Droit et pratique: Quelques considérations légales sur l’acharnement thérapeutique

On peut définir l’acharnement thérapeutique comme une obstination à débuter ou à poursuivre des traitements sans espoir réel d’améliorer l’état de la personne.La question de l’acharnement thérapeutique a fait l’objet d’un débat éthique considérable. Tout le monde en principe est unanimement contre l’acharnement thérapeutique. Toutefois, comme on le dit à l’occasion, pour d’autres problèmes en apparence simples, le diable est dans les détails.La raison en est bien simple : il n’existe pas de délimitation claire entre ce qui constitue de l’acharnement thérapeutique et ce qui n’en est pas. Malheureusement, la réponse à cette question n’appartient pas à une seule discipline qui aurait le pouvoir magique d’apporter la solution universelle à notre interrogation.Quelques points de repèreLe droit apporte quand même un certain nombre de points de repère à l’analyse de la définition de l’acharnement thérapeutique. Ces points de repère feront appel par la suite à une application correcte des connaissances médicales et des principes éthiques qui encadrent leur mise en œuvre.Il n’y a pas de définition légale de l’acharnement thérapeutique : on retrouve plutôt dans la loi des paramètres qui peuvent guider. Ainsi, le Code civil du Québec encadre les soins qui peuvent être dispensés à une personne inapte à consentir, lorsqu’un tiers est appelé à consentir pour cette personne. L’article 12 du Code civil prévoit que :Art. 12 Celui qui consent à des soins pour autrui ou qui les refuse est tenu d’agir dans le seul intérêt de cette personne en tenant compte, dans la mesure du possible, des volontés que cette dernière a pu manifester. S’il exprime un consentement, il doit s’assurer que les soins seront bénéfiques, malgré la gravité et la permanence de certains de leurs effets, qu’ils sont opportuns dans les circonstances et que les risques présentés ne sont pas hors de proportion avec le bienfait qu’on en espère.Cet article comporte plusieurs principes. Ainsi, lorsque des soins sont consentis, ils ne peuvent l’être que si leurs bénéfices sont supérieurs aux effets graves ou permanents qui peuvent en résulter. Il doit donc y avoir une appréciation de ce ratio avant d’offrir ces soins au patient. En dehors d’un contexte d’inaptitude, un patient pourrait toujours consentir à des soins dont les bénéfices seraient moindres que les effets graves et permanents auxquels il s’expose mais, dans un tel cas, le médecin peut légitimement refuser de prodiguer les soins dont il estime l’avantage insuffisant pour le patient.Quant à l’opportunité des soins, elle se rapporte au moment où les soins sont proposés. Un exemple où la question de l’opportunité des soins peut être soulevée est la réanimation d’une personne en phase terminale de cancer ou encore des chirurgies agressives ou mutilantes en fin de vie.Le troisième élément est la proportionnalité des risques avec les avantages du traitement. Il ne faut pas exposer un patient à des risques que sa condition ne justifie pas. Si les risques d’aggraver la condition du patient sont trop considérables, le médecin ne peut être tenu de fournir le traitement.Ces trois critères s’analysent comme un tout et peuvent faciliter la décision médicale. À ceux-ci, s’ajoutent les critères énoncés au deuxième alinéa de l’article 13 du Code civil :Art. 13 En cas d’urgence, le consentement aux soins médicaux n’est pas nécessaire lorsque la vie de la personne est en danger ou son intégrité menacée et que son consentement ne peut être obtenu en temps utile.Il est toutefois nécessaire lorsque les soins sont inusités ou devenus inutiles ou que leurs conséquences pourraient être intolérables pour la personne.Il est quelque peu curieux que le législateur ait pris soin d’exiger le consentement pour des soins devenus inutiles. À vrai dire, un médecin ne devrait jamais prodiguer ou même offrir des soins devenus inutiles. Quant aux soins inusités, le consentement devra être particulièrement éclairé à leur égard. Il s’agira de soins qui ne sont pas dispensés habituellement, ou à tout le moins, pas sous cette forme ou pour cette indication. Le médecin n’est pas tenu de les fournir, à plus forte raison si les principes énoncés ci-dessus sont appliqués.Enfin, à l’égard des soins dont les conséquences pourraient être intolérables pour la personne, le médecin doit prendre bien soin d’expliquer à son patient les conséquences spécifiques du traitement, particulièrement celles qui pourraient avoir un impact sur la vie et les valeurs du patient. Par exemple, une transfusion sans consentement sur un membre des Témoins de Jéhovah pourrait avoir des conséquences intolérables pour cette personne.Toutes ces situations exigent du médecin une appréciation prudente de ses propositions de traitement à son patient. Il doit aussi se rappeler deux principes de son Code de déontologie qui sont pertinents ici :Art. 50 Le médecin ne doit fournir un soin ou émettre une ordonnance que si ceux-ci sont médicalement nécessaires.Art. 58 Le médecin doit agir de telle sorte que le décès d’un patient qui lui paraît inévitable survienne dans la dignité. Il doit assurer à ce patient le soutien et le soulagement appropriés.Les paramètres légaux ci-dessus examinés peuvent aider le médecin à apprécier la « nécessité médicale » d’un traitement. Il est clair que le médecin n’est pas tenu à l’acharnement thérapeutique. À cet égard, en toutes circonstances, la meilleure approche à toute difficulté avec un patient, ou les proches de ce dernier, qui formulerai(en)t des demandes insolites ou excessives, demeure encore la communication. Il faut prendre le temps d’expliquer, dans un langage que le patient peut comprendre, pourquoi tel traitement ne peut être entrepris ou continué. Il faut écouter les craintes et les motivations des personnes et chercher à donner les meilleures réponses possibles, dans le respect de l’intérêt du patient. Il ne faut pas oublier l’importance d’un consentement éclairé.*Ad. E.menardmartinavocats.com

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