Vapotage de cannabis ou de nicotine: guide pratique des risques pour la santé des jeunes

«La pratique du vapotage est relativement récente et les études disponibles ne permettent pas d’en déterminer avec certitude l’ampleur et la nature des risques pour la santé, particulièrement à long terme. (…) Néanmoins, les connaissances actuelles sont suffisantes pour mettre en garde les adolescents contre le vapotage de nicotine comme de cannabis.» L’Institut national de la santé publique du Québec (INSPQ) parvient à cette conclusion après avoir passé en revue les littératures scientifique et grise sur le sujet. Un mandat confié par le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) dans le but de produire «rapidement un document qui répond aux principales questions des intervenants» travaillant auprès des jeunes, notamment des professionnels de la santé. Cette demande pressée du MSSS est une réponse à la forte croissance de l’usage de la cigarette électronique chez les jeunes depuis 2018. Elle correspond à l’arrivée sur le marché des vapoteuses dites de «4e génération», ou «à capsules», beaucoup plus discrètes et faciles à utiliser que les précédentes. Selon la plus récente Enquête québécoise sur le tabac, l’alcool, la drogue et le jeu chez les élèves du secondaire (ETADJES) — élèves qui sont habituellement âgés de 12 à 17 ans —, 21% d’entre eux disaient, en 2019, avoir utilisé une cigarette électronique, avec ou sans nicotine, au cours des 30 jours précédents. Six ans plus tôt, ils n’étaient que 4%. D’autres données un peu plus récentes, recueillies en 2020 auprès de Québécois âgés de 15 ans et plus, montrent que la prévalence du vapotage dans le mois précédent est bien plus élevée chez les adolescents (18% parmi les 15-17 ans) et les jeunes adultes (15% parmi les 18-24 ans) que chez les plus âgés (5% parmi les 25-34 ans, 2% parmi les 35-64 ans). S’agissant du cannabis, la dernière enquête québécoise sur ses usages, publiée en 2021, indique que 19% des consommateurs de marijuana de 15 ans l’ont vapotée au cours des 12 mois précédents. Les plus grands utilisateurs de la vapoteuse étant les jeunes de 15 à 17 ans (44%) et les 18 à 24 ans (29%). Une dépendance rapide «Malgré les différences entre le vapotage de nicotine et de cannabis, ces pratiques ont en commun deux préoccupations de santé publique: le risque pour les jeunes de développer une dépendance et celui d’inhaler des substances nocives dont on connaît peu les effets à long terme», résume l’INSPQ en introduction de son document de référence. La dépendance à la nicotine inquiète tout particulièrement les chercheurs de l’INSPQ. «L’exposition à la nicotine durant l’adolescence peut affecter le cerveau, encore en développement à cet âge, et nuire à certaines fonctions cognitives. De plus, l’usage de la cigarette électronique augmente les risques d’essayer la cigarette de tabac chez les adolescents et les jeunes adultes non-fumeurs», notent-ils. Or les produits consommés dans les cigarettes électroniques de 4e génération peuvent être très concentrés en nicotine: le liquide contenu dans une capsule peut fournir l’équivalent en nicotine de 40 cigarettes, d’après une étude américaine. Le développement d’une dépendance à la nicotine à travers de tels dispositifs pourrait ainsi être encore plus rapide et la dépendance plus forte qu’avec la cigarette de tabac. Idem pour le cannabis. Sur le marché légal, théoriquement réservé aux majeurs, l’INSPQ observe que les produits disponibles sont «souvent très concentrés en THC», le principe actif du cannabis, ce qui accroît le risque d’addiction. Sur le marché illégal, où les adolescents ont tendance à s’approvisionner, les produits inhalables du cannabis «peuvent présenter des niveaux plus élevés de pesticides, de métaux et contenir des drogues indésirables, comme des opioïdes ou des cannabinoïdes synthétiques. Ils contiennent également des concentrations variables et souvent inconnues de THC.» Pour toutes ces raisons, souligne l’Institut, «les produits illégaux peuvent entraîner des effets indésirables plus fréquents et plus intenses que les produits réguliers du cannabis.» Des risques multiples Dans le cas de la nicotine, comme du cannabis, «le vapotage a été associé à des symptômes respiratoires tels que la toux, une production accrue de mucus, une respiration sifflante et la dyspnée. Il n’est pas possible pour le moment d’affirmer que le vapotage cause de l’asthme», peut-on lire dans le document de référence, mais «les études à court terme existantes pour l’humain suggèrent que le vapotage peut aggraver l’asthme et la maladie pulmonaire obstructive chronique (MPOC)». À plus long terme, les risques sont encore difficilement évaluables étant donné que la pratique du vapotage est encore relativement récente. L’inconnu tient notamment à la composition des aérosols des cigarettes électroniques. Selon des études, on y retrouverait beaucoup moins de substances chimiques que dans la fumée de tabac. Néanmoins, ces aérosols contiennent «des composantes potentiellement néfastes pour la santé, dont certaines se retrouvent dans la cigarette de tabac, d’autres non. Les effets sur la santé des composantes qui ne se retrouvent pas dans la cigarette sont mal connus, mais préoccupants, particulièrement pour la santé des jeunes», souligne l’INSPQ en ajoutant que «dans la plupart des cas, la sécurité de ces composés est établie pour l’ingestion plutôt que pour l’inhalation». Détecter une intoxication Les symptômes d’une intoxication aiguë consécutive au vapotage de nicotine ou de cannabis peuvent être similaires, note l’INSPQ, notamment à forte concentration: étourdissements, nausées, vomissements, maux de tête et palpitations. «Toute personne intoxiquée présentant des vomissements à plus d’une reprise, des douleurs abdominales, de l’hypersalivation, de la pâleur ou de la transpiration doit être évaluée à l’hôpital», recommande le document. Lorsque le taux de THC est très concentré, d’autres effets indésirables peuvent se manifester comme une angoisse intense (communément appelée «bad trip»), de la paranoïa, des hallucinations qui peuvent nécessiter l’hospitalisation. S’il n’est pas possible de mourir d’une surdose de cannabis, «des concentrations de THC trop importantes, la présence de cannabinoïdes synthétiques ou l’interaction avec d’autres médicaments pourraient entraîner des complications graves, voire la mort chez des individus ayant certains problèmes de santé cardiaques ou respiratoires», prévient néanmoins l’INSPQ. Que faire face à un jeune vapoteur? C’est évident, mais la meilleure façon de prévenir les risques associés au vapotage reste de ne pas utiliser ces produits. Un discours souvent ignoré par des adolescents plutôt séduits par l’interdit, qui ont de plus la perception que la cigarette électronique est moins nocive que la cigarette. Selon l’INSPQ, il convient de sensibiliser en amont les jeunes «et développer leurs compétences afin de prévenir l’usage de ces produits et s’assurer qu’ils demeurent non-fumeurs et non-vapoteurs.» À tout le moins, il est recommandé d’éviter certaines pratiques afin de diminuer les risques associés au vapotage de nicotine ou de cannabis: Éviter de créer ses propres recettes de liquides, de mélanger des liquides ou de fabriquer ses propres extraits; Éviter les produits de vapotage aromatisés; Ne pas acheter des produits issus d’une source non réglementée ou illégale; Si les réglages peuvent être ajustés sur le dispositif, prioriser les températures plus basses lors de l’utilisation (voltage ou puissance); Ne pas mélanger les produits de vapotage de nicotine et de cannabis; Ne pas consommer de manière concomitante avec d’autres substances comme l’alcool ou des drogues; Limiter la fréquence d’usage: consommer moins d’une fois par semaine pourrait prévenir plusieurs des effets négatifs à long terme; Utiliser les extraits inhalables de cannabis dans des dispositifs conçus pour ce type de produit; l’atomiseur et la puissance du dispositif pourraient être incompatibles avec la viscosité du produit; Ne pas mettre de produits du cannabis non destinés à l’inhalation dans ces dispositifs (ex. huile de cannabis, gouttes orales, poudre à dissoudre, etc.); Lors de la consommation d’extraits de cannabis pour la première fois, prendre une bouffée à la fois et privilégier les inhalations de courte durée et moins rapides ou moins intenses.

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