Docteur, quel impact peut avoir la pratique d’une activité physique chez la femme atteinte de diabète gestationnel?

Les différents changements hormonaux qui surviennent durant la grossesse influencent la résistance à l’insuline chez la femme enceinte. Une présence accrue d’œstrogène, de progestérone et d’hormones placentaires entraîne une augmentation de la résistance à l’insuline qui amène une augmentation de la disponibilité du glucose sanguin. Cette plus grande concentration de glucose sanguin permet à la future mère de subvenir aux besoins du fœtus1. Si l’équilibre physiologique entre la disponibilité du glucose et la consommation est perturbé, il survient un diabète gestationnel. Cette maladie est caractérisée par une intolérance au glucose qui survient pour la première fois au cours d’une grossesse. Cet état peut être réversible ou non en période post-partum2. Les antécédents familiaux et personnels de diabète ainsi que les facteurs environnementaux, particulièrement l’obésité, vont moduler à la hausse la manifestation de cette pathologie3.Un diabète gestationnel entraîne de nombreuses conséquences pour la future mère et son enfant. Entre autres, la macrosomie fœtale est une maladie problématique souvent associée à cette pathologie. Des hyperglycémies chez la mère, particulièrement à l’état postprandial, seraient responsables de ce phénomène4,5. En conséquence à ce trouble, des complications à la naissance peuvent surgir. La mort du fœtus par trauma est parmi l’une des graves mais rares possibilités6. Par ailleurs, un diabète gestationnel augmente les chances pour la mère et l’enfant de développer un diabète de type 2 dans l’avenir7.Activité physique et diabète gestationnelDans la documentation médicale actuelle, il est bien reconnu que la pratique régulière d’activité physique diminue la résistance et augmente la sensibilité à l’insuline chez les individus intolérants au glucose et les personnes atteintes de diabète. De plus, il a été prouvé que la participation à un exercice physique à l’état postprandial permettait de diminuer la glycémie chez les individus ayant des valeurs au-dessus de la normale8. Étant donné qu’une glycémie postprandiale élevée augmenterait le risque de macrosomie fœtale, la pratique d’activité physique durant la grossesse pourrait être bénéfique pour la femme enceinte. Davenport et ses collaborateurs se sont justement intéressés à la participation à un programme d’activité physique et la glycémie postprandiale. À la suite d’un programme de marche (3 à 4 séances de 40 minutes par semaine) entamé après le diagnostic de diabète gestationnel chez des femmes traitées par l’insuline, une diminution de la concentration de glucose capillaire moyen en fin de grossesse a été observée. Cette diminution est observable à quatre différents états : à jeun, une heure après le déjeuner, le dîner et le souper. En moyenne, la baisse de la glycémie capillaire est de l’ordre de 2 mmol/L en période postentraînement par rapport à la période pré-entraînement10.RecommandationsSelon l’Association canadienne du diabète, l’activité physique devrait être encouragée à moins de contre-indications obstétricales ou d’une mauvaise maîtrise de la glycémie chez toute femme présentant un diabète gestationnel9. L’activité physique est même considérée comme un adjuvant dans la prise en charge de cette maladie. Ce comportement devrait s’ajouter au traitement de base de la maladie, soit le changement des habitudes alimentaires et le traitement par l’insuline. La femme enceinte étant soumise à de nombreux changements physiologiques, la Société canadienne de physiologie à l’exercice (SCPE) et l’American College of Sport Medicine (ACSM) ont mis sur pied des recommandations afin de sécuriser les périodes d’entraînement. Ces conseils seront également valables pour les femmes atteintes de diabète gestationnel. De manière générale, le type d’activité physique devrait se limiter à des exercices de faibles impacts tels la marche, le vélo stationnaire, le ski de fond, l’aquaforme, etc. Toute activité pouvant augmenter le risque de trauma abdominal est à proscrire. D’autre part, une femme avec antécédent de sédentarité ne devrait pas s’empêcher de commencer un programme d’entraînement. Une bonne progression est cependant nécessaire. Il est suggéré, par exemple, de commencer par un exercice continu à faible intensité de 15 minutes 3 fois par semaine et d’augmenter tranquillement la fréquence puis le temps pour finalement se rendre à 4 séances par semaine de 30 minutes. Une séance d’entraînement devrait durer au maximum 60 minutes et les intensités de travail devraient idéalement se situer entre faibles et moyennes11,14. En ce qui a trait au diabète gestationnel, les études qui ont obtenu le plus de succès sur le plan des valeurs de glycémie post exercice favorisaient un entraînement à basse ou moyenne intensité10,13.Avant d’entreprendre un programme d’entraînement, la femme enceinte devrait d’abord consulter son médecin afin d’évaluer les risques personnels à la pratique d’activité physique. À ce propos, le X-APP de la femme enceinte s’avère un outil intéressant pour un professionnel de la santé (www.csep.ca)11.Quoi surveillerCertaines contre-indications absolues et relatives à la pratique d’activité physique chez la femme enceinte sont à prendre en considération avant de s’engager dans un programme d’exercices11,14. Le tableau ci-dessus dresse un portrait complet de celles-ci.Pour une femme traitée par l’insuline, d’autres recommandations doivent être prises en compte. En effet, la pratique d’activité physique entraîne une augmentation de la sensibilité à l’insuline qui accroît le risque d’hypoglycémie pour les individus traités par l’insuline15. À ce propos, il est primordial pour toutes les femmes recevant cette médication d’avoir une bonne maîtrise de leurs glycémies avant de s’engager dans un programme d’exercices. Le kinésiologue est le professionnel de la santé qualifié pouvant assurer un suivi adéquat et sécuritaire à l’entraînement.Pour les femmes enceintes traitées par l’insuline jugées aptes à l’entraînement, les quelques recommandations suivantes peuvent aider à la bonne pratique d’activité physique1. Tout d’abord, la période idéale pour l’entraînement est une à deux heures après le repas. La glycémie étant plus élevée en postprandial, l’activité physique permet d’abaisser l’excès de glucose nuisible pour le fœtus. Il faut néanmoins faire attention, car la période de repas est aussi associée à la prise d’insuline. Cette hormone a pour tâche de faire entrer le glucose dans les tissus. Une activité physique durant son pic d’action peut donc entraîner une hypoglycémie à l’effort ou post-effort. Pour l’éviter, il est important de prendre une mesure de la glycémie avant et après l’exercice. On souhaite alors garder la glycémie dans les zones cibles. Si la glycémie est trop basse avant, pendant ou après l’exercice, il est suggéré de prendre une collation riche en hydrates de carbone, afin de garder la concentration de glucose sanguin dans les normales. Pour la femme enceinte, les valeurs cibles de glycémie à l’effort ne sont pas encore connues. Par contre, pour un individu traité par l’insuline atteint d’un diabète de type 1 ou 2, il est conseillé de prendre entre 15 et 30 g de glucides avant l’effort lorsque la glycémie est inférieure à 5,5 mmol/L6.Par ailleurs, il faut éviter un site d’injection qui sera sollicité à l’effort, car l’insuline sera métabolisée plus rapidement. Durant l’effort, la tension artérielle ne devrait pas dépasser 149/90. Il est également important d’avoir une bonne hydratation pendant l’exercice et de ne pas s’entraîner à des températures chaudes et humides. Finalement, en restant dans des intensités d’entraînement légères à moyennes, il y a moins de risque de faire chuter la glycémie de façon trop importante6.ConclusionLes études menées sur la femme enceinte et l’activité physique sont actuellement très pauvres. Il est donc difficile d’affirmer quels sont les bienfaits réels de cette pratique sur la future mère et le fœtus16. On suppose néanmoins de nombreux effets positifs comme de retarder ou de diminuer les risques de prééclampsie, de diminuer les risques de dépression post-partum, de diminuer l’incontinence urinaire post-partum par l’exécution d’exercices pelviens et bien entendu de permettre une meilleure maîtrise du diabète gestationnel12,17-19. Pour ce dernier, l’effet positif de l’activité physique sur les valeurs de glycémie est manifeste; cependant, la documentation scientifique reste très restreinte. Il serait intéressant, dans l’avenir, que les effets de l’activité physique sur les complications du diabète gestationnel soient davantage documentés.* Kinésiologue, Centre de recherche de l’Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec (CRIUCPQ)Thomas AM, Gutierrez YM, American Dietetic Association guide to Gestationnal Diabetes Mellitus, 2005; Chapitre 8.American Diabetes Association, Diagnosis and Classification of Diabetes Mellitus, Diabetes Care 2009; 32 (Supp 1): S62-7.Djelmis J, Desoye G, Ivanisecvic M, Diabetology of Pregnancy, Karger, Basel, 2005, p. 18-31.Jovanovic L, Pettitt DJ. Gestational diabetes mellitus, JAMA 2001 28;286(20): 2516-8.Jovanovic L, Role of Diet and Insulin Treatment of Diabetes in Pregnancy, Clin Obstet Gynecol 2000; 43 :46-55.American Diabetes Association, Handbook of Exercise in Diabetes, 2002, Editor : Neil Ruderman, Alexandria, Chapitre 4,14,17.Damm P. 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