Des chercheurs montréalais cernent le rôle d’un gène essentiel à la vision binoculaire

Le gène Pou3f1 était principalement connu pour jouer un rôle dans la formation des nerfs périphériques en contrôlant l’expression et la régulation de la myéline. On ignorait toutefois qu’il intervenait aussi dans le système visuel. «On est les premiers à établir la fonction de ce gène dans la rétine», se prévaut Michel Cayouette, le directeur du laboratoire de neurobiologie cellulaire de l'Institut de recherches cliniques de Montréal (IRCM). Alors que les travaux de son équipe visaient à comprendre comment les cellules photoréceptrices de la rétine projettent les stimuli lumineux vers le cerveau, les scientifiques ont découvert que Pou3f1 exerce une fonction essentielle dans ce processus qui permet de voir le monde en 3D. «C’est littéralement un chef d’orchestre. Pou3f1 agit comme un régulateur majeur qui contrôle l'expression de dizaines d'autres gènes qui génèrent les instructions permettant aux cellules ganglionnaires de la rétine d'envoyer des projections visuelles dans la bonne zone du cerveau», résume Michel Cayouette. En outre, il a montré avec ses collègues que ce gène intercède également dans le mécanisme qui conduit les cellules souches de la rétine à devenir des cellules ganglionnaires. Ces deux trouvailles de premier ordre, qui viennent de faire l’objet d’une publication dans la revue Cell Reports, pourraient aider au développement de nouvelles approches thérapeutiques pour diverses maladies neurodégénératives de l'œil, espère le chercheur. Dans son rôle de chef d’orchestre, Pou3f1 se comporte en fait comme un aiguilleur des signaux électriques transmis au nerf optique. Pour que nous voyions en trois dimensions, les cellules ganglionnaires de la rétine envoient des projections visuelles dans les neurones de deux hémisphères du cerveau afin qu’ils reconstituent l’image en relief. «On s’est rendu compte que Pou3f1 est spécifiquement exprimé dans les cellules contra-latérales de la rétine. Celles de l'œil gauche communiquent avec le cerveau droit. Inversément, celles de l'œil droit propagent le message vers le cerveau gauche. Les deux étant inactives dans l’autre sens», indique Michel Cayouette. «On a trouvé ça intrigant, car cela suggérait que ce gène contrôle les projections dans le cerveau», ajoute le professeur à la Faculté de médecine de l’Université de Montréal. Pour confirmer leur suggestion, les chercheurs ont désactivé génétiquement Pou3f1. Les projections des cellules contra-latérales de l'œil gauche se sont alors retrouvées dans l’hémisphère gauche. Et vice-versa pour celles de l'œil droit. Une découverte excitante pour Michel Cayouette et son équipe, car «cela démontre le code génétique qui permet à ces cellules de projeter au bon endroit afin que les signaux visuels trouvent leur chemin dans le labyrinthe des réseaux neuronaux.» D’éventuelles thérapies géniques Le rôle fondamental joué par Pou3f1 en fait «un candidat potentiel pour la régénération et la réparation du système visuel», souligne le coauteur de l’étude Thomas Brown, un étudiant au doctorat dans le laboratoire de neurobiologie cellulaire de l'IRCM. Assistante de recherche au sein de l’équipe, Christine Jolicoeur rappelle pour sa part que les nerfs sont des voies d'acheminement de l'information. «S'ils ne peuvent pas envoyer l'information à la zone appropriée du cerveau, cela entraîne de graves problèmes, comme on l'observe dans les maladies oculaires cécitantes telles que le glaucome», observe la coautrice de l’étude. Lire aussi: Sur la piste de la régénération de la rétine Différentes approches de thérapies cellulaires sont actuellement à l’étude pour régénérer les cellules ganglionnaires de la rétine dans les cas de glaucome. «Il y a des avancées vraiment intéressantes dans ce domaine», signale Michel Cayouette. «Mais une fois qu’on va y arriver, il va falloir que ces cellules régénérées parviennent à transmettre les projections visuelles aux bons neurones. C’est là que notre découverte va être utile», considère le scientifique qui imagine des thérapies géniques pour stimuler cette reconnexion. «On a déjà été contactés en ce sens par plusieurs chercheurs», informe-t-il en se disant «bien excité de lancer ces projets-là. La recherche, ce n’est pas l’histoire d’une seule personne ou d’une seule équipe. C’est une entreprise de collaboration internationale.»

Des chercheurs montréalais cernent le rôle d’un gène essentiel à la vision binoculaire

Pour accéder au contenu, connectez-vous ou créez un compte gratuit.

Catégories connexes