Une vague #MeToo déferle sur les hôpitaux en France

Après le cinéma, les médias, le sport et dernièrement l’armée, c’est au tour de l’hôpital d’être atteint par un flot de témoignages dénonçant les remarques sexistes et les agressions sexuelles qui gangrènent aussi ce milieu en France. Avec le mot-clic #Metoohopital, des centaines de professionnelles de la santé rompent la tradition de l’omerta et rapportent sur X (feu Twitter), Facebook et Instagram les violences sexuelles dont elles ont été victimes ou témoins.Ce raz-de-marée survient après la publication le 10 avril d’une enquête par le magazine Paris Match dans laquelle la Dre Karine Lacombe, cheffe du service des maladies infectieuses à l’hôpital Saint-Antoine, à Paris, accuse le célèbre urgentologue Patrick Pelloux d’être un «prédateur» sexuel. Dans un livre paru en octobre, l’infectiologue qui s’est fait connaître du grand public durant la pandémie de COVID-19 avait déjà décrit — sans le nommer à l’époque — le «regard concupiscent, les mains baladeuses» et le «comportement empreint de domination» de ce médecin chevronné, dont la réputation était déjà «bien établie».Dans Paris Match, la Dre Lacombe détaille par le menu le harcèlement moral et sexuel que faisait subir le Dr Pelloux à ses collègues. Elle témoigne également qu’après avoir repoussé ses avances, elle a subi «un ostracisme patent et plusieurs épisodes d’humiliation». L’intéressé a pour sa part assuré n’avoir «jamais agressé personne», l’urgentologue reconnaissant toutefois avoir été «grivois» dans le passé. «Ce que nous disions et ce que nous faisions est infaisable aujourd’hui, c’est sûr. Mais on rigolait bien!» a déclaré le Dr Pelloux avant de préciser qu’il allait être «obligé de coller un procès» à sa consœur.Dans une entrevue accordée au journal Le Parisien, cette dernière a ensuite expliqué qu’«il y avait besoin d’une prise de parole publique pour libérer les prises de parole privées», la médecin ajoutant qu’elle avait voulu «aider à faire bouger le système». Elle espérait alors le début d’un #MeToo hospitalier. «Le problème est systématique à l’hôpital, et il faut une prise de conscience globale.»Son appel a été entendu. Depuis, des médecins, des infirmières, des préposées aux soins et des agentes administratives prennent la parole en dénonçant les agressions sexuelles et les remarques déplacées dans le milieu hospitalier.Invitée sur le plateau de C à Vous, une émission d’affaires publiques, l’ancienne ministre de la Santé sous Nicolas Sarkozy, Roselyne Bachelot, a réagi à cette vague en déclarant: «Il est temps que la loi du silence ne règne plus! J’avais l’impression que les choses allaient de mieux en mieux, mais tout ce qu’on raconte c’est que c’est de pire en pire, j’ai vécu ça durant mes études de médecine…»Très émue et avouant avoir «encore un peu de mal à en parler», la docteure en pharmacie a raconté son bizutage. «Il y avait un miroir au-dessus de la table et on demandait (aux étudiantes) d’ôter (leur) culotte et de marcher sur (le miroir), pour que les étudiants mâles puissent regarder notre sexe.» La présentatrice lui demande alors: «Vous l’avez fait?» Et Mme Bachelot de répondre: «Non, je me suis évanouie à l’idée de le faire.»«Sans surprise»Pour la vice-présidente de l’Association nationale des étudiants en médecine (ANEMF), Kahina Sadat, cette vague de dénonciations n’est «pas une surprise», affirme-t-elle à l’AFP. Une enquête de l’ANEMF réalisée en 2021 montrait déjà l’omniprésence de ces violences: 38,4 % des étudiantes en médecine disaient avoir subi du harcèlement sexuel pendant leurs stages hospitaliers, 49,7% des «remarques sexistes», et 5,2% des «gestes déplacés», entre mains aux fesses, attouchements et autres.«On le dénonce depuis des années», souligne pour sa part Pauline Bourdin, représentante de la Fédération nationale des étudiant.e.s en sciences infirmières (FNESI) qui avait elle aussi mené une enquête en 2022. Une aspirante infirmière sur six assurait avoir été victime d’agression sexuelle au cours de sa formation, essentiellement à l’hôpital. Les victimes décrivaient des «mains sur la cuisse», des «massages» ou «baisers» non désirés de collègues et maîtres de stage. La plupart se taisent, car «à l’hôpital, il y a une forte omerta» et des équipes soudées qui parfois «exercent une forte pression pour que rien ne sorte», regrette Mme Bourdin.La médecine souffre «d’une culture carabine» qui «banalise le sexe pendant les études» et «expose à un humour sexiste», commente la présidente de l’Intersyndicale nationale des internes de médecine générale (ISNAR- IMG), Florie Sullerot. Dans certains hôpitaux, les étudiants mangent devant des fresques obscènes, pouvant représenter «jusqu’à des scènes de viol», décrit-elle. S’ajoute une «forte hiérarchie», qui place généralement le pouvoir entre les mains des hommes. L’ensemble crée «un climat favorable» aux violences, même si la féminisation de la profession «libère» progressivement la parole.En pharmacie aussiLe milieu de la pharmacie n’est pas en reste comme le montre une enquête menée en 2021, rapportée par le média 20 minutes à laquelle 2 103 étudiants des 24 facultés de pharmacie de France ont participé. Parmi eux, 75,1% des répondants étaient des femmes et une sur quatre déclare avoir subi une agression sexuelle au cours de sa formation. En officine, 32% des étudiants affirment avoir été confrontés à des remarques sexistes et 30% ont subi du harcèlement sexuel. Des faits attribués le plus souvent aux patients (80,3%), mais aussi aux collègues (37,1%).

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