Le jeûne intermittent augmenterait le risque de mourir d'une maladie cardiaque, mais les données probantes sont mitigées

Le jeûne intermittent a gagné en popularité ces dernières années en tant qu’approche diététique potentiellement bénéfique pour la santé. Vous avez donc peut-être été surpris de voir les gros titres de la semaine dernière suggérant que cette pratique pourrait augmenter le risque de décès par maladie cardiaque.Ces articles s'appuient sur des recherches récentes qui ont établi un lien entre une alimentation limitée dans le temps, une forme de jeûne intermittent, et un risque accru de décès par maladie cardiovasculaire ou cardiaque.Que pouvons-nous donc tirer de ces résultats? Et comment les comparer à ce que nous savons déjà sur le jeûne intermittent et les maladies cardiaques?L'étude en questionLa recherche a été présentée sous forme d’une affiche scientifique lors d'une récente conférence de l'American Heart Association. L'étude complète n'a pas encore été publiée dans une revue révisée par des pairs.Les chercheurs ont utilisé les données de l’Enquête nationale sur la santé et la nutrition (National Health and Nutrition Examination Survey, NHANES), une enquête de longue durée qui recueille des informations auprès d'un grand nombre de personnes aux États-Unis.Ce type de recherche, connu sous le nom de recherche observationnelle, consiste à analyser de grands groupes de personnes afin d'identifier les relations entre les facteurs liés au mode de vie et les maladies. L'étude couvre une période de 15 ans.Cette étude a démontré que les personnes qui prenaient leurs repas dans un créneau de huit heures couraient un risque accru de 91% de mourir d'une maladie cardiaque, contrairement à celles qui étalaient leurs repas sur 12 à 16 heures. Si l'on examine les données de plus près, on constate que 7,5% des personnes qui ont mangé dans le créneau de huit heures sont décédées d'une maladie cardiaque au cours de l'étude, comparé aux 3,6% des personnes qui mangeaient dans un créneau de 12 à 16 heures.Nous ne savons pas si les auteurs ont analysé d'autres facteurs susceptibles d'influencer la santé, tels que le poids corporel, la prise de médicaments ou la qualité du régime alimentaire. Il est probable que certaines de ces questions trouveront une réponse lorsque les détails complets de l'étude seront publiés.À noter que les participants peuvent avoir mangé pendant une période plus courte pour diverses raisons – pas nécessairement parce qu'ils suivaient intentionnellement un régime à durée limitée. Par exemple, ils pourraient avoir manqué d'appétit en raison d'une maladie, ce qui a pu influencer les résultats. Autres recherchesBien que cette recherche compte un certain nombre de limites, ses résultats ne sont pas totalement uniques. Ils concordent avec plusieurs autres études publiées à partir de l'ensemble des données de la NHANES.Par exemple, une étude a démontré que le fait de manger plus longtemps réduisait le risque de décès par maladie cardiaque de 64% chez les personnes souffrant d'insuffisance cardiaque.Une autre étude portant sur des personnes atteintes de diabète a montré que celles qui mangeaient plus fréquemment présentaient un risque plus faible de décès par maladie cardiaque.Une étude récente a montré qu'un jeûne de moins de 10 heures et de plus de 14 heures augmentait le risque de décès par maladie cardiaque. Cela suggère qu'un jeûne trop court pourrait également être un problème.Mais je croyais que le jeûne intermittent était bon pour la santé?La littérature scientifique présente des résultats contradictoires sur le jeûne intermittent, en partie à cause des différents types de jeûne intermittent.Il y a l'alimentation restreinte dans le temps, qui limite l'alimentation à une période de temps chaque jour, et qui fait l'objet de l'étude actuelle. Il existe également différents modèles de jours de jeûne et d'alimentation, comme le régime 5:2, où les gens consomment généralement environ 25% de leurs besoins énergétiques lors des jours de jeûne, tandis que les jours d'alimentation il n'y a pas de restriction sur l'apport alimentaire.Malgré ces différents types de jeûne, les revues systématiques des essais contrôlés randomisés (ECR) démontrent systématiquement les avantages du jeûne intermittent en termes de perte de poids et de facteurs de risque de maladies cardiaques tels que pression artérielle et taux de cholestérol.Les ECR indiquent que le jeûne intermittent apporte des améliorations comparables dans ces domaines à d'autres interventions diététiques, telles que la restriction énergétique modérée quotidienne.Pourquoi des résultats aussi différents ?Les essais contrôlés randomisés comparent directement deux conditions, comme le jeûne intermittent par rapport à la restriction énergétique quotidienne, et contrôlent une série de facteurs susceptibles d'affecter les résultats. Ils permettent donc de mieux comprendre les relations causant cet effet, ce qui n'est pas le cas des études d'observation.Cependant, ces essais se concentrent souvent sur des groupes spécifiques et des résultats à court terme. En moyenne, ces études suivent les participants pendant environ 12 mois, ce qui ne permet pas de connaître les effets à long terme.Si la recherche observationnelle fournit des informations précieuses sur les tendances à l'échelle de la population sur des périodes plus longues, elle compte sur l'autodéclaration et ne peut démontrer l'existence d'un lien de cause à effet.Il est difficile de compter sur les individus de l’étude pour des rapports précis quant à leurs propres habitudes alimentaires, car ils peuvent avoir des difficultés à se souvenir de ce qu’ils ont mangé et de l'heure à laquelle ils ont mangé. Il s'agit d'un problème de longue date dans ces études et il est difficile de s’y fier uniquement pour nous aider à comprendre la relation entre l'alimentation et les maladies.Il est probable que la relation entre le moment où l'on mange et la santé soit plus complexe que le simple fait de manger plus ou moins régulièrement. Notre corps est contrôlé par un groupe d'horloges internes, notre rythme circadien. Lorsque notre comportement ne s'aligne pas sur ces horloges, par exemple lorsque nous mangeons à des heures inhabituelles, notre corps peut rencontrer des difficultés à gérer cette situation.Le jeûne intermittent est-il sans danger ?Il n'y a pas de réponse simple à cette question. Des essais contrôlés randomisés ont montré qu'il s'agissait d'une option sûre pour la perte de poids à court terme.Toutefois, les personnes interrogées dans le cadre de l'étude NHANES qui mangent pendant une période limitée de la journée semblent présenter un risque plus élevé de mourir d'une maladie cardiaque. Bien entendu, de nombreux autres facteurs peuvent les inciter à manger de cette manière et influencer les résultats.Face à des données contradictoires, les scientifiques s'accordent généralement à dire que lesessais contrôlés randomisés offrent un niveau de preuve plus élevé. Il y a trop de variables inconnues pour accepter les conclusions d'une étude épidémiologique comme celle-ci sans poser de questions. Il n'est donc pas surprenant qu'elle ait fait l'objet de critiques.Cela dit, pour mieux comprendre la sécurité à long terme du jeûne intermittent, nous devons pouvoir suivre les personnes participant à ces essais cliniques randomisés sur cinq ou dix ans.En attendant, si vous souhaitez essayer le jeûne intermittent, nous vous conseillons d'en parler d'abord à un professionnel de la santé.* L'autrice ne déclare pas de conflit d'intérêts en lien avec la rédaction de cet article.

Le jeûne intermittent augmenterait le risque de mourir d'une maladie cardiaque, mais les données probantes sont mitigées

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