Les lourdes répercussions de la pandémie sur les médecins et les gestionnaires de la santé

Durant la deuxième vague de la COVID, de février à mars 2021, 28 gestionnaires intermédiaires divisés en six groupes ont été rencontrés par les chercheurs de l’INSPQ. Séparés en quatre groupes, dix médecins ont également participé à ces entrevues de type focus group. Tous ont participé sur une base volontaire. «Nous voulions donner la parole aux gestionnaires et aux médecins pour avoir une meilleure idée de ce qu’ils vivent en contexte de pandémie. C’est important pour nous de les entendre pour pouvoir trouver des pistes de solution et améliorer les choses», affirme Nathalie Jauvin, une des auteurs du rapport intitulé Être gestionnaire ou médecin en temps de pandémie: enjeux de santé mentale et piste d’action, publié en avril dernier. Même si une année s’est écoulée depuis ces rencontres, plusieurs enjeux relevés par les chercheurs demeurent d’actualité, affirme la chercheure de l’INSPQ. Sans surprise, il a beaucoup été question de la charge de travail dans les entretiens avec les participants. Selon le rapport, plusieurs d’entre eux ont parlé des horaires contraignants, des enjeux de gestion en contexte de pandémie, des enjeux d’information et de communication. «C’est difficile de tenir le rythme, 15-16-17 heures par jour. Ma famille ne passera pas à travers une 3e vague. C’est comme avoir vécu 50 crises en une», a indiqué une gestionnaire, citée dans le rapport. Conflits de valeurs De plus, les propos recueillis ont aussi permis de constater à quel point tant les gestionnaires que les médecins étaient exposés à une charge émotionnelle particulièrement élevée. Des gestionnaires et des médecins ont eu peur de transmettre le virus à leurs proches ou de commettre des erreurs, alors que d’autres se sont sentis coupables puisqu’ils étaient souvent absents de la maison ou ont vécu des conflits de valeurs. «J’ai été confrontée dans mes valeurs […] de voir par exemple des patients dans des mini-chambres contentionnés chimiquement pour faire respecter les mesures…», a affirmé l'un des médecins. Durant les rencontres, plusieurs ont également déploré le manque de reconnaissance, de soutien social et d’autonomie décisionnelle, ainsi que la difficulté de concilier le travail et la vie personnelle. «Il a fallu se battre pour faire reconnaitre son travail et ses heures», a affirmé un autre médecin. «J’aurais vraiment aimé avoir de l’aide, avoir un autre gestionnaire pour m’aider, du soutien d’un humain supplémentaire», a mentionné l'un des participants. Quitter la profession Même les gestionnaires ont peu de soutien, a constaté la chercheuse Nathalie Jauvin durant les rencontres. «Les gestionnaires et les médecins ont moins d’accès à des ressources pour la santé. C’est plus difficile pour eux de trouver du réconfort, du soutien auprès des siens. Il y a plus de tabous, plus de difficulté à partager la souffrance», explique-t-elle. Certains ont fait appel au programme d’aide aux médecins du Québec, mais il s’agit d’une faible minorité, souligne Nathalie Jauvin. D’autres participants sont allés chercher de l’aide auprès de leurs collègues ou ont tout simplement pensé réorienter leur carrière. «Des participants ont pensé précipiter leur retraite, changer de secteur, de région ou de carrière», note la chercheuse. Des solutions Avant d’en arriver là, les gestionnaires et les médecins ont proposé différentes pistes de solution, dont l’augmentation du nombre d’employés, l’accès à des temps de repos et des congés, ainsi que l’amélioration et le partage d’information entre les différents paliers. De plus, offrir davantage de reconnaissance, créer une structure d’entraide, favoriser une plus grande présence des autorités décisionnelles sur le terrain et encadrer le recours au télétravail font également partie des solutions proposées. Par ailleurs, notons que sur les 36 participants aux rencontres, seuls trois d’entre eux sont des hommes. Nathalie Jauvin explique cette situation par le fait qu’il y a plus de femmes médecins et gestionnaires intermédiaires. Mais, il pourrait y avoir une autre explication, avance-t-elle. «Les femmes ont sans doute plus tendance à s’ouvrir sur ces réalités-là. D’autres chercheurs ont déjà fait ce constat.»

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