Projet de loi fédéral sur l’aide médicale à mourir: des règles quelque peu différentes de la loi québécoise

À la suite du jugement de la Cour suprême dans l’affaire Carter, le gouvernement fédéral devait adopter des modifications afin que le Code criminel soit conforme à la Charte canadienne des droits et libertés. Plus précisément, ces modifications devaient faire en sorte de décriminaliser l’aide médicale à mourir et de définir de quelle manière l’aide médicale à mourir sera prodiguée.C’est dans cette optique que le gouvernement fédéral a déposé, le 14 avril 2016, son projet de loi C-14 nommé Loi modifiant le Code criminel et apportant des modifications connexes à d’autres lois (aide médicale à mourir), qui est présentement étudié à la Chambre des communes, mais qui n’a pas encore été adopté. L’échéance ultime fixée par la Cour suprême du Canada pour adopter ces modifications a été fixée au 6 juin 2016. Ce projet de loi ne porte que sur l’aide médicale à mourir. Il ne concerne pas, contrairement à la Loi concernant les soins de fin de vie qu’a adoptée le Québec en juin 2014, d’autres dispositions régissant les soins de fin de vie.DéfinitionL’aide médicale à mourir y est définie comme le fait, pour un médecin ou un infirmier praticien, d’administrer à une personne, à sa demande, une substance qui cause sa mort. Il peut également s’agir, pour un médecin ou un infirmier praticien, de lui prescrire ou de lui fournir une substance, à sa demande, afin qu’elle se l’administre elle-même. Dans ce cas, il s’agit pour le médecin ou l’infirmière praticienne d’aider la personne à mourir par le biais de l’aide au suicide. C’est la personne elle-même qui décidera du moment où elle s’administrera les médicaments prescrits par le médecin et fournis par le pharmacien. La loi québécoise ne reconnaît pas ce mode d’administration de l’aide médicale à mourir.À lire aussi: Le projet de loi fédéral n’inquiète pas le Collège des médecinsQui peut donner l’aide médicale à mourir ?Le projet de loi fédéral habilite deux catégories de professionnels à administrer l’aide médicale à mourir : un médecin ou une infirmière praticienne.Le médecin est une personne autorisée par le droit de la province à exercer la médecine. Un résident ou un étudiant en médecine ne peut prodiguer l’aide médicale à mourir.Le projet de loi habilite également une infirmière praticienne à la prodiguer. L’infirmière praticienne est définie comme une infirmière agréée, qui, en vertu du droit d’une province, peut, de façon autonome, à titre d’infirmière praticienne ou sous toute autre appellation équivalente, poser des diagnostics, demander et interpréter des tests diagnostiques, prescrire des substances et traiter des patients. Au Québec, c’est exactement la définition du champ d’action des infirmières praticiennes spécialisées. Elles peuvent donc pratiquer l’aide médicale à mourir.Cependant, la loi québécoise limite la pratique de l’aide médicale à mourir aux médecins seulement.Personne admissibleSeule une personne remplissant les cinq critères ci-dessous pourra recevoir l’aide médicale à mourir. Ces conditions sont cumulatives et doivent toutes être satisfaites. Il s’agit des conditions définies par la Cour suprême du Canada dans l’affaire Carter, auxquelles on a ajouté un critère de résidence. Ainsi :a) la personne doit être admissible à des soins de santé financés par le Canada. Cela signifie qu’elle doit être citoyenne canadienne ou avoir un statut lui permettant de demeurer au Canada;b) elle doit être âgée d’au moins 18 ans, ce qui élimine l’accès à l’aide médicale à mourir pour les mineurs;c) elle doit être considérée capable de prendre des décisions par elle-même concernant sa santé;d) la personne doit en faire la demande de manière volontaire et sans pression extérieure;e) dans le même ordre d’idées, elle doit consentir à recevoir l’aide médicale à mourir de manière éclairée, c’est-à-dire en ayant reçu toute l’information nécessaire pour prendre sa décision;f) enfin, la personne doit être affectée de problèmes de santé graves et irrémédiables. La loi définit davantage ce critère qui correspond dans sa formulation exactement à celle de la Cour suprême dans l’affaire Carter. Cependant, le paragraphe suivant du projet de loi définit ce que signifie le terme « problème de santé grave et irrémédiable » dans un sens quelque peu différent.Ainsi la personne :a) doit être atteinte d’une maladie, d’une affection ou d’un handicap grave et incurable, c’est-à-dire qui ne peut être guéri;b) ses capacités doivent également avoir atteint un déclin avancé et irréversible;c) de plus, sa situation doit lui causer des souffrances physiques ou psychologiques persistantes qui sont intolérables et qui ne peuvent être apaisées dans des conditions acceptables;d) finalement, sa mort naturelle doit être devenue raisonnablement prévisible, même si un pronostic n’a pas été établi quant à son espérance de vie, si sa mort est prévisible dans un délai qui n’est pas précisé dans la loi.* Me Jean-Pierre Ménard, avocat et associé du cabinet Ménard, Martin, de Montréal, enseigne à la maîtrise en droit et politique de la santé de l’Université de Sherbrooke. Il enseigne également à la maîtrise en administration des services de santé à la Faculté de médecine de l’Université de Montréal.Nous continuerons dans une prochaine chronique la discussion des nouvelles règles proposées par le gouvernement du Canada.

Projet de loi fédéral sur l’aide médicale à mourir: des règles quelque peu différentes de la loi québécoise

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