Prescription pour concilier médecine et parentalité

La médecine est un métier difficile. Être parent est difficile. Il n'est pas surprenant qu'en combinant les deux, ce soit vraiment difficile, si l’on en croit les intéressés. Omnipraticienne, anesthésiste et ancienne présidente de l'Association médicale de l’Ontario (OMA), la Dre Nadia Alam le sait bien. Elle est mère de quatre enfants. «Les longues heures de travail, les lieux de pratique et les horaires changeants, les environnements de travail sous pression, le processus d'apprentissage exigeant, la fatigue, l'effervescence et l'épuisement professionnel constituent tous des défis importants pour trouver des services de garde et élever des enfants», confirme la Dre Alam. «Ajoutez à cela l'école, les sorties, les activités parascolaires, les fêtes d'anniversaire et ainsi de suite, c'est difficile. Il n'y a pas d'alternative. C'est tout simplement difficile.» Pour de nombreux médecins, la décision de devenir parent peut également être très délicate à prendre. «La formation pour devenir clinicien est longue, rigoureuse, et elle se déroule pendant la fenêtre de reproduction optimale pour les femmes médecins», observe la Dre Andrea Simpson, mère, obstétricienne et chirurgienne mini-invasive en gynécologie à l'Hôpital St Michael de Toronto. «Mais les médecins devraient avoir des enfants quand ils le souhaitent. Les grossesses tardives sont associées à un risque accru d'infertilité et de complications néfastes», ajoute la Dr Simpson, qui est l’auteure, avec les Drs Maria Cusimano et Nancy Baxter, de l'article The Inconvenience of motherhood during a medical career, publié en 2021 dans le Journal de l'Association médicale canadienne (CMAJ). La planification est essentielle Le site web de Médecins résidents du Canada (RDoC) offre des ressources, du soutien et des conseils aux résidentes et résidents et aux médecins en exercice qui souhaitent fonder une famille. Parmi les principaux conseils? Planifiez à l'avance. Cela signifie, par exemple, que vous devez informer rapidement le directeur de votre programme de résidence et le bureau des études médicales postdoctorales; informez, le cas échéant, l'Association canadienne de protection médicale si vous prenez un congé de maternité et/ou parental afin d'interrompre votre couverture; examinez les prestations offertes par l'assurance-emploi (AE) si vous exercez au Canada, ou par le Régime québécois d'assurance parentale si vous pratiquez au Québec, ainsi que les contrats de résidence provinciaux qui peuvent accorder un soutien financier supplémentaire. Notez que cet automne, le gouvernement fédéral réévalue le nombre de semaines offertes pour le congé de maternité et le congé parental. Il pourrait donc y avoir des changements concernant l'AE. De plus, les médecins doivent savoir que chaque province et chaque programme ont leurs propres normes concernant le nombre de semaines de grossesse à partir duquel une médecin enceinte n'est plus tenue d'effectuer des quarts de travail prolongés et des gardes. Surtout, les experts – et ceux qui sont passés par là – conseillent vivement de planifier à l'avance la garde des enfants. Trouver un service de garde Le processus de recherche d'un service de garde d'enfants peut prendre des mois et des mois et, pour beaucoup, l'obtention d'un service de garde fiable est l’aspect le plus angoissant de la transition vers le retour au travail. Cela est particulièrement vrai pour les médecins qui ne peuvent pas compter sur du soutien familial à proximité de leur lieu de pratique ou de résidence. Lire aussi: Parent médecin: «Il faut être attentif à nos limites» Les options sont multiples: les centres de la petite enfance (CPE), les services de garde privés, subventionnés ou non, à domicile ou en milieu collectif, les gardiennes d’enfants, les agences de nounous, les jeunes filles au pair. Selon le RDoC, les médecins qui envisagent l’une ou l’autre des solutions doivent entreprendre des démarches et s'inscrire sur des listes d'attente le plus tôt possible. Les services de garde en milieu familial, par opposition aux garderies, peuvent offrir plus de flexibilité par rapport aux horaires non conventionnels d’un ou d’une médecin (mais doivent également être contrôlés pour s'assurer qu'ils sont accrédités). «Une carrière en médecine est exigeante et souvent peu flexible, il est donc essentiel d’avoir des options de garde d'enfants plus souples», souligne la Dre Simpson. Ça prend tout un village Qu'il s'agisse de la famille, des amis ou des collègues, développez un réseau de soutien lorsque vous élevez des enfants, conseillent les docteures Simpson et Alam. «J'ai eu ma fille pendant ma formation en chirurgie gynécologique mini-invasive», indique la Dre Simpson. «J'ai eu la chance d'avoir des mentors et des collègues qui m'ont soutenue lorsque je leur ai dit que je prendrais un congé parental. Cependant, les horaires de formation rigides ont constitué un défi lorsque je suis revenue avec un enfant en garderie. Les jours où il était malade et devait rester à la maison, c’était mon conjoint, qui n'est pas médecin, qui s’en occupait. J'imagine que c’est encore plus difficile pour les parents célibataires, et lorsque les deux sont médecins.» Lire aussi: «C’est possible d’être une bonne maman et une bonne médecin» La Dre Alam reconnaît qu'elle a de la chance. Ses parents et sa belle-famille l'ont beaucoup aidée pour la garde des enfants, notamment pour les soirées pyjama pendant les quarts de travail. «Cependant, au fil du temps, les grands-parents ne pouvaient plus nous aider. Il a donc fallu trouver une autre solution – c'était brutal. Je n'avais pas de nounou, mais j'avais une super baby-sitter qui vivait à deux pas de chez moi.» Même dans ce cas, poursuit-elle, il était très difficile de trouver un service de garde pour les périodes où elle se trouvait «à Moose Factory, à Cochrane ou n'importe où à l'extérieur de Halton Hills. Mon mari s’est impliqué. J'ai dû relever le même défi lorsque j'ai commencé à défendre le système de santé et à devenir présidente de l'OMA… Il a fallu un village, et sans lui, je n'aurais pas pu saisir les occasions qui se sont présentées à moi.» Lire aussi: Ne jouez pas au héros La Dre Alam, qui avoue que son fils lui a un jour donné une carte de fête des mères sur laquelle il était écrit: «Ce que maman préfère: le travail», conseille aux parents de définir ce qui est important pour eux. «Gérez vos attentes. Décidez ce qui est le plus important et ce qui l'est moins lorsque vous organisez votre emploi du temps et celui de vos enfants», explique-t-elle. «Par exemple, j'ai choisi de ne pas inscrire mes enfants à des tonnes d'activités extrascolaires pour passer du temps avec eux. Je sais que je ne pourrai pas faire pour mes enfants tout ce que ma mère – qui restait à la maison – a pu faire, et j'ai fait la paix avec ça.» La Dre Alam croit également qu'il faut être sincère avec ses enfants et leur faire savoir qu'il est difficile d'atteindre ses objectifs professionnels. «Je ne cache pas que mon travail et ma vie sont difficiles. Je dis à mes enfants quand je ne peux pas me permettre quelque chose... Quand ma journée a été rude, ce qui me fait pleurer, quand j'ai fait une erreur, quand je suis rentrée à la maison blessée et épuisée», détaille-t-elle. «Je veux qu'ils voient comment je fais face aux choses pénibles pour qu'ils puissent apprendre à y faire face dans leur vie… Je veux qu'ils voient tout cela – pour qu'ils puissent être plus que ce que je suis.» Lire aussi: Doués et TDAH: les défis des parents d’enfants «doublement exceptionnels» D'autres ressources Outre le RDoC, d'autres organisations de médecins offrent des ressources et du soutien aux médecins-parents. L'Association médicale canadienne propose, dans l’espace bien-être de son site web, des outils «pour aider les médecins et leurs familles à gérer et à surmonter les défis qui se présentent tout au long d'une carrière en médecine et à établir de meilleures relations». Resident Doctors of BC propose une collection complète d’informations et de conseils sur le rôle de parent avant, pendant et après le congé parental. Mothersinmedicine.com, un blogue collectif rédigé par des mères médecins, explore les défis et les joies de s'occuper des patients et des enfants. Malgré les difficultés, la Dre Simpson recommande aux futurs parents de se lancer. «Il n'y a pas de moment idéal pour avoir des enfants. Si devenir parent fait partie de votre épanouissement personnel, ne retardez pas cet aspect-là de votre vie en attendant le moment "parfait" par rapport à votre carrière. Être médecin-parent est difficile. Mais l'épanouissement personnel est aussi important que l'accomplissement professionnel.

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