Un supplément en vente libre à prendre avec précaution

Le cancer colorectal est le troisième cancer le plus diagnostiqué dans le monde. Ses origines sont multiples, notamment: l’environnement, l’alimentation et la composition du microbiote intestinal. Il a été démontré que certaines bactéries contribuent à son développement en dégageant une toxine responsable de mutations. En effet, la souche Escherichia coli, appelée E. coli pks+, dégage une toxine, la colibactine, qui cause des cassures dans l’ADN des cellules hôtes. Ces cassures favorisent un haut taux de mutations responsables du développement de tumeurs intestinales. Étudier la prévalence de la bactérie Partant de cette prémisse, Manuela Santos, cheffe du laboratoire de nutrition et du microbiome du Centre de recherche du CHUM et professeure au Département de médecine de l’Université de Montréal, souhaitait investiguer la prévalence de la bactérie dans la population québécoise, autant auprès d’une population en santé que d’une population atteinte du cancer colorectal. Manon Oliero, étudiante de doctorat dans l’équipe de Manuela Santos, explique leur découverte: «Nous avons constaté que 42% des personnes saines étaient colonisées par cette bactérie, contre 46% des individus avec un cancer colorectal.» Ce résultat surprenant pour l’équipe a été publié dans Gut Pathogens. «Ce n’est pas parce qu’on est colonisé par la bactérie qu’on va avoir le cancer. Il y a d’autres facteurs de risques», ajoute l’étudiante de doctorat. Manuela Santos ajoute: «Nous savons que quatre bactéries causent le cancer colorectal. Elles produisent des toxines qui causent des mutations. Plus il y a de mutations dans l’intestin, plus les risques de cancer augmentent. Si le cancer colorectal se forme sur dix ans, la présence d’une de ces bactéries est un accélérant où le cancer peut se développer en cinq ans», mentionne-t-elle, à titre d’exemple. Réduire la croissance de la bactérie Pour limiter la croissance de cette bactérie E. coli pks+, l’équipe de recherche a étudié plusieurs suppléments alimentaires dont les propriétés sont reconnues pour une bonne santé intestinale, comme l’inuline. «L’inuline est une fibre alimentaire connue pour ses propriétés de faire proliférer les bonnes bactéries», explique Manon Oliero. L’équipe a constaté, avec surprise, que l’inuline nourrit aussi la bactérie E. coli pks+ et augmente ainsi les risques de cancer colorectal. Les tests, tout d’abord in vitro, et ensuite sur un sujet murin, ont mené à la même conclusion sur les effets de l’inuline. «Ça ne veut pas dire que la consommation d’inuline cause le cancer. Cependant, la consommation à long terme, pour substituer une mauvaise alimentation, pourrait mener à des mutations responsables du cancer colorectal», précise l’étudiante au doctorat. «Dans certains cas particuliers, la supplémentation à l’inuline peut aider à court terme. En revanche, la prise de l’inuline à long terme peut s’avérer dangereuse sans l’avis d’un médecin», affirme Manon Oliero, doctorante en nutrition à l’Université de Montréal. La chercheuse mentionne également la présence de l’inuline dans la nourriture transformée. «L’inuline est aussi utilisée comme agent gélifiant et sucrant. On peut la retrouver dans les gâteaux, les yogourts, par exemple. Sa présence dans la nourriture transformée pourrait faire en sorte qu’on en consomme sans le savoir», prévient-elle. Une découverte logique Pour Dr Mikael Bouin, gastroentérologue au CHUM, professeur titulaire à la Faculté de médecine de l’Université de Montréal, cette découverte est tout à fait logique. «Si l’inuline est reconnue pour nourrir les bactéries, pourquoi elle ferait une distinction entre les bonnes et les mauvaises bactéries?» se questionne-t-il. «Ce prébiotique favorise la croissance des bactéries, et elles ne sont pas nécessairement toutes gentilles!» Pour lui, les prébiotiques retrouvés dans les aliments devraient suffire aux besoins. «Les meilleurs prébiotiques et probiotiques, c’est dans l’alimentation qu’on les trouve. Les suppléments n’ont jamais démontré d’effets positifs et jusqu’ici pas d’effets négatifs.» Le Dr Bouin martèle le message qu’on entend déjà en prévention du cancer colorectal depuis plusieurs années: «On le sait: les gens qui ont une alimentation saine, la moins transformée possible et la plus biologique possible, sont les moins touchés par le cancer colorectal.» Manon Oliero affirme être sur le point d’atteindre son but initial, soit de trouver des composantes alimentaires capables de freiner la croissance de la bactérie E. coli pks+. «Les agrumes et les poivrons semblent être de bonnes pistes. Nous effectuons actuellement des tests pour mieux comprendre leurs effets.»

Un supplément en vente libre à prendre avec précaution

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