Une scientifique traite son cancer du sein elle-même

Il est des conditions médicales mineures que l’on peut soigner seul – un rhume, une verrue, un mal de tête passager… Mais on ne penserait pas à l’auto-traitement pour une maladie plus complexe, chronique ou pour un cancer. C’est pourtant ce qu’a fait Beata Halassy, virologue à l’Université de Zagreb, en Croatie. En 2020, la scientifique découvre qu’elle souffre d’une nouvelle récidive de cancer du sein, la deuxième depuis l’ablation de son sein gauche. Au lieu de passer par une nouvelle chimiothérapie qu’elle pourrait ne pas supporter, la scientifique de 50 ans choisit d’étudier la littérature et informe ses oncologues qu’elle va tester sur son propre cancer de stade 3 un traitement non éprouvé: la virothérapie oncolytique intratumorale (OVT). À lire aussi: Un nouvel autotest du VPH approuvéL'OVT utilise des virus pour attaquer les cellules cancéreuses et inciter le système immunitaire à les combattre. La plupart des essais cliniques sur l'OVT ont jusqu'à présent porté sur le cancer métastatique à un stade avancé, mais ces dernières années, ils se sont orientés vers des maladies à un stade plus précoce. Aux États-Unis, un OVT (le T-VEC) a été approuvé en 2015 pour traiter le mélanome métastatique, mais aucun pays n’a pour l’instant approuvé d’agents OVT pour traiter le cancer du sein, quel que soit le stade.Deux virus injectésLa Dre Halassy a donc choisi de cibler sa tumeur avec deux virus différents consécutivement: une souche de la rougeole suivie d’une souche de la stomatite vésiculaire (VSV), toutes deux préparées dans son propre laboratoire. Pendant deux mois, une collègue lui a injecté le traitement directement dans sa tumeur. Ses oncologues ont accepté de la surveiller pendant son auto-traitement, afin qu'elle puisse passer à une chimiothérapie conventionnelle si les choses tournaient mal.Ces deux agents pathogènes sont connus pour infecter le type de cellule d'où provient sa tumeur et ont un bon bilan de sécurité, selon le rapport de cas.«La rougeole Edmonston-Zagreb est connue pour son innocuité dans les vaccins pédiatriques utilisés depuis plus de 40 ans» et «l'OVT contre la rougeole a été testée cliniquement chez des patients présentant des stades avancés de différents types de cancer du sein». Par ailleurs, «le VSV est un agent pathogène animal, mais il est presque non pathogène pour l'homme, provoquant des symptômes pseudo-grippaux dans le pire des cas. Il a été démontré qu'il conférait une protection contre une nouvelle infection dans un modèle murin de cancer du sein».À lire aussi: Pourquoi certaines femmes évitent-elles de repasser une mammographie?Sans récidive depuis 4 ansLes résultats sont rapides: après seulement deux mois de traitement, «la tumeur a considérablement diminué de taille et n'infiltrait ni le muscle sous-jacent ni la peau au-dessus, contrairement à la valeur initiale. Par conséquent, elle a été excisée avec succès», observent la Dre Halassy et ses coauteurs dans la revue Vaccines. L'analyse de la tumeur après son ablation a montré qu'elle était complètement infiltrée par des cellules immunitaires, les lymphocytes, suggérant que l'OVT a fonctionné comme prévu et a incité le système immunitaire à attaquer à la fois les virus et les cellules tumorales. Conformément aux recommandations, la scientifique a toutefois suivi un traitement adjuvant d’un an par trastuzumab en raison du phénotype HER2 3+ de la tumeur excisée. «Avant ce traitement expérimental, la patiente a connu deux récidives locales de TNBC, à des intervalles de 22 et 21 mois respectivement. En revanche, après l'OVT, la patiente est en rémission depuis 45 mois», soit près de 4 ans. Le succès de cet auto-traitement du cancer du sein localement récurrent démontre que l’OVT peut à la fois permettre de réduire la tumeur, mais aussi d’induire une immunité antitumorale chez les patients présentant des stades précoces de cancer, conclut le rapport. «Par conséquent, un meilleur contrôle et un meilleur pronostic à long terme de la maladie peuvent être obtenus.»Si les auteurs disent encourager les essais cliniques formels d’évaluation de l’OVT comme traitement néoadjuvant de cancer précoce, ils affirment toutefois que l’automédication par virus oncolytiques ne doit pas être la première approche pour traiter le cancer diagnostiqué.

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