérinaires.L’Ordre des vétérinaires en sait peuL’Association des médecins vétérinaires en pratique des petits animaux n’en sait pas plus que les médecins à ce stade-ci sur l’obligation de déclarer les morsures.«Nous avons été tout aussi surpris qu’eux lorsque nous avons vu le contenu du projet de loi 128, a indiqué le Dr Michel Pépin. Nous avons commencé à poser des questions au ministère de la Sécurité publique, mais à ce stade-ci, c’est plutôt flou de leur côté. Nous aurons des questions très sérieuses à poser en commission parlementaire.»Les vétérinaires ne sont pas plus heureux que les médecins de cette obligation. Ils craignent que la dénonciation obligatoire n’affecte le lien de confiance avec le propriétaire de l’animal.«S’il t’amène son chien qui a mordu un membre de la famille pour éviter que cela ne se répète dans le futur, mais que tu obligé de le déclarer aux autorités, il risque de ne plus venir chez le vétérinaire, commente le Dr Pépin. Nous ne sommes pas plus avantagés si nous ne pouvons pas faire l’éducation de ces chiens. Ils pourront continuer à mordre. Nous devrons aussi signaler les chiens qui nous mordent dans notre pratique.»Toutefois, les vétérinaires sont d’accord avec le fait que les médecins soient tenus de déclarer les cas de morsures ainsi qu’avec la création d’un registre.«C’est quelque chose que l’on réclame depuis longtemps, mais qui ne doit pas être trop lourd pour les médecins», souligne cependant le Dr Pépin.Une campagne conjointe des médecins et médecins vétérinairesUn chien éduqué présente généralement beaucoup plus de bons côtés que d’aspects négatifs. Il a été démontré que la présence d’un chien au sein d'un foyer amenait ses propriétaires à marcher une trentaine de minutes par jour, ce qu’ils ne feraient peut-être pas sans leur chien. Leur bête peut donc avoir un impact très positif sur leur santé physique et psychologique. Pour cette raison, les vétérinaires ont proposé aux médecins de mener une campagne commune démontrant les bienfaits d’avoir un chien sous réserve qu’ils soient bien dressés. Cette campagne sera menée au cours des prochains mois.

Projet de loi sur l’encadrement des chiens: les médecins devront signaler les morsures

Pour accéder au contenu, connectez-vous ou créez un compte gratuit.

Catégories connexes