Loi 2: médecins, pharmaciens et système de santé

Tous les Québécois ont entendu parler de l’adoption sous bâillon de la Loi 2, qui vient modifier des paramètres significatifs du mode de rémunération des médecins. Le ministre de la Santé, Christian Dubé, clame que c’est le remède nécessaire pour guérir notre système de santé et assurer l’accès des Québécois aux services de santé dont ils ont besoin. Les médecins en doutent…et ils n’ont pas les seuls1.Cette loi, adoptée par un mécanisme qui détonne dans une démocratie, modifie singulièrement les paramètres de négociation entre les médecins et le gouvernement.«C’est passé sous le radar, mais cette loi vient d’ailleurs réglementer l’utilisation des agences de placement en pharmacie.»Rappelons que la possibilité pour le ministre de négocier avec les professionnels de la santé est prévue à l’article 19 de la Loi sur l’assurance-maladie2. Clairement ici, cet article est bafoué. Ce principe s’applique non seulement aux médecins, mais à tous les professionnels payés par la Régie de l’assurance maladie du Québec, et donc les pharmaciens communautaires.Ce précédent nous touche donc potentiellement. C’est passé sous le radar, mais cette loi vient d’ailleurs réglementer l’utilisation des agences de placement en pharmacie. (Je ne fais pas le débat sur la pertinence ou non de réglementer sur ce sujet, mais sur le principe sous-jacent d’introduire ce changement dans une loi adoptée sous bâillon)Globalement et sans nuances, le ministre croit dur comme fer que la nouvelle loi va donner un accès aux 1,5 million de citoyens qui n’ont pas de médecin de famille, réduire le délai d’attente en chirurgie et permettre aux personnes qui consultent à l’urgence d’être vues en 90 minutes. Rien de moins.Le ministre clame que le changement le plus profond pour l’accès en première ligne sera la notion de prise en charge collective et non plus l’attribution d’un tandem patient-médecin. Cette idée est tout de même attrayante. Il me semble évident depuis longtemps qu'avec l'élargissement des rôles professionnels des professions paramédicales, la pratique en santé est plus que jamais un sport d'équipe.Cela présuppose néanmoins que ces autres professions paramédicales que peuvent être les infirmières, les infirmières praticiennes spécialisées, les physiothérapeutes, les psychologues et, bien sûr, les pharmaciens, soient non seulement disponibles mais aussi qu'ils trouvent leur place dans le cadre de rémunération, et qu’ils fonctionnent dans une organisation cohérente de l'ensemble des soins de santé. Ce n'est clairement pas le cas. Non seulement la majorité des psychologues et des physiothérapeutes ne sont pas intégrés au système de santé publique, mais il n'existe aucun mécanisme pour mettre en réseau l'ensemble de ces professionnels. Le ministre s'est avancé pour dire que les infirmières praticiennes spécialisées peuvent être des «substituts aux médecins», affirmation qui, tout en étant favorable au positionnement des IPS dans le système de santé, a néanmoins été décrié par leur association syndicale, la FIQ3. Il y a un peu plus de 1800 IPS actuellement au Québec4. Il y a un peu plus d’un an, celles-ci avaient pris en charge moins de 500 patients5. Cela donne une idée de l’écart pour la prise en charge des québécois orphelins, alors que la FMOQ affirme qu’il manque près de 2000 médecins de famille6.Le bilan démographique du Québec est déjà éloquent. La population a crû d’un million de citoyen en 10 ans, l’âge moyen est en augmentation constante et nous l’oublions, une nouvelle maladie, la COVID, génère encore en octobre 2025, plus de 700 cas testé positifs et hospitalisés. Ce sont beaucoup de patients qui occupent des lits d’hospitalisation et consomment de plus en plus de soins de santé.Bref, le tableau est complexe, très complexe. La solution du ministre est simple, simpliste. Elle semble teintée de pensée magique.«La mobilisation des médecins contre cette loi est édifiante et inspirante.»La mobilisation des médecins contre cette loi est édifiante et inspirante. Bien qu’ils soient visés dans leurs revenus personnels et professionnels, ce qui est en soit une raison suffisante pour se mobiliser, je pense qu’une part significative de cette mobilisation repose sur le non-sens et le manque de cohésion apparent de la stratégie gouvernementale dont cette loi. Le taux de détresse des médecins soutient cette opinion7.Face à ce constat qui touche tous les professionnels de la santé dans cette mission de soigner la population, il est étonnant que les autres professions ne se mêlent pas plus au débat soulevé par les médecins. Bien que la loi les touche directement, le problème sous-jacent et le type de décisions du gouvernement nous touche tous directement. Les enjeux sont complexes, et les solutions ne sont pas simples. Mais la mobilisation de l’ensemble des professionnels, dans une approche organisée, cohérente et fonctionnelle fait partie de la solution. Par son accessibilité, la pharmacie craint de devenir le débordement du système de santé. Elle a un rôle à jouer, son rôle, de concert avec les collègues des autres professions. Mais elle ne pourra pas le faire dans un système construit à coups de lois bâillons.Je nous invite à être vocaux, sur toutes les plateformes en faveurs de modifications positives qui amélioreront le système de santé pour nous et surtout pour les citoyens. Ce n’est pas que la bataille des médecins.Heureusement que cela est encore possible au Québec.Références1- https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2202800/medecins-famille-travail-patients-desengagement-etude2- https://www.legisquebec.gouv.qc.ca/fr/document/lc/A-293- https://www.lapresse.ca/actualites/sante/2025-10-28/la-fiq-deplore-que-christian-dube-brandisse-les-ips-comme-substituts-des-medecins.php4- https://www.oiiq.org/1-685-infirmieres-praticiennes-specialisees-et-infirmiers-praticiens-specialises-ips-au-quebec5- https://www.lapresse.ca/actualites/2024-06-27/infirmieres-praticiennes-specialisees/moins-de-500-patients-pris-en-charge.php6- https://iris-recherche.qc.ca/blogue/sante-et-services-sociaux/medecins-famille-quebec/7- https://www.lapresse.ca/actualites/sante/2025-10-29/exode-des-medecins/c-est-definitif-je-ne-reste-pas-ici.php

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