Abus de substances chez les médecins et les pharmaciens: que font les ordres au retour d’un membre radié?

Après une radiation provisoire pour un abus de substances, le médecin ou le pharmacien qui désire retrouver son droit de pratique n’a pas à passer par un processus particulier à ce type d’infraction déontologique.Si la période de radiation est inférieure à ce qui est considéré comme un retour à la pratique (cinq ans pour l’Ordre des pharmaciens du Québec; trois ans pour le Collège des médecins du Québec), le processus de réinscription au Tableau se fait aisément en autant que le membre ait rempli certaines obligations de base, comme avoir payé sa cotisation annuelle et avoir acquitté ses amendes.Les médecins et les pharmaciens peuvent néanmoins s’entendre avec leur ordre respectif pour prendre, sur une base volontaire, certains engagements, qu’ils devront ensuite respecter en vertu de leur code de déontologie. Dans le cas d’un problème d’abus de substances, il est par exemple assez fréquent pour un professionnel d’accepter d’effectuer des tests de dépistage aléatoires.Selon la directrice générale et secrétaire de l’Ordre des pharmaciens du Québec, Manon Lambert, la plupart des membres qui retournent à la pratique après avoir été radié pour un abus de substances acceptent généralement de se soumettre à des engagements de cette nature, y voyant une source de motivation pour vaincre leur dépendance.Manon Lambert note que le Conseil de discipline, qui agit en toute indépendance de l’OPQ, pourrait également ajouter des conditions supplémentaires aux périodes de radiation provisoire, aux amendes et aux débours qu’il impose aux membres reconnus coupables d’infractions. En général, ces conditions supplémentaires touchent davantage les pharmaciens propriétaires pour des infractions déontologiques d’une autre nature qu’un abus de substances, précise-t-elle toutefois. Le meilleur exemple d’une condition supplémentaire imposée à un pharmacien serait de l’empêcher d’être propriétaire d’une pharmacie pour un certain nombre d’années, en plus de sa radiation provisoire du Tableau, illustre-t-elle.À lire aussi: Reprendre la pratique après une radiation: le témoignage de JeanProjet de loi 98Dans le cadre de l’étude du projet de loi 98, qui concerne l’admission aux professions et la gouvernance du système professionnel, l’OPQ a demandé que les ordres professionnels puissent pouvoir mettre sur pied des comités d’admission qui leur permettraient d’interdire l’accès à la profession aux candidats qui n’ont pas de « bonnes mœurs » et qui sont considérés comme « insensibles aux formations en éthique et déontologie ». « En tout temps, le droit d’exercer une profession ne peut primer sur l’intérêt supérieur de la protection du public », avait déclaré le président de l’Ordre, Bertrand Bolduc, lors des consultations particulières sur ce projet de loi à l’Assemblée nationale, en septembre 2016.« L’idée est d’agir davantage dans une optique de prévention, explique Manon Lambert. Veut-on admettre ou réinscrire une personne dont certaines mœurs, qui n’ont rien à voir avec sa vie privée mais plutôt dans une optique de protection du public, posent problème ? » À titre d’exemple, un pharmacien en période de radiation provisoire et qui serait impliqué dans le trafic de stupéfiants.Manon Lambert précise toutefois que c’est une demande formulée par l’Ordre, mais que la décision de permettre aux ordres d’instituer ces comités revient à l’Assemblée nationale.Programme de suivi au Collège des médecinsEn 1999, le Collège des médecins du Québec s’est doté d’un programme plus officiel de suivi administratif pour les médecins ayant des problèmes de santé physique ou mentale susceptibles de compromettre l’exercice professionnel de la médecine. Ce programme s’adresse, entre autres, aux médecins qui présentent des dépendances ou des problèmes de toxicomanie.Bien que ce programme ne s’inscrive dans aucune réglementation, le médecin qui adhère au suivi administratif doit obligatoirement signer un consentement par lequel il autorise notamment le Collège à demander à ses thérapeutes des rapports périodiques sur son état de santé ainsi que sur les limitations ou restrictions recommandées. Le suivi d’un médecin dure en moyenne deux ans, mais il peut être adapté à l’évolution de sa condition médicale.Les médecins radiés qui souhaitent reprendre leur pratique après une période de radiation temporaire (peu importe le motif de la radiation) doivent satisfaire certaines conditions (administratives et disciplinaires), dont l’une peut être l’inscription au programme de suivi administratif.Entre 60 et 70 médecins (résidents, omnipraticiens et spécialistes) sont inscrits chaque année à ce programme. Environ 60 % des participants s’inscrivent à la demande du Collège, 25 % le font à la suite d’une demande formulée par un collègue et 15 % le font à leur propre demande. Quant aux diagnostics à l’origine de ces inscriptions, environ le tiers d’entre eux touchent un trouble lié à l’abus d’une substance.L’OPQ, de son côté, n’a pas ce type de programme en place, bien que l’une de ses directions pourrait, de manière exceptionnelle, offrir une forme d’accompagnement à un membre.

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