Usage immodéré du DSQ: une pharmacienne radiée trois mois pour curiosité affective

Employée depuis plus de vingt ans dans une pharmacie de Mont-Laurier, la pharmacienne Nathalie Levac vient d’être sanctionnée pour avoir utilisé à des fins personnelles sa clé d’accès au Dossier santé Québec (DSQ).Devant le Conseil de discipline de l’Ordre des pharmaciens du Québec (OPQ), elle a enregistré un plaidoyer de culpabilité à l’égard des 18 chefs d’infraction portés contre elle, reconnaissant avoir consulté de façon répétée des renseignements de santé confidentiels qui ne concernaient pas sa pratique. Au total, plus de cinq cents accès non autorisés au DSQ ont été retracés sur une période de quatre ans - dont 320 visant 17 usagers et 233 concernant son propre dossier.La plupart des consultations effectuées par Nathalie Levac visaient des personnes avec lesquelles elle avait entretenu une relation amoureuse, ainsi que leurs proches. Certaines avaient déjà été clientes de la pharmacie, mais ne l’étaient plus au moment des faits, tandis que d’autres n’avaient aucun lien professionnel avec elle. Dans plusieurs cas, ces accès étaient motivés par la curiosité ou par une forme de méfiance sentimentale.Devant ses pairs, la professionnelle a témoigné qu’à cette époque, elle souffrait d’un «problème de dépendance affective». Elle a déclaré qu’elle avait de la difficulté à faire confiance à ses partenaires et que, s’ils ne répondaient pas à ses questions, elle obtenait l’information demandée de cette façon. Selon elle, c’était une «mauvaise période de (sa) vie» durant laquelle elle avait «plusieurs enjeux personnels». Cependant, elle affirme qu’elle n’était «pas de mauvaise foi».Au fil des années, la pharmacienne avait pourtant été mise en garde à maintes reprises par son employeur, la pharmacienne propriétaire Nancy Cloutier, qui lui avait rappelé qu’il était interdit de consulter le DSQ par simple curiosité. Mais Nathalie Levac n’en a pas tenu compte. L’enquête du Bureau du syndic a révélé que ses consultations ne relevaient pas d’une méprise ou d’une distraction, mais bien d’une démarche préméditée et répétée.Une faute au cœur de la professionPour le Conseil de discipline, les gestes de Nathalie Levac constituent des infractions «objectivement très graves» qui «se situent au cœur de l’exercice de la profession». Le jugement rappelle que la pharmacienne faisait partie des professionnels privilégiés ayant accès au DSQ, un accès fondé sur la probité et la confiance.«En utilisant ce privilège pour son propre bénéfice, l’intimée trahit la confiance du public et met sa protection en péril», écrit le Conseil, ajoutant que le public doit avoir une confiance absolue envers les pharmaciens qui détiennent de telles clés d’accès.Dans la même veine: 68 consultations injustifiées du DSQ, trois fois deux mois de radiationLe Conseil souligne également qu’il n’est pas nécessaire qu’il y ait eu un préjudice concret pour que la faute soit grave: «L’absence de conséquences ne constitue pas un facteur atténuant.» Chaque accès illicite représente en soi une atteinte à la vie privée des usagers et une entorse à la dignité de la profession.Dans sa décision, le Conseil retient plusieurs facteurs aggravants. Membre de l’Ordre depuis près de 30 ans, Nathalie Levac «ne pouvait ignorer» les règles fondamentales relatives à la confidentialité des renseignements de santé. Elle avait été avertie à plusieurs reprises par son employeur, sans corriger son comportement. Ses pairs soulignent également le bénéfice personnel qu’elle tirait de ces accès, que ce soit pour satisfaire sa curiosité ou obtenir plus rapidement des résultats la concernant. «Elle ne peut utiliser les outils mis à sa disposition dans le cadre de sa profession pour privilégier ses propres besoins ou pour en retirer un quelconque bénéfice personnel.»Ces manquements répétés sur une période de quatre ans ont néanmoins été suivis d’un mea culpa complet. En 2024, la pharmacienne a entrepris une démarche thérapeutique afin de comprendre son comportement et d’éviter toute récidive. Elle a suivi une thérapie de groupe de dix semaines sur l’estime de soi et bénéficie encore d’un soutien psychologique. Selon le Conseil, elle «fait preuve d’introspection» et «comprend maintenant la portée et la gravité des manquements».Trois mois de radiation et un avertissement à la professionÀ l’issue de l’audience, Nathalie Levac a été condamnée à trois mois de radiation temporaire, les 18 chefs d’infraction étant purgés concurremment. Une sanction jugée proportionnée à la gravité objective des gestes et à leur caractère répétitif. Le Conseil rappelle que «ces infractions ternissent l’image de la profession» et que «la protection du public et sa sécurité l’exigent».Le risque de récidive a toutefois été évalué comme faible, la pharmacienne ayant reconnu ses torts et entrepris une véritable démarche de remise en question. Son employeur et ses collègues continuent de lui accorder leur confiance, soulignant son engagement à exercer dorénavant en stricte conformité avec les obligations déontologiques.Le cas de Nathalie Levac illustre la rigueur avec laquelle le Conseil de discipline de l’OPQ entend faire respecter la confidentialité des données de santé. À l’heure où chaque accès au DSQ laisse une trace, la frontière entre curiosité et faute professionnelle ne souffre plus d’ambiguïté.

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