Virus respiratoire syncytial: d’épidémie récurrente à épidémie précoce

Le VRS a fait beaucoup parler de lui l’automne dernier. La flambée précoce des cas a participé à l’encombrement des hôpitaux pédiatriques de la province. Ce virus, très contagieux, est l’une des principales causes d’hospitalisation des enfants de moins d’un an. Cependant, tous les enfants sont à risque, quel que soit leur âge. Et, contrairement à ce qu’on pourrait penser, ce sont les enfants nés à terme et en santé qui comptent pour la majorité des hospitalisations. Pédiatre-infectiologue depuis 1988, le Dr Marc Lebel a fondé le service d'infectiologie pédiatrique du CHU Sainte-Justine en 1995. Également professeur agrégé de clinique à l’Université de Montréal, il a été membre de nombreux comités aviseurs en infectiologie et en vaccination au Québec, au Canada et à l’international, incluant l’INESSS, la Société canadienne de pédiatrie et le Comité d’immunisation du Québec. Quel est votre avis sur le fait qu’il est impossible de prédire à quel moment débute une saison du VRS ni quel enfant est à risque d’être hospitalisé ? Le virus respiratoire syncytial (VRS) est un virus qui touche tout le monde, sans discrimination. C’est une erreur de penser que seuls les enfants souffrant de conditions prédisposantes ou les prématurés vont en développer une forme sévère. N’importe quel nourrisson peut être hospitalisé en raison du VRS durant ses premiers mois de vie, qu’il soit né à terme ou avant terme, ou qu’il n’ait aucune condition préexistante. Il est vraiment impossible de prédire quel enfant fera un cas grave de VRS. Le virus touche tous les enfants et la majorité des hospitalisations surviennent chez les enfants en bonne santé. Il peut causer une maladie grave, surtout chez les enfants les plus jeunes et les personnes immunosupprimées. Les données rapportent que 79% des nourrissons hospitalisés à cause du VRS étaient en santé et à terme1 et que 54% d’entre eux étaient nés en dehors de la saison du VRS2. Le début de la saison varie d’une année à l’autre et, depuis l’arrivée de la COVID-19, il est encore plus difficile de prédire quand la saison du VRS débutera. À quel point le VRS affecte-t-il les nourrissons canadiens ? Le VRS touche tous les enfants, quel que soit leur âge, mais c’est quand il s’attaque au plus jeunes que le risque de complications et d’hospitalisation est le plus élevé. En effet, avant l’âge de 2 ans, presque chaque enfant aura été infecté par le VRS. Près des trois quarts d’entre eux l’auront eu dans leurs premiers mois de vie. Environ 40% des infections à VRS sont des infections basses, comme la bronchiolite et la pneumonie. Les enfants et les adultes peuvent contracter le VRS plusieurs fois dans leur vie. Les nourrissons risquent davantage de développer une infection compliquée au VRS parce que leurs voies aériennes sont plus petites. Ces dernières vont donc s’obstruer plus rapidement avec les sécrétions et l’inflammation causées par le virus. Le VRS est une des principales causes d’hospitalisation des enfants de moins d’un an. La majorité de ces hospitalisations surviennent chez des nourrissons nés à terme et en bonne santé. Nous avons environ 350 jeunes enfants hospitalisés par année au CHU Sainte-Justine à cause du VRS. En 2022, il y en a eu plus de 600. Il y a peu de décès associés au VRS au Canada. Ceux-ci surviennent surtout chez les patients immunosupprimés ou souffrant d’une pathologie chronique importante. Y a-t-il une corrélation entre le VRS et la bronchiolite ou la pneumonie ? Le VRS cause 90% des bronchiolites et 20% des pneumonies chez les enfants de moins de 6 mois3,4. Or, ces deux maladies sont les principales affections respiratoires nécessitant une visite aux urgences dans cette tranche d’âge. Le VRS fait donc porter un lourd fardeau sur le système hospitalier5. Il est dommage que le VRS soit moins connu que le virus de l’influenza, alors qu’il est beaucoup plus fréquent et peut causer des infections sévères des voies respiratoires basses chez tous les enfants. Si les parents le connaissaient mieux, ils pourraient mieux utiliser les mesures de prévention des infections chez leurs jeunes enfants et ainsi limiter l’exposition au virus. Quels sont les symptômes qui indiquent une forme sévère de la maladie ? La forme typique d’une infection au VRS est celle d’une infection légère des voies respiratoires hautes: congestion nasale, toux et nez qui coule. Les symptômes les plus sévères incluent dyspnée, tachypnée et détresse respiratoire. L’enfant a de plus en plus de mal à respirer et peut se fatiguer. Il va utiliser ses muscles accessoires pour respirer (tirage intercostal ou sus-sternal, battement des ailes du nez, etc.) et présenter des sillements («wheezing»). Il a de la difficulté aux boires et peut souffrir de déshydratation. Certains enfants vont développer une cyanose ou même de l’apnée. Quelles sont les ressources médicales actuelles pour traiter ou protéger les nourrissons contre le VRS ? Le traitement principal contre une infection à VRS est un traitement de support avec hygiène nasale et hydratation en attendant que l’enfant guérisse. À l’hôpital, l’hygiène nasale consiste en des aspirations fréquentes des sécrétions et une administration d’oxygène supplémentaire, par lunettes nasales, lunettes nasales à haut débit ou plus rarement par ventilation non invasive ou invasive. Près du quart des enfants hospitalisés auront besoin d’être transférés aux soins intensifs pédiatriques. L’hydratation est maintenue par de petits boires fréquents, du gavage par tube naso-gastrique ou par perfusion intraveineuse. Il existe un seul traitement préventif approuvé contre le VRS actuellement au Canada : le palivizumab, un anticorps monoclonal anti-VRS. Des vaccins, ainsi que d’autres anticorps monoclonaux sont en développement. Le palivizumab est réservé à une clientèle spécifique : enfants ayant des conditions médicales préexistantes les rendant à très haut risque de complications du VRS. Environ 2% de tous les nourrissons et jeunes enfants reçoivent du palivizumab. Les indications incluent les prématurés de moins de 33 semaines de gestation âgés de moins de 6 mois au début de la saison du VRS6 ainsi que les enfants souffrant de pathologie pulmonaire ou cardiaque chronique significative ou d’autres pathologies spécifiques7. Dans la même famille que le palivizumab, le nirsevimab offre une protection plus longue, qui permettrait de protéger les enfants durant toute la saison de VRS. Un antiviral, la ribavirine, est approuvé pour le traitement des infections à VRS. Il est cependant peu utilisé, vu sa faible efficacité et sa complexité d’administration. Comment se transmet le VRS ? Le VRS est un virus probablement plus contagieux que le virus de l’influenza, même s’il est moins connu du grand public. On le catégorise comme étant «très contagieux» chez les jeunes enfants. Le VRS peut se transmettre autant par contact direct qu’indirect. Il pénètre l’hôte par les muqueuses (nez, bouche, conjonctives). Le contact direct se fait par aérosols, que l’enfant produit naturellement lorsqu’il respire, qu’il tousse ou qu’il parle. Les aérosols infectieux peuvent parcourir une distance de deux mètres avant d’entrer en contact avec les muqueuses. Le contact indirect se fait par l’intermédiaire des surfaces contaminées (biberon, jouets, barreaux du lit, etc.). Le VRS peut survivre 6 à 7 heures sur les comptoirs et les barreaux de lit, et 1 à 4 heures sur les vêtements. En comparaison, il ne survit que 30 à 60 minutes sur la peau. L’incubation du VRS dure de 2 à 8 jours. Les enfants excrètent le virus en moyenne de 3 à 8 jours, mais plus longtemps en cas de pneumonie (jusqu’à 3 semaines). À quel moment de l’année le VRS est-il le plus prévalent ? Le VRS est un virus saisonnier, généralement présent de novembre à mars. Comme pour les autres virus respiratoires, les mesures de confinement associées à la COVID-19 ont chamboulé son calendrier. Il y a eu très peu d’infections en 2020, tandis que 2021 a vu un début de saison précoce dans certaines provinces. Par exemple, au Québec, la saison du VRS de 2021 a débuté dès l’été. Le même phénomène s’est répété en 2022. Résultat, les hôpitaux pédiatriques ont été surchargés durant l’automne 2022 par les cas de VRS en hausse, qui se sont ajoutés aux autres infections respiratoires (COVID-19, métapneumovirus et influenza). Que devraient dire les médecins aux futurs parents à propos du VRS ? Il est important que les parents réalisent que les infections à VRS sont à prendre au sérieux et qu’il est impossible de prédire si leur enfant développera la forme grave de la maladie ou non. Les mesures de prévention s’avèrent donc des plus importantes: maintenir une bonne hygiène des mains, limiter les contacts avec les personnes potentiellement infectées, ne pas partager les tasses, jouets, biberons, etc. avec les autres enfants, nettoyer les surfaces avec du désinfectant. Il est préférable de garder les très jeunes enfants à la maison et de limiter leurs contacts pendant la saison hivernale afin de minimiser les contacts avec les individus infectés. Cela évitera bien des soucis à l’enfant et à ses parents. Références 1. Laura L. Hammitt, Ron Dagan, Yuan Yuan. Nirsevimab for Prevention of RSV in Healthy Late-Preterm and Term Infants. N Engl J Med 2022; 386:837-846 DOI: 10.1056/NEJMoa2110275 https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMoa2110275 2. Ainara Mira-Iglesias, Clarisse Demont, F. Xavier López-Labrador. Role of age and birth month in infants hospitalized with RSV-confirmed disease in the Valencia Region, Spain. Influenza and other Respiratory Viruses, November 2021, https://doi.org/10.1111/irv.12937 . 3. Jeremy N Friedman, Michael J Rieder, Jennifer M Walton; Société canadienne de pédiatrie, Comité des soins aigus, Comité de pharmacologie et des substances dangereuses. La bronchiolite : recommandations pour le diagnostic, la surveillance et la prise en charge des enfants de un à 24 mois. 2014, mise à jour 2021. https://cps.ca/fr/documents/position/bronchiolitis1 4. Aireen Wingert, Jennifer Pillay, Dorothy L Moore, et al. Fardeau de la maladie chez les nourrissons et les jeunes enfants hospitalisés pour le virus respiratoire syncytial : un examen rapide. Septembre 2021. https://www.canada.ca/fr/sante-publique/services/rapports-publications/releve-maladies-transmissibles-canada-rmtc/numero-mensuel/2021-47/numero-9-septembre-2021/nourrissons-enfants-hospitalises-virus-respiratoire-syncytial.html 5. Centre de collaboration nationale des maladies infectieuses. Virus respiratoire syncytial (VRS) Mise à jour 2022. https://ccnmi.ca/debrief/virus-respiratoire-syncytial-vrs/ 6. Christian Renaud et Rima Khalil; pour Héma-Québec. 2022. Informations sur la disponibilité du SynagisMD pour la saison 2022-2023. https://www.hema-quebec.qc.ca/userfiles/file/media/francais/hopitaux/22-042-amendee.pdf 7. Dorothy Moore, Angela Sinilaite, April Killikelly; au nom du Comité consultatif national de l'immunisation (CCNI). Sommaire de la mise à jour de la déclaration du Comité consultatif national de l'immunisation (CCNI) sur l'utilisation recommandée du palivizumab pour réduire les complications de l'infection par le virus respiratoire syncytial chez les nourrissons. https://www.canada.ca/fr/sante-publique/services/rapports-publications/releve-maladies-transmissibles-canada-rmtc/numero-mensuel/2022-48/numero-7-8-juillet-aout-2022/sommaire-mis-a-jour-declaration-comite-consultatif-national-immunisation-ccni-utilisation-recommandee-palivizumab-reduire-complications-infection-virus-respiratoire-syncytial-nourrisson.html

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