Les médecins ne peuvent plus se soustraire aux nouvelles directives médicales anticipées

Dorénavant, les médecins ne peuvent plus se soustraire aux nouvelles directives médicales anticipées des patients, qui sont entrées en vigueur à la mi-juin. Sauf exception, les médecins ainsi que les membres des familles doivent ainsi se conformer aux volontés de fin de vie exprimées par les patients si leur état correspond à l’une des trois situations cliniques prévues par la Loi. Ce nouveau régime forme l’un des grands volets de la Loi 2 concernant les soins de fin de vie, mais le registre qui les contient n’est en vigueur que depuis cet été. Ces directives s’appliquent à des états précis, sans forcément être des situations d’urgence, où les médecins s’interrogent sur la pertinence de certains soins, même s’ils sont nécessaires au maintien de la vie. Seules les personnes majeures et aptes à accepter des soins peuvent émettre des directives médicales anticipées.Leur mise en application il y a quelques semaines est passée sous le radar en raison de l’importance accordée à un autre segment de la même loi, l’aide médicale à mourir. Elles lancent cependant un message très fort au corps médical.Primauté des droits des patients«Les directives médicales anticipées reconnaissent davantage la primauté des droits du patient et des préférences face à ses choix de fin de vie, explique la Dre Lucie Baillargeon, médecin de famille en soins palliatifs, professeure à la Faculté de médecine de l’Université Laval et présidente du Comité sur l’enseignement de la Loi concernant les soins de fin de vie de la Faculté. Ces nouvelles dispositions vont beaucoup changer le mode de discussions et les décisions qui seront prises par la famille et le médecin. Je ne dirais pas que cela va faciliter le travail du médecin car la procédure à respecter ajoute des obligations, mais c’est un outil qui s’ajoute à la notion de consentement.»Des directives contraignantesAuparavant, un patient pouvait avoir émis des directives, dans un mandat d’inaptitude par exemple, mais si le mandataire pensait qu’il n’était pas dans son intérêt de les suivre, il pouvait aller à l’encontre des exigences de la personne. Les médecins n’étaient pas non plus contraints de suivre les volontés du patient et pouvaient les ignorer s’ils les jugeaient inappropriées. La Loi 2 change la donne et impose une obligation.«Les nouvelles directives médicales sont contraignantes. Tant le médecin que la famille sont obligés de les suivre si elles rencontrent les conditions et situations prévues par la loi, précise la Dre Baillargeon. Ces volontés sont réputées être aussi valables que si la personne était apte et donnait son consentement ou son refus de soins. Elles ont préséance sur les vœux du mandataire et l’opinion professionnelle du médecin.»Un médecin a désormais l’obligation de vérifier si des directives anticipées figurent dans le registre ou le dossier médical. Si elles sont présentes et que le patient est apte, le médecin a le devoir de s’assurer qu’elles sont conformes à la volonté du patient. Si le patient est inapte, il doit s’y soumettre.Même si un médecin juge qu’une forme d’intervention demeurerait judicieuse, mais que le patient l’a refusée dans ses directives, le médecin ne pourra aller contre sa volonté. En revanche, si le médecin croit que la personne qui les a émises n’était pas apte à le faire au moment où elle les a remplies, il peut s’adresser à un tribunal pour ne pas les respecter.Dans ses volontés, le patient peut indiquer s’il consentirait ou pas à ces soins. Toutefois, il ne peut pas les exiger. En effet, si le soin demandé ne semble pas approprié en raison de son état, le médecin n’est pas tenu de respecter son souhait, souligne la Dre Baillargeon.Situations cliniques et soins visésLa loi prévoit trois situations cliniques spécifiques où les directives peuvent être utilisées:- une condition médicale grave et incurable, et la personne est en fin de vie.- un coma jugé irréversible: l’individu est inconscient de façon permanente et alité, sans aucune possibilité de reprendre conscience, ou il se trouve dans un état végétatif permanent, inconscient, mais conserve quelques réflexes, comme la capacité d’ouvrir et de fermer les yeux, ou présente une réaction à la douleur.- une atteinte sévère et irréversible des fonctions cognitives, sans possibilité d’amélioration, par exemple la démence de type Alzheimer.Soins visésLes soins visés par la loi sont des traitements vitaux, qui peuvent être nécessaires au prolongement de la vie. Ce sont:-la réanimation cardiovasculaire, comprenant le bouche-à-bouche, les compressions thoraciques, la défibrillation et le respirateur;- la dialyse;- la ventilation assistée par un respirateur;- l’alimentation et l’hydratation forcées;- l’alimentation et l’hydratation artificielles.Quelques exceptionsLa loi prévoit certaines exceptions à son application. Par exemple, si une personne jeune victime d’un accident de voiture a signé de telles directives, mais que les médecins croient qu’elle pourrait retrouver une qualité de vie avec des soins. La famille ou les médecins pourraient alors aller au tribunal et tenter de faire la preuve que la situation vécue par le patient pour appliquer les directives n’était pas celle qu’il avait imaginée.Un patient peut continuer à avoir des directives médicales personnelles pour d’autres conditions que celles décrites précédemment, mais elles n’entrent pas dans la loi, et les médecins ou des membres de sa famille pourraient s’y opposer.Par ailleurs, il n’est pas possible de demander l’aide médicale à mourir dans les directives médicales anticipées, précise la Loi.

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