L’hypertension artérielle, un problème de couple

Pour le meilleur et pour le pire. Si l’un des conjoints d’un couple hétérosexuel souffre d’hypertension artérielle, l’autre risque également d’en souffrir. Une étude internationale publiée dernièrement dans le journal de l’American Heart Association révèle en effet que l’hypertension est concordante chez près d’un couple sur deux. «Le conjoint de votre patient peut être la clé de sa santé», concluent ses auteurs, convaincus que «les interventions thérapeutiques axées sur le couple peuvent changer le paradigme de notre perception des relations conjugales afin de prévenir et de gérer les maladies non transmissibles».Des recherches antérieures avaient exploré les liens entre l’hypertension artérielle et d’autres maladies au sein des couples dans un seul pays ou parmi des échantillons régionaux. Là, les scientifiques ont fait les choses en grand en s’intéressant à des ménages hétérosexuels vivant aux États-Unis, en Angleterre, en Chine et en Inde. «Notre étude est la première à examiner la concomitance de l’hypertension artérielle au sein de couples issus de pays à revenus élevés et moyens», signale dans un communiqué le co-auteur principal de l’étude, Jithin Sam Varghese. «Nous voulions voir si de nombreux couples qui ont souvent les mêmes intérêts, le même cadre de vie, les mêmes habitudes de vie et les mêmes résultats en matière de santé partageaient également une tension artérielle élevée», explique le professeur adjoint de recherche au Emory Global Diabetes Research Center de l’Université Emory, à Atlanta.Pour répondre à cette prémisse, les chercheurs ont analysé la tension artérielle de 3989 couples américains, 1086 couples britanniques, 6514 couples chinois et 22 389 couples indiens à l’aide de données transversales. Les couples ont été définis comme des personnes hétérosexuelles vivant dans le même foyer et déclarant être mariés ou partenaires.L’âge moyen des conjoints était de 65,7 ans aux États-Unis, 74,2 ans en Angleterre, 61,5 ans en Chine et 57,2 ans en Inde. Celui des conjointes était de 62,9 ans aux États-Unis, 72,5 ans en Angleterre, 59,2 ans en Chine et 51,1 ans en Inde. Les participants considérés hypertendus présentaient l’une de ces caractéristiques: systolique supérieure à 140 mm Hg, diastolique supérieure à 90 mm Hg, ou des antécédents d’hypertension artérielle constatés par un professionnel de la santé.Les résultats sont les suivants:Le taux d’hypertension chez les deux conjoints était d’environ 47% en Angleterre, 38% aux États-Unis, 21% en Chine et 20% en Inde.Les femmes dont les conjoints souffraient d’hypertension artérielle étaient 9% plus susceptibles d’en souffrir aux États-Unis et en Angleterre, 19% en Inde et 26% en Chine que celles dont les compagnons ne sont pas concernés.Dans chaque pays, des associations similaires ont été observées pour les conjoints. Aucune différence entre les sexes n’a été observée lors de la comparaison des associations entre les conjoints et les conjointes.«La prévalence de l’hypertension concordante au sein des couples est plus élevée aux États-Unis et en Angleterre qu’en Chine et en Inde. Cependant, l’association de l’hypertension entre les couples est plus forte en Chine et en Inde», note Peiyi Lu, l'un des co-auteurs. «Une des explications pourrait être d’ordre culturel. En Chine et en Inde, on croit fermement qu’il faut rester uni en tant que famille, de sorte que les couples peuvent avoir une influence plus grande sur la santé de l’autre», indique le chercheur postdoctoral en épidémiologie à la Mailman School of Public Health de l’Université Columbia, à New York.Changer de paradigmeAu regard de leurs constats, les scientifiques appellent à revoir la manière dont l’hypertension et d’autres maladies cardiométaboliques — telles que le diabète, les maladies cardiaques et l’obésité — sont prévenues, dépistées et traitées. «Les lignes directrices cliniques actuelles et les approches de santé publique en matière de prévention et de prise en charge de ces maladies sont principalement centrées sur l’individu. Avec l’accumulation de preuves de la concordance des maladies entre les conjoints, les familles et les communautés, nous incitons les chercheurs, les praticiens et les décideurs à réévaluer le paradigme actuel de la santé centrée sur l’individu par des interventions innovantes ciblant les familles et les communautés à risque», écrivent-ils en conclusion de leur étude.Lire aussi: Prendre en charge l’hypertension (quiz)La prévention de l’hypertension à travers des changements de mode de vie (être plus actif, manger plus sain, réduire son stress) peut notamment être plus difficile à réaliser, et à maintenir, si le conjoint ne les adopte pas, souligne par ailleurs la professeure agrégée à l’École de santé publique de l’Université de Virginie-Occidentale (à Morgantown), Bethany Barone Gibbs, qui estime «les interventions centrées sur le couple peuvent donc constituer une stratégie efficace pour prévenir et gérer l’hypertension».Selon les données les plus récentes de Statistique Canada, près d’un Canadien sur quatre (24% des hommes et 23% des femmes) âgé de 20 à 79 ans faisait de l’hypertension en 2015. Dans le détail, la prévalence de l’hypertension augmente considérablement avec l’âge: les Canadiens (71%) et les Canadiennes (69%) âgés de 70 à 79 ans sont environ trois fois plus susceptibles d’en souffrir que leurs concitoyens (25%) et concitoyennes (21%) âgés de 40 à 59 ans. Au niveau mondial, l’hypertension est considérée comme étant le principal facteur de risque de maladies cardiovasculaires et de décès prématurés.

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