Une avenue pour juguler les métastases du cancer du sein

«La persistance est la force la plus puissante sur Terre, elle peut déplacer des montagnes», disait Albert Einstein. Après un quart de siècle passé à étudier une protéine, la CdGAP, Nathalie Lamarche-Vane et son équipe sont parvenues à identifier qu’elle joue un rôle déterminant dans la progression du cancer du sein HER2 positif, un type de tumeur très agressive qui développe précocement des métastases. La scientifique senior au sein du programme de recherche sur le cancer de l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (IR-CUSM) nourrit l’espoir que cette découverte aboutisse à de nouveaux traitements oncologiques. «On peut imaginer des médicaments qui viendraient partiellement inhiber l’expression de CdGAP ou qui cibleraient une fonction spécifique de la protéine ou encore qui neutraliseraient son association avec certains de ses récepteurs partenaires», envisage la professeure au département d’anatomie et de biologie cellulaire de la Faculté de médecine de l’Université McGill. Ce faisant, «on pourrait éventuellement bloquer le développement de la tumeur primaire et éviter qu’elle ne produise des métastases». Avant d’en arriver là dans un futur plus ou moins proche, des recherches additionnelles sont nécessaires pour mieux cerner, au niveau moléculaire, les mécanismes induits par CdGAP. «On ne peut pas inhiber complètement son expression. Il y aurait trop d’effets secondaires, car elle contrôle plusieurs fonctions cellulaires cruciales», précise Nathalie Lamarche-Vane qui a découvert cette protéine à la fin des années 90 et se souvient d’avoir «séquencé à la mitaine» le gène qui la code. Depuis, la scientifique a établi que CdGAP contrôle le cytosquelette des cellules. Elle est ainsi impliquée dans les mécanismes de régulation de la prolifération, de la migration et de l’adhésion cellulaire. Autrement dit, «elle joue un rôle majeur dans la division cellulaire et elle sert à faire bouger les cellules», résume la chercheuse montréalaise. Dans le cadre du cancer du sein HER2 positif, «on avait constaté des niveaux très élevés d’expression de CdGAP dans les cellules cancéreuses. En inhibant totalement son expression, on a trouvé son rôle», indique-t-elle. Dans un premier temps, la protéine a un effet sur le développement des tumeurs primaires. «Si on l’enlève, on réduit la croissance de la tumeur en limitant la prolifération des cellules cancéreuses.» Dans un second temps, les travaux de l’équipe de Nathalie Lamarche-Vane, qui viennent de faire l’objet d’une publication dans la revue Cell Reports, montrent que CdGAP est une cible moléculaire de la voie de signalisation TGF-β qui, en retour, régule positivement une signature génique de la transition épithélio-mésenchymateuse (TEM) dans les cellules cancéreuses de type HER2 positif. Cette transition génère ainsi des cellules dotées de capacités de mobilité et d’invasion cellulaire qui sont à l’origine de la progression des métastases agressives du cancer. «La voie de signalisation TGF-β est requise pour que CdGAP fonctionne. En ciblant l’association entre TGF-β et CdGAP afin de l’inhiber, on pourrait endiguer le processus métastatique», suggère Nathalie Lamarche-Vane en soulignant qu’il est plus facile de développer des médicaments qui ciblent des récepteurs à l’extérieur des cellules, comme ceux de la voie TGF-β, plutôt que de chercher à atteindre directement CdGAP qui se trouve elle à l’intérieur des cellules. Une avenue que la chercheuse compte explorer en persistant à décortiquer cette protéine. «La recherche fondamentale est prioritaire dans la mise au point de nouveaux traitements», souligne-t-elle en conclusion.

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