Un virus méconnu est la cause infectieuse la plus courante d’anomalies congénitales

Bien que le cytomégalovirus (CMV) soit un virus complètement méconnu du grand public et peu dépisté par les médecins, il est néanmoins la cause infectieuse la plus courante d’anomalies congénitales chez le fœtus dans la population canadienne. Le CMV appartient à la famille de l’herpès et peut infecter n’importe qui. Le virus reste en dormance dans le corps toute la vie à la suite d’une infection, mais il peut être réactivé notamment chez les personnes immunodéprimées par certaines thérapies, par exemple. Il est aussi possible d’être réinfecté à plusieurs reprises, puisque plusieurs souches de CMV existent. La majorité des personnes ignorent qu’elles ont été infectées, car le virus cause rarement des symptômes ou des problèmes chez les personnes en bonne santé. Toutefois, les femmes enceintes doivent savoir qu’une infection à CMV peut se transmettre à leur foetus. En effet, le CMV est la cause la plus fréquente d’infections in utero; elles surviennent dans 0,2 à 2,2% de l’ensemble des naissances vivantes. Un bébé sur 200 au Canada est infecté par le CMV durant la grossesse, et 20% des enfants avec un diagnostic de CMV congénital auront des séquelles neurologiques permanentes, comme une surdité, un retard intellectuel, une cécité complète ou partielle et des troubles de développement. Toutefois, dans 80% des cas, les enfants infectés sont asymptomatiques et ne développeront pas de problèmes de santé à long terme. Au Canada, de 40% à 60% des femmes enceintes ont déjà eu le CMV mais, dans la majorité des cas, le virus ne posera pas de problème durant la grossesse. C’est au moment de l’infection que le virus est le plus dangereux, qu’il s’agisse d’une infection primaire, d’une infection par une nouvelle souche ou lorsque sa réactivation est suffisamment importante pour que le virus circule dans le sang. Comment protéger les femmes? Le CMV peut entraîner de lourdes conséquences sur la santé du fœtus, ce qui démontre l’importance d’éduquer les femmes enceintes en matière de prévention, d’autant plus que les gestes à appliquer sont très simples. Le virus se transmet lors du contact avec des fluides corporels, principalement l’urine et la salive. Pour s’en protéger, CMV Canada recommande aux femmes enceintes de se laver les mains fréquemment, d’éviter de partager des ustensiles, boissons et nourriture avec les jeunes enfants et de mettre la suce de leur bébé dans leur bouche, de ne pas embrasser son enfant sur la bouche et de nettoyer souvent toutes les surfaces et les jouets qui auraient pu être en contact avec les fluides de l’enfant. «Les moyens de prévention sont peu expliqués aux femmes, explique la Dre Isabelle Boucoiran, gynécologue-obstétricienne au CHU Sainte-Justine. Je vois souvent des femmes dont le bébé a été diagnostiqué, mais qui n'ont jamais entendu parler du virus. Et ça, c’est un gros problème. Il a été démontré qu'éduquer les femmes sur l’existence du CMV et comment s’en protéger diminue les risques d'infection. Les femmes se fient à leur médecin traitant pour leur faire passer ce genre de message. Grâce aux nouvelles lignes directrices, dont je suis coauteure, et les communications de la SOGC à ce sujet, les professionnels de la santé seront davantage alertés.» Il est surprenant de constater qu’il n’y a rien sur le CMV actuellement dans le guide québécois Mieux-vivre avec son enfant de 0 à 5 ans, la bible des nouveaux parents, comme nous l’a fait remarquer la Dre Boucoiran, qui plaide pour son intégration dans la prochaine édition. Le dépistage du CMV n’est pas systématique La dernière recommandation de la SOGC indique qu’un dépistage peut être proposé aux femmes les plus à risque, soit celles qui sont enceintes et qui vivent avec un enfant de moins de trois ans, ainsi que les femmes envisageant une grossesse et qui ont des contacts répétés avec des jeunes de cet âge. Une femme enceinte qui vit avec un enfant infecté a une chance sur quatre d’être contaminée, car les jeunes excrètent beaucoup le virus sans nécessairement présenter de symptômes. «L’un des enjeux avec le dépistage du CMV, poursuit la Dre Boucoiran, qui est aussi membre du comité de maladies infectieuses de la SOGC, est que nos tests sont capables de dépister l'infection primaire avec les sérologies IgG et IgM et un test d’avidité, mais pas une réinfection à une nouvelle souche ou une réactivation de la souche ancienne.» Toutefois, nous indique-t-elle, le test d’avidité est disponible dans plusieurs provinces, dont le Québec, mais pas partout au pays. «C'est un réel enjeu: on ne peut pas faire de dépistage si on n'a pas ce test-là, car les IgG et IgM seuls ne sont pas suffisamment fiables pour identifier les infections primaires.» La plupart des diagnostics de CMV durant la grossesse ont été réalisés parce que le médecin a fait un dépistage ou parce que des anomalies échographiques anténatales ont été détectées, mais qui ne témoignent pas nécessairement d’une atteinte grave. Plus l’infection est détectée tôt dans la grossesse, plus les bénéfices sont grands pour le fœtus. Des efforts de sensibilisation vont d'ailleurs en ce sens, le mois de juin étant consacré au cytomégalovirus pour informer tant les femmes enceintes ou en âge de procréer que les prestataires de soins périnataux. «La femme peut suivre des traitements pour essayer de minimiser la gravité de l'atteinte chez le fœtus, bien qu’ils soient encore de l'ordre de l'expérimental, rappelle la Dre Boucoiran. Si on a un soupçon ou une infection confirmée durant la grossesse, on va pouvoir le confirmer à la naissance et mettre en place des traitements comme des antirétroviraux spécifiques et des stratégies pour le développement auditif, par exemple. Ce type d'intervention change tout pour le développement de l'enfant à long terme. En Ontario, ils font le dépistage systématique de tous les nouveau-nés pour l'infection congénitale à CMV depuis environ un an.»

Un virus méconnu est la cause infectieuse la plus courante d’anomalies congénitales

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