Obésité sévère: la chirurgie plus efficace que les GLP-1

Peut-on vraiment mettre sur le même plan les nouvelles molécules anti-obésité et la chirurgie bariatrique? Cette question était au cœur d’une étude de cohorte publiée dernièrement dans le JAMA Surgery et dirigée par le Dr George Eid et Tyson S. Barrett, du Allegheny Health Network, à Philadelphie. L’objectif du chirurgien et du biostatisticien: comparer l’efficacité clinique et les coûts associés aux agonistes du récepteur du GLP-1 et à la chirurgie métabolique bariatrique (MBS).«L’obésité de classe II et III est associée à une mortalité accrue, à la survenue de nombreuses comorbidités et à des coûts énormes pour le système de santé», rappellent les auteurs dans l’introduction de l’article. Ils soulignent également que malgré la sécurité et l’efficacité documentées de la chirurgie bariatrique, elle demeure trop souvent un traitement de dernier recours, alors que les GLP-1, dont le sémaglutide (Ozempic, Wegovy) et le tirzépatide (Mounjaro), suscitent un engouement sans précédent.À consulter: Une pilule pour traiter l’obésité?L’étude repose sur l’analyse rétrospective des bases de données du Highmark Health et de l’Allegheny Health Network, deux gros réseaux de santé en Pennsylvanie. Plus de 30 000 adultes atteints d’obésité sévère ont été inclus entre 2018 et 2023. Parmi eux, 14 101 ont subi une chirurgie bariatrique (sleeve gastrectomie ou bypass gastrique) et 16 357 ont reçu une prescription de GLP-1 RA (dulaglutide, liraglutide, sémaglutide, tirzépatide ou autres). Les chercheurs ont apparié les cohortes par score de propension afin de neutraliser les différences de profil initial (âge, sexe, comorbidités, consommation de tabac, utilisation des soins). Le suivi moyen atteignait 34 mois pour les patients opérés et 32 mois pour ceux sous médication.Un sous-groupe de 1548 patients, pour lesquels des données cliniques pondérales détaillées étaient disponibles, a permis de comparer directement la perte de poids: 1 291 après chirurgie et 257 sous GLP-1.Des résultats significatifsLes résultats mettent en lumière l’avantage net de la chirurgie. «La chirurgie métabolique bariatrique a été associée à une perte de poids plus importante et à des coûts moindres que les agonistes du GLP-1», écrivent les auteurs.Perte de poidsPerte moyenne après 2 ans: 28,3% (IC à 95% 27,7–28,9) pour la chirurgie contre 10,3% (IC à 95% 9,3–11,3) pour les GLP-1 (p < 0,001)Patients avec une perte de poids de 10% et plus: 96,0% pour la chirurgie, 45,9% pour les GLP-1; risque relatif (RR) = 2,09 [IC à 95% 1,88–2,32]Patients avec une perte de poids de 5% et plus: 98,8% pour la chirurgie, 71,6% pour les GLP-1; RR = 1,38 [IC à 95% 1,31–1,45]CoûtsMoyenne sur 2 ans: 63 483$ pour les GLP-1; 51 794$ pour la chirurgiePoint d’équilibre: environ 15 moisUtilisation des soins (ajustée, par patient-mois)Hospitalisations: 0,016 pour les GLP-1 contre 0,012 pour la chirurgie (- 25%); RR = 0,75 [IC à 95% 0,62–0,90]Consultations externes: 0,703 pour les GLP-1 contre 0,524 pour la chirurgie (- 27%); RR = 0,73 [IC à 95% 0,67–0,79]Urgences: 0,078 pour les GLP-1 contre 0,051 pour la chirurgie (- 38%); RR = 0,65 [IC à 95% 0,57–0,75]«Ce qui nous a le plus surpris, souligne le Dr Eid dans une entrevue accordée à l’American Medical Association, c'est que les patients opérés utilisaient moins les soins hospitaliers et les urgences que ceux sous GLP-1. C’est une preuve supplémentaire que la chirurgie est plus sûre que jamais.»Le nombre de chirurgies bariatriques réalisées chaque année au Québec est passé de 2910 en 2014 à 4217 en 2024, selon des données de la Régie de l’assurance maladie du Québec.Un contraste avec les essais cliniquesLa perte pondérale observée sous GLP-1 (10,3%) est inférieure à celle rapportée dans les essais randomisés (15–25%). «Les données en vie réelle sont toujours moins spectaculaires, explique le Dr Barrett. Elles reflètent mieux la diversité des patients et les conditions de prescription.» Les chercheurs rappellent que l’efficacité des GLP-1 repose sur un traitement continu, alors que l’arrêt entraîne souvent une reprise pondérale.Cette difficulté est amplifiée par les problèmes d’adhésion. Dans une analyse rétrospective sur plus de 125 000 adultes, près de 65% des patients non diabétiques et 46,5% des diabétiques ont cessé leur traitement au cours de la première année. Une autre étude menée auprès de 4000 Américains a montré qu’à peine 32% poursuivent la thérapie après un an, avec de fortes disparités entre molécules: 47,1% pour le sémaglutide, contre 19,2% pour le liraglutide. Enfin, une étude canadienne sur 322 patients a révélé qu’environ 15% interrompent leur traitement après un mois, en raison d’effets indésirables ou de coûts jugés prohibitifs.Pour aller plus loin: Pourquoi tant de patients abandonnent les GLP-1Un avenir combiné?Pour les auteurs, il ne s’agit pas d’opposer chirurgie et pharmacothérapie. «Dans toute maladie chronique, nous avons plusieurs outils thérapeutiques. L’obésité n’y fait pas exception», insiste le Dr Eid. Selon lui, certains patients bénéficieront surtout de la chirurgie, d’autres de la médication, et un troisième groupe probablement d’une combinaison des deux.«Ce que nous cherchons à comprendre maintenant, explique le Dr Barrett, c’est comment prédire plus tôt quel traitement conviendra le mieux à quel patient. Cela permettrait d’éviter des parcours coûteux et inefficaces.»À consulter: Les agonistes du GLP-1 associés à une réduction du risque global de cancer chez les personnes obèsesÀ l’heure où l’on estime que 50% de la population mondiale pourrait nécessiter un traitement contre l’obésité d’ici 2030, la question est urgente. «L’enjeu, conclut le Dr Eid, sera d’apprendre à utiliser les bons outils au bon moment, en éduquant nos patients et en leur offrant une décision véritablement éclairée.»Référence:Barrett TS, Hafermann JO, Richards S, LeJeune K, Eid GM. Obesity Treatment With Bariatric Surgery vs GLP-1 Receptor Agonists. JAMA Surg. Publié en ligne le 17 septembre 2025; doi:10.1001/jamasurg.2025.3590

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