Prescrire des hormones sexuelles: guide pragmatique pour 2023

Pourquoi est-il si difficile de prescrire des hormones sexuelles? Qu'il s'agisse de l'hormonothérapie substitutive pour les bouffées de chaleur ou de la testostérone pour les troubles de la libido, la prescription d'hormones n'a rien de sorcier. Pourtant, elle reste controversée, difficile et souvent insuffisamment prescrite par de nombreux médecins. Pourquoi? Explorons le monde obscur des thérapies hormonales sexuelles et découvrons les raisons de cette méfiance et de cette confusion. Par où commencer? Définissons ce dont nous parlons. Une hormone est une substance chimique fabriquée par des cellules spécialisées, généralement au sein d'une glande endocrine, et libérée dans la circulation sanguine pour envoyer un message à une autre partie du corps. Les trois principaux types d'hormones sont les protéines, les stéroïdes et les amines. Les hormones sexuelles sont de type stéroïdien et comprennent les androgènes, les œstrogènes et les progestatifs. D'une manière générale, les hormones sexuelles jouent un rôle essentiel dans la reproduction et le développement sexuel. Elles sont responsables de la puberté et du développement sexuel, de la reproduction, de la libido, de la régulation de la croissance osseuse et musculaire, des réponses inflammatoires, de la régulation des niveaux de lipides, de la stimulation de la croissance des cheveux et de la répartition des graisses corporelles. Les concentrations de ces hormones varient tout au long de la vie d'une personne et sont influencées par plusieurs facteurs, notamment l'âge, le cycle menstruel, la ménopause, le stress, les médicaments et la consommation de drogues récréatives. Nous pourrions parler de la contraception, de l'endométriose ou de la privation d'androgènes en cas de cancer de la prostate métastatique, mais j'aimerais me concentrer sur trois prescriptions hormonales principales dans le cadre des soins primaires. Plongeons dans les eaux troubles de l'hormonothérapie chez les femmes ménopausées, de la déficience en testostérone chez les hommes et de la transition hormonale chez les personnes transgenres. Le traitement hormonal de la ménopause (THM): un feu de paille La ménopause survient en moyenne à l'âge de 51 ans. Par définition, une femme est ménopausée lorsqu'elle n'a pas eu de règles pendant 12 mois consécutifs (en l'absence d'autres causes). En outre, 85% des femmes signalent des symptômes de type et de gravité variables et, chez environ 20% d'entre elles, ces symptômes sont graves. Ils comprennent l'anxiété, les troubles de l'humeur, les difficultés de sommeil, les changements de poids, les maux de tête, l'instabilité vasomotrice (bouffées de chaleur et sueurs nocturnes), les palpitations, l'hirsutisme, la baisse de la libido et la dyspareunie, pour n'en citer que quelques-uns parmi une très longue liste. Malgré l'universalité de la ménopause dans la vie reproductive d'une femme et la fréquence élevée des symptômes gênants, ce diagnostic reste sous-traité chez de nombreuses femmes. Une étude américaine de 2021 a estimé ce nombre à 73% des femmes âgées de 45 à 65 ans. Les raisons de cette sous-prescription tiennent en trois lettres: WHI (Women's Health Initiative). Cette recherche, publiée de 2002 à 2006, a conclu que les thérapies combinées à base d'œstrogènes et de progestérone augmentaient les risques de maladies cardiaques, d'accidents vasculaires cérébraux, de thrombo-embolie veineuse et de cancer du sein invasif. Bien que cette recherche ait été critiquée pour l'utilisation de préparations hormonales obsolètes, de cohortes trop âgées et d'analyses statistiques trompeuses, cette étude a causé un préjudice majeur à ce domaine thérapeutique et ces répercussions négatives persistent des décennies plus tard, tant chez les cliniciens que dans l'opinion publique. Lire aussi: Ménopause sévère: l'hormonothérapie devrait être offerte plus souvent selon une étude Il existe d'innombrables directives actualisées (par exemple, celles de la SOGC, de la NAMS et des sociétés endocriniennes) et des algorithmes pratiques pour guider la thérapie, ainsi qu'une multitude de produits et de systèmes d'administration pour la prise d'hormones. La plupart s'accordent à dire que dans les dix premières années suivant la ménopause (généralement chez les femmes âgées de 50 à 59 ans), le risque de caillots sanguins et d'accident vasculaire cérébral est extrêmement faible, et que le risque de cancer du sein n'augmente pas si l'exposition aux hormones est inférieure ou égale à cinq ans. Si l'utérus est intact, les œstrogènes et la progestérone sont tous deux nécessaires; après une hystérectomie, les œstrogènes seuls suffisent. Le traitement hormonal de la ménopause reste la thérapie la plus efficace pour les symptômes vasomoteurs et vaginaux. Si je ne m'aventure pas dans le domaine des hormones bio-identiques, c'est simple, n'est-ce pas? En résumé Difficulté diagnostique: faible / perçue comme faible à modérée Difficulté thérapeutique: faible / perçue comme modérée Risques thérapeutiques: faibles à modérés / perçus comme élevés Le THM est une thérapie efficace largement sous-utilisée pour les femmes ménopausées symptomatiques. Le fameux T: la thérapie de remplacement de la testostérone (TRT) en cas de déficience en testostérone (DT) Contrairement à la ménopause, tous les hommes ne souffrent pas d'une baisse symptomatique du taux de testostérone, connue autrefois sous le nom d'«andropause». Pour compliquer encore les choses, de nombreux hommes présentent une grande variété de symptômes qui ressemblent étrangement à une baisse de testostérone alors que leur taux de testostérone est «normal». Voici quelques-uns des défis que pose la prescription d'hormones pour ce qui est le mieux décrit comme un déficit en testostérone. Personnellement, je préfère le terme plus ancien de «syndrome de déficience en testostérone». Faut-il traiter uniquement les hommes dont le taux de testostérone est faible en termes absolus (testostérone biodisponible inférieure à 4,0) ou les hommes dont le taux de testostérone se situe dans la partie inférieure d'une fourchette normale? Cette question, bien sûr, peut être considérée de différentes façons, selon qu'il s'agit d'une autorité canadienne ou américaine, ou d'un certain nombre de «sites d'experts» généralement financés par des entreprises fabriquant des stimulants ou des suppléments de testostérone. Des tests en série et des examens endocriniens plus élaborés sont généralement essentiels pour confirmer le diagnostic et s'assurer qu'il s'agit bien d'un hypogonadisme primaire ou secondaire. Avec des taux de testostérone plus bas, l'éventail est beaucoup plus large et la question de savoir qui doit être traité est controversée. Il existe également un potentiel d'abus et des inquiétudes, en particulier chez les jeunes hommes insistants qui demandent essentiellement une TRT pour améliorer leur entraînement et leur récupération, avoir plus d'énergie et de masse musculaire. Comme il s'agit d'une hormone sexuelle, les gains les plus importants se situent à ce niveau, comme dans l'amélioration de la libido et de la fonction sexuelle, ainsi que du bien-être général et de la qualité de vie. Lire aussi: Que savez-vous du déficit en testostérone (quiz)? Les options thérapeutiques se sont considérablement réduites au fil des ans et elles sont encore plus menacées par les fréquentes pénuries de médicaments. Si les experts ont dissipé toute crainte que la TRT ne provoque un cancer de la prostate, nous avons encore besoin d'une étude définitive sur le risque cardiovasculaire. La plupart des «problèmes» cliniques liés à la TRT sont liés à un dosage supra-physiologique (par exemple, érythrocytose, taux d'œstrogènes élevés). Il existe d'excellentes lignes directrices canadiennes, mises à jour en 2021, qui contiennent tout ce dont la plupart des omnipraticiens ont besoin pour prendre en charge la plupart des patients. La prise en charge des hommes dont le diagnostic n'est pas confirmé peut être très frustrante. Traiter les hommes symptomatiques avec un hypogonadisme confirmé permet d'obtenir des résultats remarquables. En résumé Difficulté diagnostique: modérée / perçue comme élevée Difficulté thérapeutique: faible / perçue comme modérée Risques thérapeutiques: faibles à modérés / perçus comme modérés à élevés La DT peut être diagnostiquée et traitée, et le TRT améliore la qualité de vie. Des concessions: des traitement hormonaux substitutifs (THS) pour la transition médicale (masculinisation/féminisation) Si la substitution hormonale des hommes et des femmes vieillissants demeure aisée, la transition thérapeutique chez les personnes transgenres peut s'avérer la plus difficile de toutes. Chaque étape, du diagnostic au traitement jusqu’au suivi, peut sembler monumentale, même s'il s'agit de soins médicaux étonnamment simples pour la plupart des patients adultes. Le diagnostic de dysphorie de genre est crucial et s'effectue en examinant les critères du DSM. Un modèle de consentement éclairé est la base sur laquelle nous avançons dans la transition médicale, qu'il s'agisse d'hormones, de chirurgie ou des deux. L'essentiel est de connaître toutes les options disponibles pour féminiser (anti-androgènes, œstrogènes, +/- prometrium) et masculiniser (testostérone), puis de comprendre le degré/l’agressivité auquel le patient souhaite procéder à la transition: s'agit-il d'une transition binaire plus traditionnelle ou d'une position non binaire plus subtile? Lire aussi: Personnes transgenres aux É.-U.: les médecins face au manque de formation Les effets indésirables, les risques, les soins de suivi doivent tous être appris, et la courbe d'apprentissage peut être abrupte au début. Les patients sont généralement motivés et bien informés concernant les options de transition, de sorte que nous n'avons pas besoin de passer beaucoup de temps à dénicher des informations pour eux. Les «Sherbourne Guidelines» constituent un excellent guide canadien complet, tandis que les standards WPATH SOC 8 sont la «bible» internationale récemment mise à jour sur le sujet. La plupart des sociétés d'endocrinologie disposent de lignes directrices très élaborées en matière de pratique clinique. Ce domaine de la médecine a beaucoup évolué et le manque de ressources ne peut plus servir d'excuse pour ne pas prescrire et suivre en toute sécurité les patients qui suivent des thérapies hormonales transitoires. En résumé Difficulté diagnostique: faible / perçue comme modérée à élevée Difficulté thérapeutique: modérée / perçue comme modérée à élevée Risques thérapeutiques: faibles / perçus comme modérés à élevés La dysphorie de genre peut être facilement diagnostiquée et traitée avec succès grâce à la transition médicale. Cette introduction de haut niveau aborde certaines idées clés à prendre en compte lors de la prescription d'hormones sexuelles. Ce n'est pas pour les âmes sensibles, mais nul besoin d'être endocrinologue (urologue, gynécologue, psychiatre) pour commencer. Les patients qui choisissent de s'aventurer sur ces chemins thérapeutiques sinueux peuvent être récompensés par une amélioration remarquable de leur qualité de vie, et les médecins peuvent trouver ce travail difficile immensément gratifiant.

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