Cancer de la prostate - Un test génétique pour aider à prendre une décision en matière de biopsie et de traitement

L’Europe et les États-Unis reconnaissent tour à tour la valeur ajoutée d’un test urinaire mis au point au Québec dans le dépistage du cancer de la prostate. Le 15 février dernier, la Food and Drug Administration américaine a en effet approuvé l’utilisation du test Progensa PCA3 pour déterminer la nécessité d’une reprise de biopsie de la prostate chez les hommes ayant subi une première biopsie négative1.Par ailleurs, lors du dernier congrès de l’Association européenne d’urologie (EAU), qui s’est déroulé à Paris du 24 au 28 février dernier, ce test a été mis de l’avant dans sept présentations, a annoncé par communiqué la compagnie québécoise DiagnoCure, société des sciences de la vie qui met au point et commercialise des tests diagnostiques à haute valeur ajoutée pour le cancer.Progensa PCA3 est le fruit d’une collaboration entre DiagnoCure et Gen-Probe, laboratoire américain. « On a commencé à travailler sur un test basé sur le marqueur génique PCA3 en 2000, à Québec, et on a mis au point la première trousse en 2003. On s’est ensuite associés avec Gen-Probe pour la mise en marché », explique le Dr Yves Fradet, urologue à l’Hôtel-Dieu de Québec et président de DiagnoCure.Dans un deuxième temps, les entreprises ont coproduit une nouvelle génération du test PCA3, une trousse dont la valeur clinique est aujourd’hui reconnue par la littérature scientifique. « En 10 ans, au moins 80 articles ont été publiés dans le domaine. Et il en sort une quinzaine de nouveaux chaque année, rédigés par des groupes différents qui ont mené des études avec le PCA3 un peu partout dans le monde. »Un pas de plus vers le remboursementLe test est disponible en Europe depuis 2006. Il a été approuvé aux États-Unis et au Canada l’an dernier, mais il reste la question de son remboursement. L’urologue espère donc que ces dernières annonces auront un impact favorable à ce sujet.Pour lui, les gouvernements ont intérêt à prendre en charge ce remboursement, le dosage sanguin APS (antigène prostatique spécifique), test utilisé actuellement et qui a suscité tant de controverses autour de l’utilité du dépistage généralisé du cancer de la prostate, étant trop peu spécifique. « L’APS donne lieu à trop de biopsies qui peuvent être dangereuses et détectent parfois des cancers de bas grade incitant des patients qui n’en auraient pas besoin à se faire traiter, avec des complications potentielles et des coûts inutiles », souligne le médecin. Or, le test PCA3 ajouté à l’arsenal de dépistage des urologues pourrait justement réduire le nombre de biopsies nécessaires.Un test moléculaire non EFFRACTIFLe Progensa PCA3 est un test d’amplification d’acide nucléique mesurant l’expression du gène Prostate Cancer Gene 3, spécifique des cellules cancéreuses prostatiques. « Il s’agit de recueillir les premiers millilitres de la première miction après le toucher rectal d’un examen de la prostate. On mesure alors le marqueur PCA3- ARN dans l’urine et le PSA-ARN, et on obtient un score », explique le Dr Fradet. Une façon de faire indirectement un échantillonnage de la prostate donc, et qui a fait ses preuves.• Les études ont démontré que l’ARN du PCA3 est de 60 à 100 fois surexprimé, comparativement aux cellules prostatiques bénignes, et ce, dans plus de 90 % des tumeurs prostatiques.• Les études font mention de la spécificité élevée du test fondé sur le PCA3, comparativement à l’APS, à la suite d’une biopsie négative.• Il semble y avoir corrélation entre le résultat du test PCA3 et la probabilité d’un résultat positif lors de la reprise de la biopsie ou d’une biopsie initiale.• Contrairement au test APS, le résultat du PCA3 n’est pas affecté par les infections prostatiques ou l’hyperplasie bénigne de la prostate (HBP).• Dans quelques études où le test a été réalisé avant la prostatectomie, le score de PCA3 était plus élevé chez les hommes dont la prostate présentait un score Gleason supérieur ou une tumeur plus étendue en analyse pathologique, indiquant ainsi la gravité du cancer.Si les biopsies positives permettent de confirmer le diagnostic du cancer de la prostate, un résultat négatif ne permet pas de garantir à un patient qu’il n’en est pas atteint. « Malgré une première série de biopsies (en moyenne 12 prélèvements) négatives, près de 25 % des patients auront un cancer détecté par des biopsies subséquentes. » Le test PCA3 permet de mieux sélectionner les patients à risque qui pourraient profiter d’une nouvelle série de biopsies, tout en évitant aux autres des biopsies inutiles. L’étude ayant mené à l’approbation par la FDA démontre que jusqu’à 50 % des reprises de biopsies pourraient être évitées, sans que l’on passe à côté d’un cancer de haut grade.Diminuer de 40 % les biopsies initialesUn argument a également été mis de l’avant lors du dernier congrès de l’Association européenne d’urologie par le Dr Alexandre de la Taille, urologue à l’Hôpital Henri-Mondor, de Créteil, en France. Il a dirigé une étude européenne multicentrique qui a démontré que si on avait recours au test PCA3 avant une première biopsie, au moins 40 % des hommes avec APS élevé pourraient éviter cet examen.Histoire de sousOn le sait, le cancer coûte de plus en plus cher à la société. Le cancer de la prostate ne fait pas exception, notamment en raison de l’augmentation du coût des traitements en fin de maladie.« Aujourd’hui, on parle de castration chimique pendant 10 ans à coup de milliers de dollars par an, et si ce traitement est un échec, il y a d’autres médicaments pour les os, de la chimiothérapie et même deux autres médicaments, dont un, efficace, qui vient d’être approuvé, mais il coûte 50 000 $ par an », indique le Dr Fradet.Le bénéfice économique du dépistage précoce devrait donc être facile à prouver. En fait, la question est de savoir comment arriver à bénéficier des avantages du dépistage tout en réduisant le coût de ses inconvénients. Ce que fait le test PCA3, selon le Dr Fradet : « Premièrement, en diminuant le nombre de biopsies à effectuer et, deuxièmement, en dépistant plus spécifiquement les patients qui ont un cancer malin. »Reste à convaincre le milieu médical en général, et les urologues en particulier, de la valeur ajoutée que ce test peut apporter dans la prise en charge des cancers. « Le Ministère pourrait aussi le recommander et fournir un budget en même temps. Il y a donc plusieurs avenues possibles, au Québec. »En attendant, si le test est actuellement disponible dans plusieurs laboratoires privés (Warnex pour le Québec, au coût de 385 $), on ne peut encore le trouver dans les hôpitaux publics. « Étant donné que les revenus générés par les médicaments sont énormes, l’industrie pharmaceutique déploie beaucoup de moyens pour faire connaître leur valeur ajoutée. Avec un test diagnostique, il n’y a pas suffisamment de revenus pour qu’une compagnie diagnostique puisse se le permettre », affirme le Dr Fradet.Or, pour sauver une seule vie, plus de 1000 hommes doivent être évalués et près de 250 doivent subir une biopsie. Cette étude a aussi révélé que parmi les 516 hommes étudiés, seulement 2 % des cancers de haut grade n’auraient pas été détectés2.Un résultat confirmé par un autre scientifique européen, le Dr Bertrand Tombal, du service d’urologie de l’Université catholique de Louvain, en Belgique, qui a démontré lors de ce même congrès, en se basant sur plusieurs études, que le score de PCA3 reflétait non seulement la présence ou l’absence d’un cancer, mais aussi sa virulence3, 4.Diminuer le nombre de biopsies aurait aussi des répercussions sur le système de santé. « À Québec, on a un problème d’accès aux pathologistes. Cela prend jusqu’à un mois avant d’avoir le résultat d’un rapport de pathologie d’une biopsie de la prostate », indique le Dr Fradet.L’urologue espère donc qu’un jour ce test sera utilisé systématiquement sur les patients avec APS élevé. Il pense néanmoins que cela prendra du temps avant que le Progensa PCA3 n’arrive dans les laboratoires des hôpitaux québécois (voir encadré Histoire de sous). « C’est très difficile de faire changer la pratique médicale, même si la preuve est faite ! »L’approbation du test par la FDA repose sur une étude clinique qui a débuté en août 2009 et s’est terminée en mai 2010. L’étude portait sur 495 participants provenant de 14 établissements cliniques. Gen‐Probe a déposé une demande d’approbation de précommercialisation (« PMA ») auprès dela FDA, en août 2010.En utilisant, pour le score PCA3, le seuil de 25 que la FDA a pris en considération pour ses recommandations pour les hommes ayant déjà eu un résultat négatif lors d’une biopsie.Whitman EJ, Groskopf J, Ali A, et coll. PCA3 score before radical prostatectomy predicts extracapsular extension and tumor volume. J Urol 180:1975-8; discussion 1978-9, 2008.Nakanishi H, Groskopf J, Fritsche HA, et coll. PCA3 molecular urine assay correlates with prostate cancer tumor volume: implication in selecting candidates for active surveillance. J Urol 179:1804-9; discussion 1809-10, 2008.Quand utiliser le test Progensa PCA3 ?Le test PCA3 ne remplace pas la biopsie de la prostate, moyen privilégié de diagnostiquer la présence d’un cancer. En revanche, il peut aider l’urologue à prendre certaines décisions :en évitant à certains patients de subir des biopsies à répétition quand ils ont un APS restant élevé ou qui s’élève, malgré des biopsies négatives;en évitant des traitements inutiles chez des patients avec un cancer débutant ou peu sévère.Enfin, il est à noter que ce test ne devrait pas être utilisé chez les hommes à qui l’on a détecté un foyer de prolifération microglandulaire atypique (atypical small acinar proliferation « ASAP ») lors de leur dernière biopsie.Infoswww.centreducancer.be/fr/show/newsletters/id/11#art59Source : tests de dépistage prostatiques : Utilisation pratique.

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