Le Dr Mauril Gaudreault sur la sellette

Il s’agit d’une démarche inédite. Un groupe de 87 médecins ont écrit lundi soir aux membres du CA du Collège des médecins du Québec (CMQ) et à son président, le Dr Mauril Gaudreault, pour demander la convocation d’une assemblée générale (AG) extraordinaire d’ici le 7 octobre. Leur objectif: blâmer le Dr Gaudreault parce qu’il a demandé la suspension des moyens de pression déclenchés par les fédérations médicales en dévoyant le Code de déontologie des médecins.Dans l’infolettre transmise vendredi dernier aux membres du Collège, son président en appelait à la «responsabilité sociale, individuelle et collective» de ses pairs puis leur rappelait dans la foulée que leur déontologie «interdit toute forme de moyens de pression dans le cadre d’une action individuelle ou concertée». Cette menace à peine déguisée de possibles poursuites disciplinaires n'a pas été bien reçue. «En clair, le Dr Gaudreault nous a dit: ce que vous faites est illégal et vous faites mal votre travail», décrypte le Dr Frédéric Arsenault, qui est à l’origine de la démarche désormais soutenue par plus de «110 signataires», précise-t-il. Selon le spécialiste en médecine nucléaire, le président du CMQ a «outrepassé son rôle. Il n’a pas fait usage de son droit de réserve comme n’importe quel autre président d’un ordre professionnel agit dans le cadre d’un conflit de travail». Devant la controverse qui a pris de l’ampleur durant la fin de semaine, le Collège a nuancé sa position initiale, reconnaissant que les propos du Dr Gaudreault ont «pu porter à confusion». Les moyens de pression actuels, a-t-il précisé lundi, «ne mettent pas en danger la santé ou la sécurité d'une clientèle ou d'une population», au sens de l’article 13 du Code de déontologie. En conséquence, ils «n’exposent pas les médecins qui boycottent les formations des étudiants universitaires à des sanctions disciplinaires.»Ces rectifications n'ont pas satisfait les contestataires. «Le dommage était déjà fait», affirme le Dr Arsenault en soulignant que les moyens de pression à la disposition des médecins ne sont pas légion.Sur le même sujet: Les étudiants en médecine du Québec désavantagés au jumelage canadien des résidents?Dans la lettre envoyée aux administrateurs du CMQ lundi soir et que Profession Santé a pu consulter, les 87 médecins prévoient mettre trois points à l’ordre du jour de l’AG extraordinaire qu’ils veulent convoquer:Demande d’élaboration d’une procédure ou d’un mécanisme de destitution d’un membre du CA du Collège des médecins ou de son président, pour inscription au règlement interne du CMQ;Demande de retrait de la directive de cesser les moyens de pression;Motion de blâme à l’égard de Dr Mauril Gaudreault pour avoir «déformé volontairement l’esprit de l’article 13 du Code de déontologie des médecins, trompant ainsi le public, les membres, et minant la mission du Collège des médecins».Si les 87 ne demandent pas explicitement la destitution du président du Collège, «c’est une façon d’envoyer un message clair au Dr Gaudreault», convient le Dr Frédéric Arsenault. «S’il veut quitter, c’est une décision qui lui appartient», ajoute le président de l’Association des médecins spécialistes en médecine nucléaire du Québec (AMSMNQ).Selon des sources proches du dossier consultées par Profession Santé, le CMQ n’aura d’autre choix que d’organiser cette AG extraordinaire. Les signataires ont effet respecté l’article 4.2.4 de la «politique concernant les règles applicables pour la tenue d’une assemblée générale des membres du collège des médecins» qui stipule, entre autres, qu’un quorum de 60 médecins est requis pour l’organisation d’une telle AG.Reproches latentsUn membre du CA du Collège témoigne sous couvert d’anonymat que la démarche des 87 signataires a surpris les administrateurs. «On ne s’y attendait vraiment pas, car à la base, le Dr Gaudreault et le Collège étaient bien intentionnés», indique ce médecin qui dit néanmoins «très bien comprendre l’irritation des collègues» qui ont l’impression d’être pris entre l’arbre, c’est-à-dire «le doctor bashing du gouvernement depuis 10 ans», et l’écorce constituée par la mission du CMQ de protéger le public.Cet administrateur relève également que plusieurs prises de position du Collège et de son président ont suscité de l’incompréhension. «On a entendu les récriminations de nombreux médecins qui ont eu le sentiment qu’on s’écartait de la mission de protéger le public et qu’on s'immisçait dans la joute politique.»Une autre source bien placée au CMQ rapporte que l’intention première était de prévenir les médecins des impacts à moyen et long terme des moyens de pression sur les étudiants et «non pas de les menacer de sanctions disciplinaires». Selon cette personne qui souhaite rester anonyme, cette «fronde inusitée» serait un «dommage corollaire» des relations au couteau entre le gouvernement et les fédérations médicales. Elle y voit également «une vindicte à l’endroit du président du Collège pour ses prises de position qui avaient l'assentiment du CA.»Le Dr Arsenault confirme que l’infolettre de vendredi dernier est la goutte qui a fait déborder le vase. «En appuyant les projets de loi 15 et 83, le Dr Gaudreault a un peu joué le jeu du gouvernement. Il n’est pas allé à la défense des patients et des citoyens», déplore le médecin.Pour l’instant, le Collège ne souhaite pas commenter cette contestation sans précédent.Que pensez-vous de la situation? Indiquez-le nous en commentaire:

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