Vente de Gestion financière MD, épuisement, autonomie: entrevue avec le président sortant de l'AMC

Le président sortant de l'AMC, le Dr Laurent Marcoux.Winnipeg - À l'occasion la rencontre annuelle de l'Association médicale canadienne (AMC), au cours de laquelle elle tient en ce moment le premier Sommet de la santé, The Medical Post, notre publication soeur au Canada anglais, s'est entretenue avec le Dr Laurent Marcoux, dont le mandat de président de l'AMC se termine le 22 août. Il trace avec nous le bilan d'une année chargée et mouvementée.Au sein de la communauté médicale, on questionne le fait que l'AMC met beaucoup l'emphase sur les défis que les médecins doivent relever et se porte davantage à la défense des patients. Qu'en pensez-vous?En effet, cela a fait l'objet d'un gros débat. Certains de nos membres ont été déçus, mais je pense qu'il est important qu'ils réalisent que lorsque nous plaidons en faveur des patients, nous plaidons aussi en faveur du médecin, puisque notre principal objectif en tant que médecin, c'est de soigner les patients. Le monde évolue. La société évolue, nous devons donc comprendre le point de vue des patients afin de mieux les servir. Nous ne pouvons pas travailler en silos. Après tout, un médecin n'est un médecin qu'à partir du moment où cela implique une relation avec des patients. L’argument avancé par certains médecins est qu’il existe déjà plusieurs groupes de défense des patients, tandis qu’il n’existe qu’une seule association médicale canadienne pour les médecins. En conséquence, l'AMC ne devrait-elle pas s'occuper des médecins en premier lieu, dont les problèmes d'épuisement professionnel, de l'inquiétude concernant la charge de travail et de l'autonomie professionnelle?Nous avons toujours et allons toujours travailler pour les médecins et leur bien-être. Cependant, il n'y a aucune autre organisation au Canada qui combine le travail du médecin et les patients comme nous le faisons. Nous plaidons en faveur des patients puisque cela entre en compte dans la relation avec le médecin. Qui sait quelle est la cause de l'épuisement professionnel chez les médecins? Peut-être que le système en demande trop? Peut-être. Donc selon vous l'AMC a encore un rôle unique à jouer dans le système de santé avec une perspective plus large, celle des patients. C'est cela?Ce que je disais, c'est que nous devons inclure les besoins du patient dans la relation avec le médecin. Et si c'est équilibré, peut-être que cela peut aider à résoudre notre épuisement professionnel? Ce n'est pas la seule cause d'épuisement, il y en a beaucoup, mais je pense que lorsque nous avons de bonnes relations avec les patients, c'est plus gratifiant et bon pour notre estime personnelle. Et quand nous comprenons le point de vue de nos patients, cela ne peut qu'améliorer notre relation. C'est une bonne chose.À LIRE AUSSI:Entrevue avec le Dr Laurent Marcoux: Pour des médecins plus politisésParlons de la vente de Gestion financière MD. Que pensez-vous personnellement de cette vente?Je pense que c'était une décision cruciale pour continuer à aller de l'avant. Le secteur financier évolue très rapidement. Le timing était bon. Et si on regarde l'histoire de l'AMC, nous avons créé de nombreuses organisations qui ont laissé des héritages durables. Regardez le Collège royal (des médecins et des chirurgiens), la Société canadienne du cancer... Ce sont des exemples d'organisations créées par l'AMC, qui sont ensuite devenues des entités propres. Je suis convaincu que les nouveaux acquéreurs serviront les médecins et leurs familles avec les mêmes valeurs qu’avant. En fait, c'est dans le contrat.Et nous avons reçu beaucoup d'argent. Cela va nous permettre d'être plus efficaces dans notre rôle de plaideur en santé. Il est question de moderniser l'AMC. Je suis membre du Conseil d'administration (CMA) depuis six ans. Quand je suis arrivé au Conseil, je ne savais pas que je serais président un jour. Mais quand je suis arrivé, la principale discussion sur la table portait sur la modernisation de l'AMC et la transformation du système de santé. Il y a six ou sept ans, nous savions que le système de santé ne fonctionnait pas de façon optimale pour la société d'aujourd'hui. Maintenant, nous disposons de ressources importantes pour apporter des changements. Notre rôle consiste à soutenir les médecins et à soutenir la profession. La campagne électorale débutera bientôt au Québec. Les élections sont-ils un bon moment pour aborder les problèmes de santé?Absolument. Les citoyens aiment discuter des problèmes de santé et avoir l'assurance qu’ils disposeront d’un meilleur système de santé que celui qu'ils ont actuellement. Beaucoup de citoyens, de professionnels de la santé et de patients sont très déçus de la situation au Québec – c'est le cas partout au Canada. Au Québec, c'est particulièrement difficile. Vous avez parlé de l'épuisement professionnel des médecins tout à l'heure. La communauté médicale a vraiment le sentiment que le problème est grandissant. Selon vous, qu'est-ce qui mène les médecins à l’épuisement professionnel?De par mon expérience en tant que médecin, (nous) avons un problème avec le système. Je pense qu'on s'épuise quand on n'a pas de contrôle sur ce qui se passe autour de soi. Ce n'est pas seulement vrai pour les médecins, mais pour tous les êtres humains. Si (ils) n'ont aucun pouvoir sur ce qui se passe autour d'eux, comment préserver leur autonomie et comment créer un meilleur environnement pour eux ou leur profession ou pour leur famille. C'est ce qui se passe e ce moment avec le système de santé ... En tant que profession, nous devons garder notre autonomie. Nous être autonomes dans nos décisions pour parvenir à faire ce que nous faisons tous les jours pour nos patients. Parce que nous sommes ceux qui savent le mieux ce dont les patients ont besoin. Nous faisons cela tous les jours, et nous savons ce qu'ils veulent, ce dont ils ont besoin et quelles sont leurs attentes. Et maintenant, nous avons perdu (une partie de cette autonomie). Et je pense que c'est une discussion très importante que nous devons avoir, car cela pourrait aider à résoudre les problèmes d'épuisement professionnel.Comme je vous ai déjà dit, si nous sommes avec les patients en plaidant à la fois avec leur voix et celle du médecin, nous aurons un nouveau rôle et une nouvelle autonomie.Je pense que nous sommes plus critiques (vis-à-vis du système) quand nous mettons sur la table les attentes et les besoins de nos patients – les besoins réels, pas seulement les nôtres. En tant que médecin, je serais heureux si tous les jours, je donnais à mon patient ce qu’il voulait et qu'il bénéficiait d' un système où il recevrait les soins et les services auxquels on s'attend. Le Sommet sur la santé de l’AMC a lieu en ce moment à Winnipeg. Qu'espérez-vous comme impact durable? Je pense que ce sera l'unité. L'unité de ceux qui s'intéressent aux soins de santé, à la santé et au système de santé. Nous pourrions demander. . . comme nous l'avons fait avec le Conseil général auparavant, et dire simplement que nous «exhortons le gouvernement à faire quelque chose». (Rires) Exactement. (De nombreuses motions du Conseil général de l'AMC donneraient effectivement l'ordre à l'AMC d'envoyer une lettre au gouvernement exhortant que des mesures soient prises.)Vous vous souvenez de ça? Très bien.J'ai été très choqué par cela. J'ai dit: «Pourquoi y a-t-il parfois une motion disant que nous exhortons le médecin et la profession?» Et maintenant nous allons plus loin. Nous nous mettons au défi avec les patients et les décideurs politiques de faire mieux, de creuser plus en profondeur. Cette année, le thème sera «comment intégrer la nouvelle technologie pour aller plus loin et être plus efficace et efficient dans nos services de soins?» Je pense que c'est un grand changement. Et lorsque nous changeons, évidemment nous devons ajuster notre façon de faire. Mais je pense que c'est le début d'un bel avenir, et je crois que la profession sera plus fière de ce qu'elle fait et lorsqu'elle le fera pour ses patients et leurs besoins réels. En ce qui concerne l’Association médicale canadienne et les médecins canadiens en général, quelles sont, selon vous, les prochaines questions à régler?C'est une bonne question. (Pas seulement) le futur immédiat mais à long terme. Je pense qu'il faudra responsabiliser nos patients vis-à-vis de leur santé et de leurs soins de santé. On s'en approche un peu maintenant, en faisant venir des patients dans notre organisation. Je pense qu'en donnant plus de pouvoir aux patients, cela signifie non seulement traiter la maladie mais aussi leur redonner la santé.Lorsque nous voyons la génération la plus jeune, la génération Google, consulter son médecin onze fois par an, je pense que nous ne devons pas voir cela comme une véritable consultation. Elle veut juste vérifier ce qui est meilleur pour sa santé. Ces jeunes ne vont pas voir un médecin pour être guéris de quelque chose. Ils ne sont pas si malades, je ne pense pas. Mais ils sont au courant de ce qui se passe grâce à Internet et ils se disent: «En quoi est-ce important pour ma santé? Qu'est-ce que cela signifie pour moi?» Et je pense que c'est ce à quoi servent de nombreuses consultations.À l'avenir, nous devrons permettre cette habilitation du patient. Les patients ne lisent pas (souvent) leur dossier médical, mais ils le devraient. C'est leur propre santé. Il y a soixante ans, lorsque nous avons créé le système de santé national, les soins étaient centrés sur les hôpitaux. Mais maintenant, avec la nouvelle technologie, nous pouvons faire beaucoup de choses hors de l'hôpital, et cela se passe très bien avec la population vieillissante.Nous pouvons (dans de nombreux cas) avoir un hôpital au domicile du patient, un meilleur hôpital qu'il y a 60 ans. Vous voyez ce que je veux dire? Nous pouvons apporter les soins critiques à la maison. Et nous pouvons connecter les patients avec les services centraux et répondre à leurs questions et, parfois, nous envoyons quelqu'un (chez eux) pour ajuster ce qui doit être ajusté. Et parfois, vous avez besoin du patient à l'hôpital pour effectuer un traitement. Les hôpitaux existeront toujours. Mais avec le vieillissement de la population, quand il y aura 30% ou 35% (de la population) âgée de 65 ans et plus, il n'y aura (pas assez) d'hôpitaux pour s'occuper de ces personnes. Nous devons donc repenser et recréer un nouveau système de santé, et ce sera en dehors de l'hôpital. Nous devons créer un réseau de services dans chaque maison et chaque foyer. Il y a un an, lorsque vous êtes devenu président de l'AMC, lors de votre discours inaugural, vous avez remercié votre partenaire Marc-André pour son soutien et vous avez aussi mentionné vos trois fils et vos quatre petits-enfants étaient un énorme cadeau dans votre vie. Comment votre famille a-t-elle géré votre engagement en tant que président de l'AMC au cours de la dernière année?Être médecin signifie que nous avons besoin de notre famille pour nous soutenir du début à la fin de notre carrière, car notre vie professionnelle n'est pas un neuf à cinq; il faut travailler la fin de semaine, la nuit et assister à des conférences, à tout ça et à bien d’autres choses. En tant que président de l'AMC, c'était différent, mais plus intense. J'avais l'habitude de voir mes petits-enfants 10 jours à la fin de chaque été. Mais cette année nous avons juste raccourci ce moment. Ils ont compris. Je leur ai expliqué que papy est très occupé cette année. Ils ont dit: «On le sait.» Ils comprennent et ils nous ont apporté leur soutien. Et c'est la même chose avec mon partenaire et même avec ma famille. Je les voyais un peu avant cette année, mais ils savent. J'ai senti que j'étais soutenu. J'ai une famille qui me comprend comme elle m'a toujours compris tout au long de ma carrière. C'est tellement beau. Donc je suppose que je devrais vous demander quels sont vos plans pour la suite?Que vais-je faire après ma présidence? Bien sûr, je serai toujours impliqué dans l'association médicale et les problèmes médicaux et dans ma profession. J'ai fait cela toute ma vie. Dès ma toute première année en tant que médecin, je faisais du travail pour aider mes collègues. Je pense que c'est important. Cela donne un sens à notre vie professionnelle. Mais après, je resterai ouvert et disponible et au moins intéressé par ce qui se passera dans ma profession. Et peut-être que mon expérience aidera.Je pense que je suis le genre de personne qui croit davantage à l’avenir et au potentiel des nouvelles générations. Les nouveaux médecins disposent maintenant de tant de nouveaux outils de communication et de connaissances scientifiques avancées. Je ne suis pas quelqu'un qui dit: « J'ai vu de meilleures choses dans le passé.» L'avenir est prometteur et plein d'espoir. Je suis convaincu que nous aurons des médecins plus heureux parce qu'ils comprendront le sens de leur profession et le rôle qu'ils jouent dans la société. Et ça va nous rendre – en deux mots – très heureux.

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