«Le dopage est une atteinte à la crédibilité de la compétition»

« Si les mères qui conduisent les enfants dans les clubs sportifs croient que nous ne luttons pas farouchement pour protéger la santé de leurs enfants, elles ne les y amèneront plus », affirme le Dr Jacques Rogge.À Québec, en mai dernier, il a prononcé un discours dans le cadre d’un dîner bénéfice ayant récolté des fonds pour les athlètes (800 000 $ !).Le président du Comité international olympique (CIO) a de nouveau présenté la lutte au dopage comme le principal défi auquel fait face le sport.Dopage qui, en plus de nuire au recrutement, «est une atteinte à la santé de nos athlètes et à la crédibilité de la compétition».Il serait naïf de croire qu’un jour il n’y aura plus de dopage dans le sport, estime-t-il.«La tricherie fait partie de l’âme humaine et il y aura toujours des athlètes qui voudront tricher», a-t-il rappelé.Lutter encore et toujours contre le dopageC’est pourquoi le CIO lutte contre le dopage depuis 1965 (voir la Petite histoire du dopage ci-dessous).Petite histoire du dopage aux Jeux olympiquesDès l’AntiquitéLes athlètes grecs mangeaient des viandes différentes selon la discipline qu’ils pratiquaient.1865Premier cas de dopage référencé au vin de Mariani (un mélange de vin de Bordeaux et d’extrait de feuille de coca, également connu sous le nom de « vin des athlètes ».1903Apparition du terme « dopage ». Dans le Petit Larousse illustré, on le définit comme suit : « Emploi d’excitants et les excitants eux-mêmes susceptibles au moment d’une course de donner au cheval une ardeur factice et momentanée. »1904T. J. Hicks, médaille d’or du marathon, a reçu pendant la course deux injections de strychnine accompagnées de rasade de cognac au vu et au su de tous.Décennie 1910Pendant la Première Guerre mondiale, les autorités militaires utilisent le dopage clinique à base d’alcool pour les poilus !1930Apparition des hormones synthétiques.1936Amphétamines.Décennie 1940Pendant la Deuxième Guerre mondiale, les contingents britanniques recourent à 72 millions de comprimés d’amphétamines pour les aider à lutter contre la fatigue.1950Nouvelle définition dans le Larousse : « Absorber un stimulant ou toute substance modifiant ou exaltant considérablement certaines propriétés avant de se présenter à un examen, une épreuve sportive. »Décennie 1950Premières rumeurs d’utilisation de stéroïdes anabolisants par les athlètes soviétiques.Décennie 1960Apparition des hormones de croissance.1960Décès du cycliste Knud Enemark Jensen au Jeux olympiques de Rome après une prise excessive de Ronicol.1963La France est le premier pays à se doter d’une législation antidopage.1968Premiers contrôles antidopage et tests de féminité aux Jeux olympiques d’été de 1968.1974Premier test fiable pour les stéroïdes anabolisants.19762300 contrôles aux Jeux olympiques de Montréal. Sept haltérophiles disqualifiés.Décennie 1980Apparition de l’EPO (érythropoïétine).1984Jeux olympiques de Los Angelès : 11 athlètes positifs et construction du premier laboratoire de contrôle américain.1986Interdiction du dopage sanguin.1988Jeux olympiques de Séoul : 11 athlètes déclarés positifs dont le Canadien Ben Johnson (aux stéroïdes anabolisants), disqualifié après sa victoire et son record du monde sur le 100 m. Il sera radié à vie après un autre test positif en 1993.1989Premiers contrôles inopinés.1990Interdiction de l’EPO.1999Création de l’Agence mondiale antidopage (dont le budget est couvert à part égale par les gouvernements et le mouvement olympique).Abolition des tests de féminité aux Jeux olympiques.2000Premier test de dépistage de l’EPO.2002Déménagement du bureau principal de l’AMA de Lausanne à Montréal.2003Interdiction du dopage génétique.2004Adoption du Code mondial antidopage.2009Entrée en vigueur du Code mondial antidopage.Source : AMA, irbms.com et plusieurs articles qui reprennent les travaux du Dr Jean-Pierre de Mondenard.Page 1 / 2À lire aussi:Entrevue – La Dre Julia Alleyne : médecin chef aux Jeux olympiques de LondresLors de son discours, l’ancien chirurgien orthopédiste a rendu hommage à deux reprises à Mme Christine Ayotte1, Québécoise et sommité dans ce domaine, en plus de souligner « la qualité extrême » de son laboratoire « qui nous aide tellement dans notre lutte contre le dopage ».Le président du CIO a aussi relevé l’importance de l’Agence mondiale antidopage qui siège à Montréal.Il s’est dit fier des « grands progrès » réalisés contre le dopage, que ce soit le nombre de tests qui a doublé, le temps de garde des échantillons qui est maintenant de huit ans ou encore l’adoption du profil sanguin.Selon lui, les experts produiront à temps un test pour contrer le dopage génétique, qui ne devrait cependant pas être d’actualité avant 5 à 10 ans.L’émancipation par le sportDans son discours, le Dr Rogge a aussi mentionné les responsabilités éducatives et sociales du sport. Il doit aider à combler le gouffre entre le Nord qui est riche et le Sud qui est pauvre, favoriser le développement durable ou encore les droits des femmes.Le Dr Rogge est un fervent militant du droit des femmes dans le sport. Tout au long de l’année, le CIO a fait pression auprès des derniers pays dont les délégations ne comptent aucune femme, allant même jusqu’à les menacer d’exclusion.L’Arabie saoudite, où les compétitions sportives sont interdites aux femmes, a finalement annoncé à la fin juin que le Comité olympique saoudien allait «superviser la participation des athlètes féminines qui peuvent être qualifiées2 ».De son côté, le Qatar a sélectionné trois femmes pour la première fois de son histoire. Le Brunei pourrait être le seul pays participant à n’envoyer aucune athlète féminine à Londres.Si le sport permet de bons coups, il doit aussi faire face à plusieurs dangers : la manipulation des matchs et les paris illégaux, la violence, le racisme et l’inactivité de la jeunesse.Dr Jacques RoggeChirurgien orthopédiqueA déjà participé comme athlète à trois Jeux olympiques en voile classe Finn : Mexico en 1968, Munich en 1972 et Montréal en 1976.Sélectionné à 10 reprises dans l’équipe nationale belge de rugby à XV.Président du CIO depuis 2001. Il a refusé de toucher une rémunération pour ce poste qu’il occupe de façon bénévole.Parle cinq langues (néerlandais, français, anglais, allemand et espagnol).Santé et sportLe médecin a souligné plusieurs fois l’importance du sport pour enrayer la sédentarité qui conduit aux maladies cardiovasculaires et au diabète.Il a aussi rappelé au passage que dans les pays développés, les taux de surcharge pondérale et d’obésité oscillent aujourd’hui entre 18 % et 25 % chez les jeunes de 5 à 17 ans.Or, la lutte contre ce fléau passe par une stratégie commune de tous les acteurs de la société, parents, écoles, pouvoirs publics et clubs de sport. D’autant que si dans sa jeunesse, la pratique sportive allait de soi, ce n’est plus le cas.« La jeunesse d’aujourd’hui est en face de stimuli audiovisuels extraordinaires avec les ordinateurs, la télévision ou les téléphones mobiles qui leur offrent tout un horizon motivant contre lequel le sport devra lutter. »Page 2 / 2À lire aussi:Entrevue – La Dre Julia Alleyne : médecin chef aux Jeux olympiques de Londres1. La chimiste Christine Ayotte est directrice du Laboratoire de contrôle du dopage de l’INRS. Seul centre du genre au Canada agréé par l’Agence mondiale antidopage, il est le deuxième au monde en termes de volume d’échantillons analysés.2. Au moment d’écrire cet article, on ignorait toujours si une athlète saoudienne s’était qualifiée.

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