Burnout des médecins: quelqu'un écoute?

«Nous sommes tous fatigués d'être fatigués.»Avez-vous entendu l'un ou l’une de vos collègues médecins dire quelque chose de ce genre récemment? Peut-être même vous êtes-vous déjà dit ceci:«Ils [le gouvernement, l'organisation, mon patron, etc.] affirment qu'ils se soucient de notre bien-être, mais en réalité, ils s'en moquent, car c'est une question de politique. Ils essaient juste de cocher une case.» «Je suis surchargé de travail et j'ai à peine le temps de m'occuper de moi et de ma famille – la dernière chose dont j'ai envie, c'est d'un module en ligne qui est censé m'apprendre le “bien-être”.»«Nous serions tous beaucoup moins épuisés par notre profession si nous étions mieux payés, ou au moins reconnus pour le travail que nous faisons et que personne ne voit.»C’est ce qu’on nous rappelle depuis notre plus jeune âge: les actions sont plus éloquentes que les mots. Surtout lorsqu'il s'agit de lutter contre l'épuisement professionnel des médecins et de promouvoir leur bien-être. Pourtant, cela fait des années que les médecins «tirent la sonnette d'alarme» sur leur situation intenable. Et, bien que nous ayons fait des progrès, il nous reste encore beaucoup (beaucoup!) de travail à faire.Il ne fait aucun doute que les médecins sont fatigués, brûlés et surchargés de travail. Si la pandémie de COVID-19 a mis un coup de projecteur sur ce fait, leur épuisement professionnel ne date pourtant pas d’hier et s’accumule depuis des années. Le financement insuffisant des soins primaires, les exigences croissantes des patients, les tâches administratives non rémunérées – tous ces facteurs ont forcé les médecins à se démener, à faire plus d'heures, et à moins profiter de la vie. À lire aussi: Santé mentale des médecins: le diagnostic en demi-teinte du PAMQIl serait faux de dire que peu de choses ont été faites pour adresser – ou du moins identifier – le problème de l'épuisement professionnel chez les médecins. Il existe en effet une abondante littérature sur ce constat, mais aussi sur les solutions à mettre en œuvre pour y remédier. Les données disponibles confirment que l'épuisement professionnel des médecins est un problème réel et que, si on ne s’en occupe pas, ce seront les soins aux patients et l'ensemble du système de santé qui en pâtiront. Différentes stratégies de lutte contre cet épuisement professionnel ont été décrites, allant de l'augmentation de la rémunération, le temps consacré au travail administratif, en passant par la création de postes de soutien clinique, l'offre de thérapies et de conseils aux médecins, ou encore le mentorat par les pairs, entre autres.Bien que ces stratégies et interventions soient sans aucun doute efficaces, elles restent des suggestions – et donc des mots qui doivent être suivis d’effets concrets. Par exemple, plaider en faveur d'un financement accru des soins primaires est une proposition pertinente et utile, mais malgré les pétitions et les lettres adressées aux législateurs, il reste encore un grand vide à combler. La création de groupes de mentorat entre pairs est également une excellente stratégie qui peut apporter un grand soutien aux médecins; mais sans congés payés ou sans praticien pour les remplacer, comment pourront-ils y participer?J'aimerais avoir une solution miracle au problème de l'épuisement professionnel; en fait, il serait erroné de dire qu'il existe une «solution» car l'épuisement professionnel n'est pas quelque chose que l'on peut régler une fois pour toutes. Alors que les exigences des patients sont toujours plus nombreuses et que la charge de travail des médecins ne cesse de croître, nous risquons de perdre des praticiens passionnés et compétents si nous ne faisons rien pour les impliquer et si nous ne savons pas où ils en sont. Les stratégies de lutte contre l'épuisement professionnel ne sont utiles que si elles sont pratiques et adaptées au groupe qu'elles sont censées soutenir, à savoir les médecins. Si nous voulons vraiment lutter contre l'épuisement professionnel et créer des systèmes de soutien solides, nous pourrions peut-être essayer d’arrêter de chercher ce qui pourrait être efficace pour se concentrer sur les solutions existantes et déjà efficaces. Peut-être devrions-nous cesser de disserter sur l'épuisement professionnel (quelles échelles mesurent efficacement l'épuisement professionnel dans les soins cliniques, les modèles de financement idéaux, comment écrire une bonne lettre au gouvernement pour défendre son point de vue, etc.), et mettre réellement ces options en pratique. Je sais que ce n'est pas aussi simple qu'il n'y paraît, mais il faudrait plutôt:Un changement gouvernemental à plusieurs niveaux – et une coordination entre eux;De l'argent, dont, pour une raison ou une autre, les gouvernements manquent toujours pour financer les soins primaires;Des ressources humaines: il ne suffit pas d'embaucher plus de personnel – nous avons besoin des bonnes personnes, au bon endroit, avec une formation et un soutien adéquats;Du leadership et la possibilité exprimer nos opinions: ce qui signifie soutenir les médecins et les protéger contre les abus, leur assurer des espaces sûrs et être réellement à l'écoute de leurs besoins;De la collaboration: tout comme la promotion du concept de «soins centrés sur le patient», les stratégies de lutte contre l'épuisement professionnel doivent être «centrées sur le médecin».Est-ce qu'il est pour autant inutile de parler de l'épuisement professionnel? Pas du tout. Si nous n'en parlons pas, nous ne serons pas en mesure d'identifier les problèmes auxquels les médecins sont confrontés, et nous n'aurons pas non plus la capacité d'adapter les interventions pour lutter contre l'épuisement professionnel. Exprimer nos émotions est également la première étape pour comprendre que tout le monde est confronté à des épreuves, ce qui ouvre la porte aux conversations, à la compassion et, espérons-le, à l'action. À lire aussi: De plus en plus d'épuisement professionnel chez les urgentologuesNéanmoins, je soutiens que nous devons dépasser l'objectivation de l'épuisement professionnel en le réduisant au nombre de médecins qui quittent leur milieu de travail, à des sondages pour déterminer ce qui contribue à l’épuisement professionnel, à des lignes directrices qui exposent les outils pour réduire l'épuisement professionnel, etc. Utilisons plutôt notre temps, notre argent et notre énergie pour appliquer et intégrer toutes ces excellentes informations dans des changements efficaces, réalistes et pratiques qui permettront réellement de lutter contre l'épuisement professionnel chez les médecins.Les groupes, les gouvernements et même les médecins et les dirigeants peuvent tous «faire de grands discours». Mais il est temps de «passer à l'action» – en fait, il est déjà temps depuis quelques années.La question est: qui est prêt à écouter et à agir en conséquence.La Dre Marina Malak est médecin de famille à Mississauga (Ontario).

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