Maladie d’Alzheimer: la déficience en protéine Shank3a contribuerait au déclin cognitif

La recherche avait déjà établi un lien entre la maladie d’Alzheimer et l’affaiblissement de la synthèse des protéines synaptiques, mais on ignorait jusqu’ici si une de ces protéines défaillantes produisait particulièrement des interférences dans la communication entre les neurones. Une équipe internationale de chercheurs vient cependant d’identifier que la déficience de la protéine Shank3a participe au déclin cognitif et exacerbe les manifestations de la maladie d’Alzheimer. Une découverte qui ouvre la voie à une avenue thérapeutique restant à explorer pour prévenir ou ralentir cette affection neurodégénérative. «On savait que cette protéine, très abondante au niveau des synapses, est impliquée dans le syndrome de Phelan-McDermid», indique le chercheur spécialiste des maladies du cerveau au Centre de recherche du CHU de Québec – Université Laval (UL), Frédéric Calon. Chez les enfants souffrant de cette maladie génétique rare, la perte d’une copie du gène qui code pour la protéine Shank3a a des répercussions sur leur fonctionnement cognitif, provoquant un retard de développement et des déficiences intellectuelles. «C’est ce qui nous a donné l’idée d’explorer comment Shank3a était affectée chez les personnes atteintes d’Alzheimer», explique le professeur à la Faculté de pharmacie de l’UL, qui a contribué à cette étude internationale ayant fait l’objet d’une publication dans le Journal of Neuroscience. Pour ce faire, les chercheurs ont commencé par exploiter une banque de cerveaux créée aux États-Unis dans le cadre d’une étude longitudinale amorcée en 1993. Ils ont ainsi pu comparer le niveau de Shank3a chez 18 personnes diagnostiquées d’Alzheimer et chez 18 autres qui n’en avaient pas été atteintes. Résultat: ce niveau était de 30 à 50% moindre chez les malades d’Alzheimer. «Nous avons également montré qu’il existait une corrélation négative entre le niveau de Shank3a et les résultats obtenus lors des tests cognitifs effectués dans l’année précédant le décès», signale Frédéric Calon en précisant que les enchevêtrements neurofibrillaires caractéristiques de l’Alzheimer étaient également plus abondants chez les individus qui avaient une déficience en Shank3a. Afin de s’assurer que la protéine synaptique joue bien un rôle dans la maladie, les scientifiques ont formé trois groupes de souris génétiquement modifiées. Dans le premier, elles présentaient les principales manifestations de l’Alzheimer (enchevêtrements neurofibrillaires et plaques amyloïdes). Le second rassemblait des souris produisant 50% moins de Shank3a que des souris normales. Tandis que le troisième était constitué de rongeurs croisant les particularités des deux premiers groupes, le but étant d’étudier les synergies entre les deux phénomènes. «Les souris issues de ce croisement ont moins de mémoire de reconnaissance des objets et davantage d’anxiété que les souris modèles de l’Alzheimer. De plus, elles produisent plus de protéines qui forment les plaques amyloïdes et plus de protéines tau responsables des enchevêtrements neurofibrillaires», détaille le professeur Calon. Lire aussi: Mieux décrypter la distractibilité pour détecter des maladies neurodégénératives Des avenues à explorer Les chercheurs ont en revanche été un peu surpris de constater que ces changements comportementaux et biochimiques étaient très limités chez les souris présentant uniquement une déficience en Shank3a comme parmi celles qui avaient les caractéristiques de l’Alzheimer. «La déficience en Shank3a semble donc participer au déclin cognitif en exacerbant les manifestations de la maladie», conclut le chercheur de l’UL. Si l’origine de cette déficience reste inconnue, la découverte de Frédéric Calon et de ses collègues pourrait néanmoins ouvrir la voie à de nouvelles recherches thérapeutiques. «Si notre hypothèse est correcte, les traitements permettant de préserver les niveaux de Shank3a dans les synapses pourraient aider à prévenir l’apparition ou la progression de l’alzheimer», considère le professeur qui fonde des espoirs sur les nouvelles thérapies géniques pouvant modifier l’expression des gènes dans le cerveau. «Mais on est encore loin d’envisager leur application chez l’humain», prévient-il. L’autre avenue à explorer serait, selon lui, de «voir si Shank3a peut être un biomarqueur de la maladie. Si on peut remonter dans le temps et savoir à partir de quand le déficit de cette protéine se manifeste, on pourrait alors déceler l’alzheimer précocement». Ce que la science médicale n’est pas en mesure de déterminer. «On sait diagnostiquer la maladie, mais on ignore encore quand elle commence.»

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