Une pharmacienne sanctionnée pour négligence dans l’exécution d’une ordonnance de stupéfiants

C’est ce qu’on appelle l’effet papillon. Une pharmacienne salariée vient d’être sanctionnée par le Conseil de discipline de l’Ordre des pharmaciens du Québec pour des faits de négligence lors de l’exécution et la validation d’une ordonnance, à la suite d'une erreur de saisie de la part d’une technicienne. Conformément aux recommandations des parties, elle écope d’une amende de 4500$. Les faits se sont produits le 8 mars 2024, dans la pharmacie Fadi Chamoun, Spiros Marinis et Azat Basarini de Lasalle. Valeriya Bernadski, pharmacienne salariée depuis 2017, exécute l’ordonnance de sa patiente prescrivant «MS ContinMD 12h-Tablet 15mg 1 tabs», un stupéfiant puissant à base de morphine à longue action, à prendre au coucher pour soulager ses douleurs et favoriser son sommeil. D’après le rapport du Conseil de discipline, la patiente prend déjà de la morphine à courte action de manière journalière sous forme de StatexMD 5mg, à raison d’une prise quatre fois par jour aux quatre heures au besoin.Une erreur de saisie non vérifiéeProblème: lorsque la patiente se présente à la pharmacie avec son ordonnance, la technicienne chargée de la saisir dans le système informatique de la pharmacie «commet une grave erreur» et inscrit au dossier de la patiente «HYDROmorph CONTINMD» au lieu de «MS CONTINMD». Valeriya Bernadski est alors la seule pharmacienne présente à la pharmacie ce jour-là, mais elle est occupée et ne vérifie pas la saisie d’informations. Constatant tout de même qu’une dose de 15mg d’HYDROmorph CONTIN est très élevée et que les comprimés de 15mg n’existent pas pour ce médicament, la pharmacienne finit par vérifier la posologie… auprès de la patiente. Cette dernière lui assure que son médecin généraliste «souhaite absolument augmenter la dose de manière significative, car le StatexMD prescrit, qu'elle prend depuis longtemps, ne la soulage plus et n’atténue pas ses douleurs», indique le Conseil de discipline dans son rapport.À lire aussi: Problèmes de concentration, malchance, deuil: une pharmacienne justifie ses multiples erreurs de dosageDécidant de se fier aux dires de la patiente sans vérifier l’information auprès du médecin généraliste, Valeriya Bernadski ne remarque pas non plus que l’ordonnance du praticien prescrit le MS CONTIN® et non pas l’HYDROmorph CONTINMD, et ne calcule pas l’équivalence de la dose de l’HYDROmorph CONTIN® en la comparant avec la dose de StatexMD prise par l’intimée tous les jours. Ainsi, la pharmacienne délivre à sa patiente deux doses d’Hydromorph Contin® 9mg (1 capsule au coucher) et d’Hydromorph ContinMD 6mg (1 capsule au coucher), soit deux fois 15mg au total. Mais elle omet de lui remettre conjointement du NarcanMD, malgré le fait que la patiente admet avoir remarqué que la dose qu’elle lui délivre est une forte dose d’HYDROmorph CONTINMD et malgré les risques associés à la prise de ce stupéfiant.Valeriya Bernardski conseille tout de même à la patiente de prendre des doses progressives d’HYDROmorph CONTINMD pendant quelques soirées afin de pouvoir évaluer ses effets, et de prendre les 15mg seulement si elle ne ressent pas d’effets indésirables. Des échanges qui ne seront toutefois jamais inscrits au dossier. «Une forte somnolence et de fortes démangeaisons»Une fois rentrée chez elle, la patiente prend les deux doses d’HYDROmorph CONTINMD d’un coup, soit un total de 15mg. «Elle ressent une forte somnolence, mais aussi de fortes démangeaisons qui l’empêchent de dormir», note le rapport du Conseil. La patiente retourne alors à la pharmacie où elle s’entretient avec l’un des pharmaciens propriétaires à propos des effets secondaires de sa thérapie. Ce dernier lui conseille de diminuer la dose. Perplexe face aux directives contradictoires de son médecin et des deux pharmaciens, la patiente décide de faire des recherches sur internet, et finit par se rendre compte, seule, qu’on lui a délivré le mauvais médicament. Le 11 mars 2024, soit trois jours plus tard, la patiente se rend à la pharmacie pour alerter Valeriya Bernardski sur son erreur, obtenir le bon médicament ainsi qu’une trousse de NarcanMD. Malgré les excuses du pharmacien propriétaire et de la pharmacienne salariée, la patiente choisit finalement de transférer son dossier dans une autre pharmacie. Travail «machinal» et manquements en sérieDans ce dossier, le Conseil de discipline retient plusieurs facteurs aggravants contre la pharmacienne salariée, comme ses sept années d’expérience, les effets indésirables et le bris de confiance subis par la patiente, le fait que le stupéfiant prescrit et la posologie élevée exigent «un contrôle rigoureux et une vigilance constante». De plus, la pharmacienne a admis avoir travaillé de manière «machinale», a oublié de remettre une trousse NarcanMD à la patiente, a mal documenté le dossier électronique et n’a pas procédé au calcul comparatif des équivalences de doses entre la morphine déjà utilisée par la patiente et la dose d’hydromorphone servie. À lire aussi: Un pharmacien lourdement sanctionné pour une série de comportements «intolérables»Plusieurs facteurs, atténuants cette fois, jouent toutefois en sa faveur. Outre le fait d’avoir plaidé coupable, la pharmacienne salariée s’est en effet excusée et a pris des mesures importantes pour éviter tout risque de récidive, parmi lesquelles:«ne plus se fier à ses collègues, notamment les techniciennes de services, reconnaissance que la responsabilité de l’ordonnance lui incombe»;discuter de l’ordonnance avec le patient et prendre son temps pour se concentrer en cas de doute, quitte à demander au patient de revenir plus tard;procéder aux vérifications nécessaires et contacter le médecin si besoin;proposer la livraison du médicament si elle doit procéder à une vérification et expliquer dans le détail ses inquiétudes au patient;prendre le temps de consigner toutes les informations au dossier.La pharmacienne affirme également utiliser un calculateur en ligne pour les équivalences entre les médicaments, faire preuve d’une vigilance accrue lorsqu’elle délivre des stupéfiants à ses patients et remettre des trousses de NarcanMD lorsque cela est nécessaire.Enfin, le Conseil de discipline souligne les conditions de travail pénibles dans lesquelles exerce Valeriya Bernardski depuis une fusion de pharmacies en décembre 2023. «Le nombre de services de médicaments quotidiens est en effet passé de 300-350 à 800-850, modifiant sensiblement la pratique des équipes», dont celle de la pharmacienne salariée, rapporte le Conseil. Cette dernière aurait, depuis, discuté de ces conditions de travail avec son employeur et demandé à être accompagnée d’un collègue pharmacien lors des périodes de fort achalandage. Elle s'impose également des limites pour éviter les erreurs.

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